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  • Carole Carcillo Mesrobian, Philippe Jaffeux, « IL »

    N°8 : IL excède son périmètre en utilisant nos paroles pour s’immiscer dans nos mouvements.

     

    N°6 : Arrachons nos paroles de nos bouches pour semer nos regards dans son silence.  Délimitons la solidité de son mutisme en construisant notre conversation avec des pages symboliques. Le bruit d’un assemblage de mots creux nous protègera contre ses empilements de pauses.

     

    N°8 : L’échelle de son plan escalade les atomes de nos répliques car nous parlons en suivant le rythme du silence. Une binarité aveuglante retentit à chaque fois que nos bouches referment l’espace de notre scène.

     

    N°6 : Nos voix s'égarent derrière un masque avant de s’épanouir sur un visage du hasard. Nos bouches guident chacune de nos ouvertures sur ses yeux invisibles.

     

    N°8 : Des ratures sillonnent nos paroles parce que nous chuchotons à travers un oxygène délibératif.

     

    N°6 : La durée d'un exil stimule notre fuite dans sa conscience planétaire. Le pouvoir de son invisibilité se déforme  sous l'effet de nos divagations. Nous abritons un dialogue qui accueille l’organisation d'un silence inhumain.

     

    N°8: Nous méconnaissons son emprise sur notre ignorance parce que nous pensons avec des verbes intransitifs.

     

    N°6 : Dessinons des paroles qui contourneront son mutisme illisible. Révélons la gratuité de nos traces en nous allongeant sur une scène empruntée. L’endroit de nos impressions passe devant les marques d’une position imperceptible.

     

    N°8 : IL entend avec nos yeux car nous pensons avec des images.

     

    N°6 : IL habite le lieu de nos vertiges fantomatiques. Nos paroles signalent une masse d'intervalles qui nous relient à sa blancheur imaginaire.

     

    N°8 : Son étendue sournoise accélère la durée du désert. Nous parcourons un espace asymétrique parce qu’IL associe l’amplitude de nos pas à un espace vectoriel inopérant.

     

    N°6 : L’opération d’un couple de nombres enveloppe les calculs de nos corps. La place d'un vide illustre les limites de son ubiquité. Son silence s’inscrit dans la compréhension d’un espace nul.

     

    N°8 : Des oiseaux poussent sur le décor de notre apparition. IL expose nos illusions à une réitération de notre impermanence. La durée d’une esquisse capture un instant indéterminé.

     

    N°6 : Le contenu de son inexistence approfondit sa transparence impersonnelle. La magie de son absence se confronte à nos extases géométriques. la nature du vide. Un temps caché joue avec le théâtre  de nos illuminations.

     

    N°8 : La révolution d’un cercle interminable resserre l’achèvement d’un commencement. Nous imposons des limites à un langage qui n’existe pas. IL ressasse le terme de notre attente en aspirant nos répliques.

     

    N°6 : Notre ignorance sacrée reconnait chaque mesure de sa logique inaudible. Un flot de tensions bestiales défend la suprématie d’un vide électrique. Ses rêves assurent la propulsion d’une flotte d’interlignes indomptables.

     

    Extrait inédit de "IL" par Carole Carcillo Mesrobian, née à Boulogne en 1966. Elle réside en région parisienne. Professeure de Lettres Modernes et Classiques, elle poursuit des recherches au sein de l’école doctorale de littérature de l’Université Denis Diderot. Elle publie en 2012 Foulées désultoires aux Editions du Cygne, puis, en 2013, À Contre murailles aux éditions du Littéraire. Parallèlement paraissent des textes inédits dans la revue Libelle, et sur les sites Recours au Poème, Le Capital des mots et Poesiemuzicetc. Elle est l’auteure de notes de lecture publiées sur le site Recours au Poème.

    &

    Philippe Jaffeux habite Toulon. Études de lettres et de cinéma. L’Atelier de l’Agneau éditeur a édité la lettre O  L’AN /ainsi que courants blancs et autres courants. Les éditions Passage d’encres ont publié N L’E N IEMe et ALPHABET de A à M. Nombreuses publications d'extraits en revues et en ligne. ALPHABET sur Sitaudis : http://collection.sitaudis.fr/downloads/alphabet-de-philippe-jaffeux-au-format-pdf

  • Walter Benjamin, « Le Souhait »

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    «  Un soir pour la fin du sabbat, les juifs étaient réunis dans une misérable auberge d’un village de hassidim. C’étaient des gens du coin, à l’exception d’un individu que personne ne connaissait, un homme en haillons, particulièrement misérable, accroupi dans l’ombre du poêle, tout au fond de la salle. On avait parlé à bâtons rompus. Soudain, quelqu’un demanda quel souhait chacun formerait, si on lui en accordait un. L’un voulait de l’argent, l’autre un gendre, le troisième un établi neuf, et ainsi de suite.

    Quand chacun eut opiné, il ne resta plus que le mendiant du coin du poêle. Celui-ci n’obtempéra aux questionneurs que de mauvaise grâce et non sans hésiter :

    – Je voudrais être un roi très puissant, régnant sur une vaste contrée, et qu’une nuit, comme je dormirais dans mon palais, l’ennemi franchit la frontière et qu’avant les premières lueurs de l’aube ses cavaliers eussent atteint mon château sans rencontrer de résistance et que, brutalement tiré de mon sommeil, sans même le temps de passer un vêtement, j’eusse dû prendre la fuite, en chaise, traqué jour et nuit sans relâche par monts et vaux, forêts et collines, jusqu’à trouver refuge ici même, sur un banc, dans un coin de votre auberge. Tel est mon souhait.

    Les autres se regardaient interloqués.

    – Et qu’en aurais-tu de plus ? demanda quelqu’un.

    – Une chemise, répondit le mendiant. »

     

    Walter Benjamin

    Rastelli raconte… et autres récits

    Traduit de l’allemand par Philippe Jaccottet

     Seuil,  1987

     

    Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Walter Benjamin, né le 15 juillet 1892 à Berlin.
    Bon anniversaire Walter Benjamin

  • Emmanuèle Jawad, « Plans d’ensemble »

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    « il est une fois, une amorce d’histoire dans une suite d’entames,

    dans le préambule, le récit épuise les possibilités de séjour,

    la résolution des fractures, une abrogation des ruptures,

    le territoire dissout ses marques, l’absorption partielle des traces,

    la suggestion d’un mur à l’endroit d’une ligne discontinue des fragments

     

    une marche sur un territoire, une organisation informelle couvre

    un temps vacant, un rythme peu soutenu, l’ouverture de temps morts,

    il remet au jour suivant la photographie de la veille, Anna dans l’embrasure

    des portes, un espace – temps mental affleure à chacun des seuils,

    le basculement de poignées sur des pièces vides

     

    il dresse les cartes qu’il replace dans des répertoires historiques,

    les tentatives d’un franchissement, une litanie,

    en place, une éclosion de plaques commémoratives sur le tracé »

     

    Emmanuèle Jawad

    Plans d’ensemble

    Propos2 éditions, 2015

  • François Jacqmin, « Prologue au silence »

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    « Commencer,

     

    c’est-à-dire,

    s’écarter du sujet.

     

    *

     

    Il faut cueillir modérément :

     

    Une pensée de trop,

    et le bouquet

    vous arrache des larmes.

     

    *

     

    Mon effort

    consiste à maintenir intacte

    la sensation de l’inexplicable,

     

    comme un équilibre

    durement conquis. »

     

    François Jacqmin

    Prologue au silence

    Coll. Clepsydre, La Différence, 2010

     

    Merci à Lambert Schlechter qui ce matin, à Wellenstein, m'a fait découvrir cet auteur & ce livre essentiels.