UA-62381023-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Fabrice Caravaca, « La falaise »

    Fabrice-Caravaca.JPG

    « Quand la marche devient bégayante et qu’une sourde fatigue pèse plus lourd sur ses épaules l’homme ne songe pas à marquer de temps d’arrêt. Chaque pas lutte contre l’inertie et tous les pas à l’envers possibles. L’homme dans l’écriture de sa marche, dans le dessein de sa marche n’imagine pas qu’il soit envisageable de rebrousser chemin. Il est en route à n’importe lequel des moments du jour et de la nuit. Il est attiré vers un horizon simple. Il ne rebrousse pas chemin : il tourne, il fait des boucles. Des sortes de cercles qui sans être précisément concentriques pourraient le devenir. L’homme réaliserait ainsi des marches allant d’un centre vers des lointains à venir et inversement. Un va-et-vient incessant mais qui n’a rien de commun avec un retour en arrière. Qui se situe dans une succession de mouvements créateurs d’énergie, de pulsion et d’images. L’homme fatigué baisserait peut-être un peu la tête. Son visage serait presque un espace du corps parallèle au sol. Ses épaules formeraient de plus en plus un arc voulant lancer des èches au ciel. Ses bras continueraient d’être des balanciers et créeraient toujours des déséquilibres. »

     

    Fabrice Caravaca

    La falaise

    Æncrages & co, 2014

  • Fernando Pessoa, « Le livre de l’intranquillité »

    fernando pessoa,bernardo soares,françois laye,christian bourgois

    « Perdre son temps relève d’une certaine esthétique. Pour les subtils de la sensation, il existe un formulaire de l’inertie qui comporte des recettes pour toutes les formes de lucidité. La stratégie mise en œuvre pour combattre la notion de convention sociale, les impulsions de nos instincts, les sollicitations du sentiment, exige une étude approfondie dont le premier esthète venu est tout à fait incapable.  Une étiologie rigoureuse des scrupules doit être suivie d’un diagnostic ironique de notre servilité à l’égard de la norme. Il importe aussi de cultiver notre adresse à éviter les intrusions de la vie ; un soin doit nous cuirasser contre notre sensibilité à l’opinion d’autrui, et une molle indifférence nous matelasser l’âme contre les coups de la coexistence avec les autres. »

     

    Fernando Pessoa (Bernardo Soares)

     Le livre de l’intranquillité, volume II

     Traduit du portugais par Françoise Laye

    Christian Bourgois,1992, rééd, 1998

  • Tu Long, « Propos détachés du Pavillon du Sal »

    villa-en-hiver-sous-les-bambous-par-ma-yuan-début-du-xiiie-siècle.jpg

     

     « Une table nette et une claire fenêtre, de l’encens et du thé, à l’occasion quelques propos sur le Chán* avec un moine vénérable.

    Des espaliers et un potager, un soleil tiède et un vent léger, le loisir d’écouter quelqu’un parler de tout et de rien.

     

    En vieillissant on sait que tout est joué, peu importe que les gens aient tort ou raison.

    Et au printemps on n’a plus qu’une affaire, voir les fleurs éclore et se faner.

     

    Aucune chose n’est impérissable, encore moins notre corps, ce balourd sac de peau.

    Tout ce qui a forme la perdra, mais a-t-on jamais vu un ciel décomposé ? »

     

     Tu Long**

     Propos détachés du Pavillon du Sal

     traduits du Chinois & présentés

    par Martine Vallette-Hémery

     Séquences, 2001

     

    *Chán : méditation silencieuse dans le bouddhisme mahāyāna, d’inspiration taoïste, né en Chine au Ve siècle

    ** (1542-1605)