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  • Depuis des jours

    depuis des jours la pluie
    ce matin du brouillard

    j’habite la petite maison de pierre
    cette petite maison qui m’émeut
    car elle ressemble à la petite maison
    de mon enfance
    où je suis heureux pour toujours

    depuis des jours la pluie
    & ma petite voix qui chuchote
    « tu es d’un autre siècle »


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    Ces quelques lignes constituent la page 19 de mon prochain livre,

    le Chemin vers la cabane, à paraître en juin au bleu du ciel.

  • Je suis resté immobile....

    Je suis resté immobile une grande partie de la soirée devant une tasse. Il faut être fou pour fabriquer l’avenir. Comme ce mot est étrange ce matin.

    Puis je suis allé m’allonger le long du muret en moellons pour parler avec les anciens. Pour la première fois le ciel était clair. La Grande & la Petite Ourse, le Chariot, le Lion & le Petit Lion, la Chèvre, le Lynx… Il faisait froid. Grandpère m’a dit qu’il avait parlé avec ton grand-père. Que c’était bien nous deux. Nous avons parlé assez longtemps. Tout était très silencieux. J’ai pensé que le lierre allait s’entortiller autour de mon corps. Grandpère m’a tendu un gobelet que son père avait forgé. L’eau était fraîche & avait un petit goût de fer. « Ne sois pas mélancolique » m’a t-il dit.

     

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    Ces quelques lignes constituent la page 57 de mon prochain livre à paraître en juin au bleu du ciel. 

  • Autofiction ? Une page du jour.

    Cet homme fut un monstre de lâcheté et d’ignorance.
    Voilà ce qu’il a fait graver sur sa pierre tombale. Pierre noire et froide, pierre convenue, pierre imbécile de cimetière ni tout à fait pareille, ni tout à fait une autre, nous sommes identiques devant la mort répètent, reniflent, les bien-pensants de droite, de gauche, du centre et du reste…
    ¿ Por qué no te callas ?, a-t-il crié à son reflet, à son double inversé, dans la glace, ce soir d’un automne aussi lugubre que le fonds de la casquette d’un dictateur modèle courant.
    Et sur cette plaque de granit lustré, noire comme la pierre idiote que l’on a posé sur la tombe de Marcel Proust au Père Lachaise à des fins de réfections, sur cette page d’un livre noir moins drôle qu’une page de Tristam Shandy, moins profonde qu’une encre lithographique, moins dure que le cœur d’un sans cœur, il se recueille sur lui-même. Vaguement. Il se recueille vaguement. Que se recueillerait-on sur soi-même sans craindre ses propres remarques, les pires car si elles ne font jamais très mal sur l’instant, elles durent souvent plus que celles des autres, les intrus, les faux-amis, les jesaistout, les chefs, les sous-chefs, les moinsquerien et les plusquetout… pareil, tout pareil, tous pareils.
    J’aurais du la faire fabriquer en calcaire de Bourgogne, ça a tout de même une autre gueule, pense-t-il. Cet artisan auxois m’aurait gravé un beau Didot, ah merde, ça aurait ressemblé à quelque chose, à une page, voilà à une page, mais ça…
    Je veux juste avoir la paix, pense-t-il. Pas des cachets roses ou des cachets bleus, pas des simulacres ou des contournements, pas des remèdes, pas des béquilles, pas des bons sentiments, pas des effusions, juste la paix sous la dalle.

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  • Philippe Lacoue-Labarthe

    « – Ayant traversé le gravier qui borde la maison (même bruit de tempête non survenue), j’ai marché jusque vers le fond du jardin et je me suis arrêté près du tas de terre et de cendre que tu connais, peut-être pour regarder, par-dessus la clôture, les vagues collines, la plaine. Ce n’était pas encore l’hiver, mais il faisait froid, très froid. (C’est la première fois que je séjournais en cette saison dans ce pays qui n’est pas plus le mien que n’importe quel autre et que je connais mal, en dépit de tout.) Les animaux n’avaient pas encore bougé. Il ne s’est évidemment rien passé, mais je savais que cela m’était déjà arrivé : je le savais, l’ignorant : je reconnaissais cette nouveauté absolue, ce ruissellement, cette fatigue.
        Non, je n’étais pas interdit, mais d’une indifférence sans limite : je pouvais mourir. »
    Philippe Lacoue-Labarthe
    Phrase
    Coll. Détroits, Christian Bourgois, 2000
     
    439589.JPGEn façon d’hommage à Philippe Lacoue-Labarthe à l’occasion de la rencontre organisée, pour la parution de la revue L’ANIMAL qui lui est consacrée, le vendredi 23 mai à la librairie Kléber à Strasbourg par Isabelle Baladine Howald (son nom soit loué pour l’éternité & un jour), avec Jean-Luc Nancy, Claire Nancy, Hélène Nancy, Bernard Baas, Jean-Christophe Bailly, Philippe Choulet, Sylvie Decorniquet, Michel Deutsch, Francis Fischer, André Hirt et Isabelle Baladine Howald.

    L’Animal N°19-20
    printemps 2008, 29 €
    Cahier Philippe Lacoue-Labarthe
    (sous la direction de Philippe Choulet et d'Emmanuel Laugier)
    Textes de :
    Jean-Luc Nancy - Jean-Christophe Bailly
    Philippe Choulet - Emmanuel Laugier
    Michel Deutsch - Walter Benjamin - Hélène Nancy
    Clemens-Carl Härle - Jean-Pierre Moussaron - Sylvie Decorniquet
    Patrick Hutchison - Francis Fischer - Philippe Beck
    Isabelle Baladine Howald - André Hirt - Bernard Baas
    Dessin de François Martin - Mario et Federico Nicolao
     
    *
    Philippe Lacoue-Labarthe
    [ L’Afrique… (entretien)
    “ Détroits ” - Hölderlin, deux poèmes de la folie
    Traduction et histoire – Hölderlin (entretien)
    La forme toute oublieuse de l’infidélité - Bye bye Farewell
    D’un “désart” obscur, remarque sur Adorno et le jazz
    Monogrammes X - Le Baudelaire de Benjamin : l’utopie du livre
    Syberberg : de l’Allemagne après Hitler
    Le cinéma comme relais de l’idée nationale
    Logos et techné - De la clarté
    Au nom de l’Europe - Éloge, sur Guy Debord
    Phrase X
    ]
     
    &
    Le Simple
     
    Emmanuel Laugier / Au Hasard Balthazar [Robert Bresson]
    Guennadi Aïgui - Joël-Claude Meffre - Jean-Paul Engélibert / Les idiots [Lars von Trier] - Emmanuel Darley - André Hirt / Un cœur simple  [Gustave Flaubert]- Mathieu Provansal
    Bernard Sève - Eva Gerlach - Bruno Fran - Stéphanie Ferrat - Fabio Pusterla

  • La Symphonie du loup, Marius Daniel Popescu

    772533361.jpg« Les âmes des vivants et les âmes des morts sont de douces marionnettes. La chose la plus extraordinaire est que tu as compris que les marionnettes se font bouger les unes les autres. Chaque marionnette fait fonctionner d’autres marionnettes et ainsi de suite. Il n’y a pas de marionnettes sans importance pour les autres marionnettes. Tu as compris que tu es aussi une marionnette et tu cherches non pas à t’affranchir de l’état de marionnette, chose impossible, mais à ne pas utiliser cet état de fait et à le laisser s’atrophier par manque d’exercice. Chaque fois que la marionnette qui est en toi veut s’exprimer, tu t’abstiens de prendre position, tu t’éclipses, tu te retires, tu n’interviens pas et la marionnette se meurt dans sa soif inassouvie. »
    Marius Daniel Popescu
    La Symphonie du loup
    José Corti, 2007

     

    1890235781.jpgVoici un livre surprenant et qui annonce la naissance d’un écrivain.
    Marius Daniel Popescu est roumain de naissance (1963) et il vit en  Suisse aujourd’hui. Il écrit en Français. Pour l’anecdote, il est chauffeur de bus à Lausanne quand il n’écrit pas, mais je l’imagine très bien écrire à chaque terminus, le carnet sur le volant.
    Il a obtenu le Prix Robert Walser pour ce premier roman.
    La Symphonie du loup est composée de 146 mouvements, sans chapitre, coulée d’un bloc mais animée de variations et de changements de gammes assez détonnants.
    Dès l’ouverture sur la mort accidentelle du père on est saisi par une densité d’écriture assez prodigieuse, proche souvent de la transe chamanique, ou du rythme des prédicateurs dans les parcs londoniens. Mais Popescu n’a rien à vendre si ce n’est son humanité joyeuse même dans les pires moments.
    Le souffle qui anime cette symphonie semble inépuisable, tournant d’un narrateur l’autre, éclairant les jours d’une vie simple sur terre, entrelaçant  « je », « tu », « il », afin d’atteindre à une réelle universalité complexe, vive, rugueuse et joyeuse.
    La Roumanie, la dictature roumaine, est le décor de ce roman bouillant, passionné et passionnant, vif, enthousiaste, qui nous montre un personnage tour à tour petit-fils, fils et père dans une Europe en devenir, avec les langues et les cultures en partage pour construire une terre possiblement vivable où demeure le doute, où le suicide est possible certes, mais où une solution est toujours envisageable tant que l’on a envie de vivre d’un rien, d’un rire et d’un souffle léger sur la joue.
    Il faut lire cette Symphonie du loup parce que les livres indispensables sont devenus rares comme un jour sans Sarkozy.

     


    PS : Malgré ce grand livre le blogueur est fatigué, plombé, il va donc se reposer, si possible, pour une durée indéterminée.