vendredi, 05 août 2022
Qian Zai, « Séjour au jardin »
« Un mois sans venir,
L’ombre de l’orme et du sophora a déjà grandi.
Sur les murs, de petites plantes poussent,
À la surface de l’étang, les nénuphars ronds sont apparus.
Passant tranquille, je déambule sur les chemins,
Me promenant dans les livres comme au milieu de multiples villes.
Le vent du sud apporte la pluie,
Assis, j’écoute le roucoulement de la tourterelle. »
Qian Zai — 1708-1793
« La dynastie des Qing », traduit par Sandrine Marchand
in Anthologie de la poésie chinoise
Gallimard, La Pléiade, 2015
Zhu Da — 1626-1705
Fleur de lotus et rocher
encre sur papier, rouleau vertical : 132,8x41,2 cm
Musée du Palais, Taipei
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mardi, 27 août 2019
Sima Guang, « Sur les rimes du poème de Shao Yaofu, “Chant des activités dans le nid de la joie paisible” »
« Dans la terrasse magique, libre de toute affaire, chaque jour ouvert et gai,
Paisible et joyeux, revenu à la source, il ne cherche rien au-dehors.
Lorsqu’il bruine et que souffle le vent froid, il reste seul assis,
Et quand le ciel est clair et les scènes sont belles, il randonne à son aise.
Les pins et les bambous ouvrent à suffisance ses yeux noirs,
Et qui l’empêche d’épingler sur sa tête blanchie des fleurs de pêchers ?
Moi qui ai pour mission de rédiger des livres,
Pour vous je volerai un instant et monterai sur le haut pavillon… »
Sima Guang – 1019-1086
« La dynastie des Song du Nord — 960-1127 »
Textes traduits, présentés et annotés par Stéphane Feuillas
Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
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jeudi, 29 novembre 2018
Su Shi, « Écrit pour les adieux de Cen »
Portrait imaginaire de Su Shi par Zhao Mengfu
« Paresse semble souvent pareille au calme,
Mais le calme est-il l’élève de la paresse ?
Maladresse est tout près de droiture
Mais la droiture est-elle maladroite ?
Vous êtes calme et droit, messire,
Naturel et délié au gré des circonstances.
Hélas ! moi, que fais-je encore ?
De vous avoir connu, je tire nouvelles joies.
Je ne vais pas contre le monde,
Nous sommes simplement différents.
Moins habile qu’un pigeon dans les bois,
Plus lent qu’un poisson sous les glaces.
La droiture parfois s’étire et se déploie,
Le calme n’est jamais définitif.
Et moi je souffre de ces maux
Que ne guérissent ni aiguilles ni simples.
Au moment du départ, étonné des alcools si légers,
Et après les adieux, laissé seul dans les larmes.
Nous nous reverrons un jour, c’est certain,
Même si, j’en ai peur, la vie publique nous éloigne.
Je m’en remets seulement au rêve des anciennes collines
Qui vous emmènera dans ma pauvre chaumière. »
Su Shi (Su Dungpo) – 1037-1101
« La dynastie des Song du Nord »
Traduit par Stéphane Feuillas
In Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
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lundi, 05 mars 2018
Qin Guan, Deux poèmes
« AUX CONFINS DU CIEL, LOURDE DE CHAGRINS PASSÉS…
Air : « Les Magnolias. Version abrégée ».
Aux confins du ciel, lourde de chagrins passés,
Seule, glacée, misérable, et nul ne s’enquiert de moi,
Je voudrais dévoiler mon cœur aux mille tourments brisé,
Comme se brise le parfum des fines écritures* hors l’encensoir doré.
Mes sourcils de jais si souvent froncés
Qu’un vent de printemps ne peut même détendre ;
Lasse, appuyée dans un pavillon haut perché :
Une grue qui s’enfuit dessine trait après trait ma peine…
SUR LA BRANCHE UN LORIOT AUX MÉLODIES INCESSANTES…
Air : « Ciel de perdrix »
Sur la branche un loriot aux mélodies incessantes qui s’accordent à mes larmes,
Traces de pleurs nouvelles ajoutées aux anciennes.
Tout le printemps, les carpes et les oies sauvages n’ont porté nulle lettre** ;
Séparée par les passes et les monts sur mille lis, mon âme, hors d’elle, en songe s’épuise.
Muette, face aux coupes parfumées,
Je prépare mon cœur qui se brise au crépuscule qui vient.
Je viens juste d’allumer les lanternes,
La pluie frappe les fleurs de poirier, et je ferme à fond les portes. »
* les fines écritures (litt. « la petite sigillaire ») désignent les volutes qui s’échappent du brûle-parfum.
** les anciens Chinois croyaient que les carpes et les oies sauvages étaient des messagers.
Qin Guan (1049-1100)
« La dynastie des Song du Nord — 960-1127 »
Textes traduits, présentés et annotés par Stéphane Feuillas
Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
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jeudi, 11 mai 2017
Tao Yuanming, « Le retour aux champs »
« À l’enfant que j’étais point ne plaisait le monde
Et mon cœur pour les monts était tout plein d’amour.
Mon erreur m’a jeté dans les filets du siècle
Et trente années, pas moins, se sont ainsi enfuies.
L’oiseau tenu en cage se languit de ses bois,
Le poisson du bassin rêve de son étang.
J’ai défriché un champ dans les landes du sud :
Le rustre que je suis s’en revient à la glèbe !
Je ne possède en tout que quelques dix arpents
Une étroite chaumière de huit ou neuf travées.
L’arrière est ombragé d’ormes et de grands saules,
Le devant est planté de pêchers et poiriers.
Dans un lointain diffus s’aperçoit un village
D’où montent alanguies des fumées paresseuses.
Là-bas des chiens aboient au détour des ruelles,
Les coqs lancent leur chant tout en haut des mûriers.
Mon portail et ma cour ignorent la poussière,
Je goûte un long loisir dans la chambre déserte.
Je suis bien trop longtemps resté dans une cage,
Mais je retrouve enfin toute ma liberté.
* * *
Je reviens grommelant, m’appuyant sur ma canne ;
Le chemin, très pentu, contourne les fourrés.
L’eau du ru montagnard est très pure et très claire ;
C’est tout ce qu’il me faut pour me laver les pieds.
Je vais tirer du vin, du vin nouveau, bien chaud,
Je saisis un poulet, j’appelle mes voisins.
Le soleil s’est couché et l’ombre emplit la pièce ;
Un bon feu de broussailles nous tient lieu de lampe.
Alors la joie s’en vient. Hélas, la nuit est brève
Et voici que déjà un nouveau jour se lève. »
Tao Yuanming – 365-427
Le retour aux champs
– série de cinq poèmes, ici le premier et le dernier –
in « Les Six Dynasties et les Sui »
traduit du chinois par François Martin
Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2016
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mardi, 25 octobre 2016
Liu Dakui, « Offert à Xu Kunshan »
Gallica, tableau des peuples tributaires de la grande dynastie impériale de Chine pour l'empereur Qian long (1711-1799)
« Cela fait plus de dix ans,
Hélas, que je suis arrivé à Chang’an.
Parmi la foule immense, regardant de tous côtés,
Je ne connaissais personne.
Un jour, je montais sur un âne boiteux,
Ignorant encore qui j’allais rencontrer.
Je frappai à la porte de chez vous,
Et nous parlâmes de tout au point d’émouvoir les esprits.
Le vieux cheval a les os de travers,
Mais son cœur valeureux lui fait parcourir dix mille lis.
Le vent du nord souffle depuis la lointaine Mongolie,
Sans que l’on puisse l’empêcher de gémir.
Les gens de Chang’an sont riches et nobles,
Pourtant ils savent goûter la saveur d’une vulgaire bouillie.
Vous appréciez la franchise et l’audace,
Prêt à souffrir la faim pour vivre de littérature et d’histoire.
Au matin, je fredonne des vers jusqu’au soir sans repos,
À la nuit, je psalmodie jusqu’à l’aube sans une pause.
Mes difficultés s’allient à mes peines infinies,
Le noir de ma vie s’élève jusqu’au ciel.
Mon existence est semée de cent chagrins,
Je ne pourrai pleurer qu’arrivé à son terme.
Mais ce que je confie à mon cœur,
Je peux continuer à le partager grâce à vos bienfaits.
Au milieu de la nuit, une humble lune se lève,
L’ombre des hauts sophoras se répand sur le guéridon devant ma fenêtre.
Ma chevelure blanche est clairsemée,
Je chante pour vous une pastorale. »
Liu Dakui – 1698 - 1779
Traduit du chinois par Sandrine Marchand
Dynastie des Qing in Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade/Gallimard, 2015
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