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  • Papillons de mots sur le site d’Emmanuelle Pagano

    “ Sophie Chambard a une drôle de manie d’art : elle met des faux papillons en boîte. Papillons de papier, papillons de mots.

    Il y a quelque temps, son mari lui a donné une image du manuscrit des Mains gamines téléchargée chez Armand Dupuy, et, comme elle avait aimé Les Adolescents troglodytes, elle en a fait des papillons… ”

     

    PapillonsSophie1.jpg

     
    La suite sur http://lescorpsempeches.net/corps/?p=249
  • Alain Veinstein

    1674955260.jpg« Quand j’avais une journée devant moi, je me croyais habile à embrasser l’étendue, à écrire sous la menace, à vivre dans la peur… J’aimais une enfance pour écrire mon amour… J’ai dû écrire le mot deux ou trois fois, sans peur… Un peu de mort, sans peur, renforçait mes phrases… J’aurais voulu écrire jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne sous un nom… »
     
    55454525.JPGAlain Veinstein
    Ébauche du féminin
    Lithographies de Claude Garache
    Coll. Médiane, Maeght éditeur, 1981

  • Emily Jane Brontë

    FORT JE RESTE,
    AYANT SOUFFERT

    2132735231.jpg « Fort je reste, ayant souffert
    Haine, colère et dédain ;
    Fort je reste et ris de voir
    Leurs assauts livrés en vain.

    J’abjure, Esprit de maîtrise,
    Les mesquines voies humaines !
    J’ai le cœur et l’âme libres :
    Fais-moi signe, et je te suis.

    Sache-le, sot insincère
    Qui méprises le dédain,
    Ton âme passe en bassesse
    Les plus vains d’entre les vers.

    Dans ton fol orgueil, poussière,
    M’oses-tu prendre pour guide ?
    Je veux être avec les humbles,
    Les hautains ne me sont rien ? »
    novembre 1837

    Emily Jane Brontë
    Poèmes
    Traduit de l’anglais par Pierre Leyris
    Poésie/Gallimard, 1963

  • John Keats

    « CETTE MAIN VIVANTE, À PRÉSENT CHAUDE ET CAPABLE »


    « Cette main vivante, à présent chaude et capable
    D’une étreinte fervente, ne manquerait, serait-elle froide
    Et dans le silence glacial de la tombe,
    De hanter tant tes jours et tant transir les rêves de tes nuits,
    Que tu souhaiterais ton cœur tari de sang
    Pour qu’en mes veines à nouveau puisse la vie rouge affluer,
    Et toi calmer ta conscience. Regarde, la voici
    Vers toi, vers toi je la tends. »1517300839.jpg

     

     
    John Keats
    Seul dans la splendeur
    Traduit de l’anglais
    et présenté par Robert Davreu
    Coll. Orphée, La Différence, 1990

  • David Gascoyne

    CHAMBRE D’HÔTEL*

    « Lorsque la lueur d’un triste dimanche,
    Glissant à travers la pluie, argentait
        La pierre grise de la ville,
    Couchés côte à côte, sans une parole,
    Au-dessus des quais pavés de cette île
    Qu’entourait le flot en crue de la Seine,
        Nous contemplions fixement
    Un plafond aride et blanc — comme si
    Nous étions pour toujours ensevelis
        Au fond d’un chagrin taciturne.

    Et quand, à la fin, j’ai tenté de prendre
    Ta main dans ma main, et de t’incliner,
        Visage étranger, vers mes lèvres,
    Tu as quitté d’un bond le lit, tu as
    Traversé la chambre et, debout, longtemps
    Regardé sous le rideau de la vitre
        Les platanes qui se penchaient
    Pour interroger comme toi le fleuve,
    Question sans réponse et tout aussi vieille
        Que l’infortune de la terre. »   

    1418073011.2.jpgDavid Gascoyne
    Miserere
    Traduit de l’anglais par Jean Walh,
    Jean-Jacques Mayoux, Armand Guibert,
    Yves de Baiser, Jean Mambrino, Pierre Leyris,
    Pierre Ostev Soussouev, David Kelley,
    François Xavier Jaujard*, Paul Le Jéloux
    Postface de Robin Skelton
    traduite par Michèle Duclos
    Granit, 1989

  • William Shakespeare

    988896814.jpgSonnet LXVI
     
    « Lassé de voir, je crie, vers la mort reposante : voir le mérite né en état mendiant, voir la chose de rien jovialement accoutrée, voir la plus pure loyauté trahie méchamment,
    Voir les honneurs dorés honteusement placés, et la vertu des filles violées grossièrement, voir la juste perfection injuste dégradée, et voir la force par voie boiteuse évincée,
    Voir l’art fermer la bouche sous l’autorité, et la doctorale folie donner ses ordres au talent, et la simple vérité passer pour stupidité, voir le Bien captif, au service du Mal, commandant.
    Lassé de voir — je voudrais m’en aller — si ce n’est que mourir laisserait seul l’aimé. »
    William Shakespeare
    Sonnets
    version française de Pierre Jean Jouve
    Mercure de France, 1969, rééd. Poésie/Gallimard, 1975

  • Tom Raworth

    TOUT UN COUP



    25008304.2.jpg« l’alphabet se demande
    ce qu’il devrait faire
    le papier se sent inutile
    les couleurs perdent leurs nuances

    pendant que toutes les notes de musique
    ne jouent plus qu’en bleu

    au bout du lac
    un peuplier lombard
    ombre la terre
    parsemée de duvet de cygne

    voilant la rumeur
    de la route du sud

    au dessus dans le ciel de nuit
    éparpillées au hasard
    les étoiles cessent leur mouvement
    les coquelicots ne dansent pas

    dans l’herbe immobile le long
    du chemin personne ne marche »
    Tom Raworth
    Cat Van Cat
    traduit de l’anglais collectivement par le Comptoir 4
    cipM – les Comptoirs de la Nouvelle B.S., 2003

  • William Blake

    L’ANGE


    772533361.2.jpg« Je fis un rêve ! Que peut-il vouloir dire ?
    J’étais une Reine vierge
    Sous la garde d’un doux Ange :
    Malheur ingénu ne fut jamais leurré !

    Je pleurais nuit et jour,
    Et lui essuyait mes larmes,
    Je pleurais jour et nuit,
    Et je lui cachai la joie de mon cœur.

    Alors il ouvrit les ailes et s’envola ;
    Et le matin s’empourpra, rougissant ;
    J’essuyai mes larmes et armai mes craintes
    De dix mille lances et boucliers.

    Avant longtemps mon Ange revint :
    J’étais armée, ce fut en vain,
    Car ma jeunesse avait fui
    Et ma tête était grise. »
    William Blake
    Chants de l’expérience
    traduit de l’anglais par  M. L. Cazamian
    in Poèmes
    Aubier-Flammarion,1968

  • Malcolm Lowry

    VIEUX CARGO DANS UNE VIEILLE RADE


    « Il n’y avait pas de nom et nous accostâmes à minuit.
    Les cinq filles qui riaient ensemble à la lumière du réverbère
    Bras autour de la taille, dans le parking aux ombres mortes,
    Ne purent ranimer nos cœurs empoisonnés de salure marine.
    Il n’y avait pas la moindre beauté dans cet endroit.
    Mais au réveil matinal, découvrant comme à portée de main
    Le quai, la route, le marché, le cadran de l’horloge amie,
    – La physionomie d’une terre nouvelle –
    Notre drapeau flottant printanièrement au mât du bureau de poste,
    Chaque pierre étant comme la promesse d’un courrier de femme
    Aimée, tandis que montaient à la chaîne de notre coque rouillée
    Les automobiles à forme géométrique étincelant dans le soleil –
    Ce fut urgence pour Christian de quitter le Marais Désespoir,
    Pour Crusoé d’apercevoir le pas de Vendredi dans le sable. »

     

    400929044.jpgMalcolm Lowry
    Poèmes choisis de Dollarton
    traduit de l’anglais par Jacques Darras,
    in Romans, nouvelles et poèmes
    traduits par Georges Belmont,
    Jacques Darras, Jean Follain,
    Clarisse Francillon et Suzanne Kim.
    Présentation, notices, notes
    Jacques Darras
    La Pochotèque, 1995
  • Siegfried Plümper-Hüttenbrink

    100477758.jpg« Ainsi s’écouterait-on lire, jusque fort tard, dans la nuit, du fond de son oreille. À flotter et s’absorber épongeusement – comme seul un buvard sait le faire – au plus creux de ce que serait notre silhouette de lecteur.  L’épelant en aveugle, du bout des doigts se la tâtant hâtivement en tête, la palpant dans sa découpe d’ombre.
    Silhouette de nous-mêmes, elle l’est, à nous faire toucher à nous-mêmes en notre absence. Tactile – absente – muette.
    Penché à la renverse, nous retournant d’entre le froissé des pages, dans un corps tenu en éveil, comme blanchi de son ombre, chu en inertie… Une sorte de poids mort, de gisant dont seule l’ouïe resterait vive, et que serait le corps lisant d’un dormeur qui n’en finirait pas d’enregistrer une espèce d’histoire à dormir debout. »
    Siegfried Plümper-Hüttenbrink
    De la lecture
    (Selon Walter Benjamin et Ludwig Wittgenstein)
    La main courante, 2006

  • Christophe Tarkos

    1906283801.jpg« Je suis un poète français. Je travaille pour la France. Je travaille à la France. J’écris en français. Je serai un poète de la France. J’écris en langue française. La langue française est le peuple français. Il n’y a pas de peuple de France sans la langue de France. La langue de la France n’existe qu’à travers ses poètes, la langue est une langue quand elle est une langue vivante, le poète vivifie la langue, rend la langue vivante, elle est vivante, elle est belle. Le peuple français se définit d’abord par le peuple qui parle français. Le peuple français parle français grâce à ses poètes qui vivifient sa langue. Le poète sauve la langue, sauve le peuple, sauve la France. Le poète qui sera reconnu patrimoine national de la nation, je suis français, j’appartiens au patrimoine national de la France. Je suis un poète de la France. »
    Christophe Tarkos
    Pan
    P.O.L, 2000

  • Rafael José Díaz

    LA SORTIE, LE RETOUR*

    691446098.jpg« La balustrade du rêve au petit jour
    ou dans la nuit haute, blanche, obscure.
    Je sors jusqu’à elle, jusqu’à la mousse qui la recouvre,
    jusqu’à son contact humide, pour voir mes yeux
    ou les tiens entre les branches mouillées
    des saules, pour écouter les voix
    sur l’herbe, dans l’eau qui dort.
    Je reviens à ma chambre et c’est toi
    qui dors, qui parles et tes yeux
    me couvrent du contact humide de la mousse
    de la balustrade du rêve au petit jour
    ou dans la nuit haute, blanche, obscure. »
    Rafael José Díaz
    Le Crépitement
    Traduit de l’espagnol par Bernard Banoun*,
    Jacques Ancet, Roberto San Geroteo, Claude Held et Guy Rochel
    L’Escampette éditions