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  • Rose Ausländer, « Pays maternel »

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    « Je cherche

     

    Une fois un poème

    Trouvé

    Je cherche

    Le mot interligne

    Dans la danse des lettres

    Consonnes voyelles

    Je palpe la longueur la largeur

    Des mots

    Cherche et invente

    Le mot

    Animé du souffle

     

    Voix II

     

    Dans la frondaison résonne encore

    L’élégiaque

    Rossignol

     

    Des voix d’abeilles

    D’une clarté mielleuse

     

    Éther

    Polyphonique

     

    Écoute

    Le mot haleine du poète

     

    Écoute

    Tes propres mots »

     

    Rose Ausländer

    Pays maternel

    Traduit de l’allemand par Edmond Verroul

    Héros-Limite, 2015

  • Pascal Quignard, « Princesse Vieille Reine »

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    © cchambard

     

    « Ce n’est pas le besoin qu’éprouvait George Sand de s’écarter le plus possible des siens, des domestiques, du groupe, de se réfugier dans un coin de l’espace qui me paraît constituer une aspiration extraordinaire, c’est le nom qu’elle donnait à ce refuge : elle l’appelait “l’absence”.

    Elle ne disait pas retraite, otium, cabinet de travail, cellule, chambre à soi, solitude. Elle nommait ce “petit coin” de sa maison de Nohant : L’Absence.

    Toute sa vie elle désira être absente à l’intérieur de l’Absence.

     

    Il se trouve que, toutes les fois où elle se retrouvait chez elle, à Nohant, George Sand écrivait dans la chambre où lui avait été annoncé, lorsqu’elle était enfant, la mort de son père, désarçonné sur la route de La Châtre.

    C’était là où on lui avait fait enfiler des bas noirs.

    C’était là où on avait enseveli son petit corps maigrelet et nu de petite fille âgée de quatre ans sous une lourde robe de serge de Lyon beaucoup trop grande pour elle.

    C’était dans cette chambre qu’on avait forcé la fillette à envelopper ses cheveux du long voile noir des veuves.

     

    C’est dans cette chambre, toute sa vie, qu’elle attendit que son père “eût fini d’être mort”.

    Où elle ouvrait son livre.

     

    Toute sa vie on cherche le lieu d’origine, le lieu d’avant le monde, c’est-à-dire le lieu où le moi peut être absent, où le corps s’oublie.

     

    Elle lisait.

    C’est ainsi qu’elle était heureuse. »

     

    Pascal Quignard

     Princesse Vieille Reine

    Galilée, 2015