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  • Jean-Claude Pirotte, « Un voyage en automne »

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    juin 2004 © cepdivin

     

    « Marcel Schwob enfant s’enfermait au grenier pour lire “en mangeant un morceau de pain trempé dans un verre d’eau”. Que de charmes aux enfances des “aventuriers passifs” célébrés par Mac Orlan. Je crois que je faisais pareil, la nuit, lorsque, sur la pointe des pieds, j’allais écouter dormir mes parents en collant mon oreille à la serrure de leur chambre, avant de monter jusqu’au palier des mansardes, un livre et une bougie dérobés à la main. Lire était l’activité clandestine et ténébreuse par excellence. Elle l’est restée. Je levais les yeux et je voyais la lune apparaître entre deux nuages, au coin de la lucarne. Les rayons glissaient sur la page d’où semblaient s’élever comme un parfum les signes brouillés qui promettaient le bonheur et le mystère. Aujourd’hui encore je ne peux me défendre de penser que je suis aussi l’auteur des livres que j’aime. “Le plus haut plaisir du lecteur, comme de l’écrivain, est un plaisir d’hypocrite”, avoue Schwob. “Le vrai lecteur, dit-il encore, construit presque autant que l’auteur : seulement il bâtit entre les lignes.” C’est cela, et je n’aurai rien bâti qu’entre les lignes, ce qui me paraît une assez bonne façon de jouer à colin-maillard avec soi-même, et avec le monde. »

     

    Jean-Claude Pirotte

    Un voyage en automne

    La Table Ronde, 1996

  • Li Bai, « J’interroge la lune, une coupe de vin à la main »

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    Li Bai, DR

     

    « Lune dans le ciel bleu, depuis quand es-tu là ?

    Je te pose la question, une coupe à la main.

    L’homme ne peut pas monter sur la lune claire ;

    Mais la lune se promène toujours avec l’homme.

    Miroir aérien brillant sur la porte rouge du palais ;

    Elle répand un éclat pur quand la brume se dissipe.

    On la voit se lever dans la nuit au-dessus de la mer ;

    On oublie qu’elle se noyait dans les nuages du matin.

    Le lièvre blanc y pile la drogue magique jour et nuit ;

    Chang’e y habite seule, sans connaître de voisins*.

    Les gens d’aujourd’hui, n’ont pas vu la lune d’antan ;

    La lune d’aujourd’hui, elle, a éclairé les gens de jadis.

    Gens d’aujourd’hui et de jadis : de l’eau qui coule ;

    Mais c’est toujours la même lune qu’on contemple.

    Puisse au moment où nous chantons face au vin

    L’éclat du clair de lune illuminer nos coupes dorées. »

     

    * Chang’e (ou Heng’e), enfuie dans la lune, en devint la déesse.

     

     

    Li Bai – 701-762

    « La dynastie des Song du Nord »

    Traduit, présenté et annoté par Florence Hu-Sterk

    In Anthologie de la poésie chinoise

    La Pléiade, Gallimard, 2015

  • Annelyse Simao, « À l’échafaudage »

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    © Christiane Cartignies

     

    « il est un silence qui n’est pas un silence

    de paix attente ou regard

     

    dans la file chacun-e posté-e devant

    derrière le dos d’un-e autre

     

    il est un silence qui ne naît pas silence

    habité par un désir de lien

    prêt à glisser sous l’espace

     

    entre cœurs et têtes

    entrouverts

    –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

     

    il est un silence tendu

    aussi bruyant et plus

    assourdissant que plainte

     

    opaque révolte   serrée   poitrine

    pressée sous la veste   bras repliés

     

    silence

    imposé par le lieu

     

    soumis à la décision d’un-e autre »

     

    Anelyse Simao

    À l’échafaudage

    Peintures de Christiane Cartignies

    Coll. Voix de chants, Æncrages & Co, 2013

    http://www.aencrages.com/