jeudi, 21 mars 2019
Olivier Domerg, « La méthode Vassivière »
© Brigitte Pallagi
« […] Toute cette enfance enviait
la rumeur de la forêt et du lac
* * *
Poèmes jetés,
structures téméraires.
Le charivari des oiseaux.
Depuis les pâturages
les clôtures vagabondent.
Lumière intrinsèque
du paysage,
structurations de la campagne
tonitruante :
page magique telle l’ardoise.
La vie
chaque jour poursuivie.
* * *
Le brouillard qui se lève
sur les champs.
Toute chose ramenée
à une forme
opaque.
Le cri des colverts
s’interpellant.
Nous avions appris ces mots
ruraux et les avions oubliés.
* * *
Par la suite, nous pensions
que le lac intense
était la “lumière de ce monde”.
Personne ne nous avait démentis
à ce sujet.
Nous nous dirigions vers ce bois
baptisé “de sculptures”,
nous pénétrions dans la forêt
et nous marchions
jusqu’à ce
qu’un changement s’opère.
Qui s’opérait,
de fait. »
Olivier Domerg
La méthode Vassivière
Dernier Télégramme, 2018
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dimanche, 20 mars 2016
Olivier Domerg, « Le temps fait rage »
« […] le temps fait rage. pourtant, tout vous porte & vous exhorte. vous êtes là, devant le puzzle de cette masse insoluble. vous ne craignez rien, ni la compacité, ni l’obscurité, ni le non-sens, ni l’obscurantisme. vous êtes entrainé pour ça. vous vous préparez depuis longtemps, très longtemps, à redoubler d’efforts, à aller au fond des choses, à déchiffrer ce qui se trouve devant vous & vous fait face. à intégrer les données provenant de tous vos sens. opérations de saisie, d’interprétation & leurs interactions nombreuses. plus on avance, plus on découvre la découpe saillante et parfois arrondie de la crête. combien de temps encore tenir contre le vent & son boucan ? combien de fois encore venir s’y confronter ? le temps fait rage. il n’y a pas forcément de progrès dans la série, seulement l’obstination de mieux coïncider avec chaque moment. l’ombre glisse sur la montagne, coulisse dessus comme un rideau occultant. pendant ce temps, tout l’autre côté se découvre & se remet à briller sous la lumière vive. la phrase est nécessaire, la phrase doit vivre. il y a une nécessité de tenir par la ou les phrase(s), détenir aux phrases. il faut que tout livre soit, en lui-même, une insulte à l’oppression. repasser en vision globale. monceau pyramidal constitué de morceaux superposés, saillants, désordonnés, vaguement additionnés ou posés les uns sur les autres, vaguement collés ou accolés. monceau scellé par le ciment du temps, la formation des monts & montagnes, leur géologie ou généalogie (à décrypter aussi). il est bon aussi d’éprouver & de pénétrer davantage, de mettre sur le gril, si la force des bourrasques ne décourageait, par avance, toute station, toute installation durable, toute tentative de réduire la distance, de mieux coïncider ; toute possibilité de tenir dans ce couloir venteux autrement qu’accroupi, ou plié en deux, protégeant tant bien que mal – illusion sans retenue pour le présent intégral – crayon & carnet aux pages qui claquent. »
Olivier Domerg
Le temps fait rage
le bleu du ciel, 2015
19:06 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : olivier domerg, le temps fait rage, le bleu du ciel
lundi, 22 septembre 2014
Brigitte Palaggi & Olivier Domerg, « Fragments d’un mont-monde »
« Désécrire le poème quand il vient. Jalonner son chantier d’inscriptions citations injures ou de formules prétendument définitives. Vouloir que Manse soir le lieu d’une bataille au long cours, d’une empoignade, d’un règlement de conte poétique et alpin. Et, chaque matin, à heure dite, se retrouver sur le pré, pour, dans l’intervalle et dans l’amble du présent, enregistrer tout ce qui survient, séance tenante, fragments de temps, bribes de chant, pans de mont et de monde. Pour consigner l’inconsignable, stigmates du sol, mouvements invisibles, géologies intérieures, pluralité (rurale) du réel, de même que cet “infini détail du fini”.
Faire syntaxe de tout.
Perpétrer quelques exactions, chutes de registres ou fautes de goût, au passage. Se comporter comme un maladroit, un persifleur, un soudard, un grossier personnage. Pousser la poésie à la faute, à la sortie de piste ou de virage. L’envoyer sur les rosses, plutôt que sur les roses. L’acculer dans ses ultimes ressources et retranchements. Lui faire la misère : entourloupes, pied de nez, croche-pattes ; la mettre en cause et en doute ; lui tendre sans cesse des embuscades, dans ce défilé repéré, hier encore, par exemple, au bas de la crevasse, au pied du Puy immense, au seuil de sa très lente hémorragie, dans son repli le plus intime, le plus interne, comme au plus près de la masse. »
Brigitte Palaggi & Olivier Domerg
Fragments d’un mont-monde
Autres et pareils / Le bleu du ciel, 2013
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