vendredi, 18 septembre 2020
Wang Wei, « La rivière bleue »
Shitao, Au pied des Monts Jinting, vers 1670
« pour me rendre dans la vallée des Fleurs jaunes,
j’emprunte la Rivière bleue
je longe les montagnes, dix mille tournants,
la distance parcourue est à peine de cent li
dans le vacarme au milieu d’un chaos de rochers,
la couleur apaisante des pins denses
flottent, tanguent les châtaignes d’eau
clairs, immobiles, luisent les jeunes roseaux
mon cœur depuis toujours est serein,
comme la rivière limpide
ah ! rester là sur un grand rocher,
avec une canne à pêche à finir mes jours »
Wang Wei
Le plein du vide
poèmes choisis, traduits du chinois et présentés par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 2008, réédition, 2016
https://moundarren.com/livre/wang-wei/
pour Marie-Hélène Lafon & la Santoire
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jeudi, 17 septembre 2020
Wang Wei, « Séjour dans la montagne, décrivant ce qui se passe »
Shitao, Recherche d'immortels, vers 1700
« solitaire je referme mon portail en branchages
dans l’immensité floue face aux rayons du couchant
les nids des grues peuplent les pins
les visiteurs à ma porte rustique se font rares
les nœuds des nouveaux chaumes de bambou sont saupoudrés de pollen
les lotus rouges laissent tomber leurs vieilles robes
à l’embarcadère les feux des lanternes s’animent
de partout les ramasseuses de châtaignes d’eau sont de retour »
Wang Wei – 701-761
Le plein du vide
poèmes traduits du chinois et présentés par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 2008, réédition, 2016
https://moundarren.com/livre/wang-wei/
Dédicace spéciale à Arthur & Sophie
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vendredi, 11 septembre 2020
Saint-Michel-de-Montaigne, le 29 août 2020
La Tille, ma rivière, à Lux (Côte d'Or)
Nous sommes ici, à deux pas du château d’un ami, Michel de Montaigne, dans cette église de Saint-Michel-de-Montaigne où son épouse, Françoise de la Chassaigne, fit enterrer, selon ses dires, le cœur de l’homme qu’elle aimait avant que son corps le fusse au couvent des Feuillants à Bordeaux. Je dis d’un ami car pour tout lecteur un peu constant de son œuvre – c’est le cas pour toutes les œuvres aimées, n’est-ce pas – Michel de Montaigne est un ami.
Montaigne écrivait à la toute fin de ses Essais : « C’est une absolue perfection, et comme divine de savoir jouir loyalement de son être. » Et plus avant, dans le chapitre X du livre III, où il traite entre autres de sa charge de maire de Bordeaux, il parle de « l’amitié que l’on se doit », que l’on se doit à soi-même mais que je n’entends chez lui bien sûr qu’adjointe à l’amitié que l’on doit à l’autre.
Cette amitié que l’on se doit et que l’on partage, je la trouve dans le travail, des deux auteurs que nous allons entendre ce soir. J’ignore s’ils se connaissaient avant de faire ce voyage ensemble aujourd’hui, mais qu’importe, c’est parce que ce sont eux qu’ils sont là, en amitié avec Montaigne & avec nous.
Dans ce paysage si particulier, près de cette tour mythique d’où Montaigne voyait le monde, où il écrivait, où il aimait.
Qu’il me soit permis de glisser au passage la présence affectueuse d’un ami ébouriffé qui fut domestique ici et qui a écrit un des livres les plus considérables que je possède dans ma bibliothèque dans lequel il écrivait : « Écrire comme on tâtonne, frissonne, entrer par effraction dans la nuit de la langue, pressentir un espace, des sites à reconnaître de mémoire, c'est cela le sentiment géographique, sentiment que toute rêverie apporte sa terre, » Il s’agit on l’a compris du Sentiment géographique (1976) et de frère Michel Chaillou. Il aimait la Loire et la Gartempe, comme Marie-Hélène Lafon, que nous allons écouter, aime sa rivière, la Santoire, comme Michel de Montaigne aime sa Lidoire, & Pascal Quignard la Seine (qui est un fleuve), l’Yonne & la Bièvre de son ami Sainte-Colombe.
Le paysage, le pays, traversé de rivières, sera donc, en amitié, dans l’échange et la lecture que nous allons faire avec Marie-Hélène Lafon qui depuis son premier livre Le soir du chien en 2001, qui obtint le prix Renaudot des lycéens, jusqu'à cette Histoire du fils qui va paraître dans quelques jours chez son éditeur fidèle Buchet Chastel, en passant par Joseph, Nos vies, Les pays, Les derniers indiens, Traversée, Album… creuse le langage et le paysage de son cher Cantal, certes, mais plus largement celui de la littérature.
D’ailleurs en exergue à Histoire du fils elle a copié des mots de Valère Novarina : « Le langage est notre sol, notre chair. Je me représente toujours le chantier comme un creux, une ouverture du sol, et l’avancée d’un texte, sa progression, comme une marche en montagne. »
Nous allons commencer avec ça, creuser le langage, creuser le paysage, écouter le travail de la rivière.
Claude Chambard
Introduction à la conversation-lecture avec Marie-Hélène Lafon en l’église Saint-Michel- de-Montaigne
Une fois n'est pas coutume, comme on sait, voici quelques lignes miennes qui furent l'introduction à la conversation-lecture avec Marie-Hélène Lafon en l'église Saint-Michel-de-Montaigne, le 29 septembre 2020, avant que les voûtes résonnent du récit-récital de Pascal Quignard & Aline Piboule, "Boutès ou le désir de se jeter à l’eau". Ces quelques lignes ne prétendent qu'à ceci, ouvrir et faire souvenir de ces deux moments exceptionnels réunis grâce à la fine intelligence, à la fine prescience, de Marie-Laure Picot, pour son Festival Littérature en jardin. Qu'elle en soit, une nouvelle fois, remerciée.
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dimanche, 06 septembre 2020
Anonyme, « La blancheur de la lune dans la nuit »
Carte de Duhuang, vers 650, dynastie Tang. Une des premières représentations des étoiles.
« La blancheur de la lune brille dans la nuit,
Des criquets crient dans le mur de l’est.
La Grande Ourse indique l’hiver,
Les étoiles ressortent dans le ciel,
La gelée blanche mouille les plantes dans la campagne.
Le temps soudain change,
La cigale d’automne crie dans les arbres,
L’hirondelle, où donc est-elle partie ?
Mes camarades et amis d’autrefois
Se sont élevés haut et se sont envolés
Sans plus se souvenir que nous nous tenions par la main.
Ils m’ont abandonné comme les traces que l’on laisse.
Une constellation indique le nord et une autre le sud
Et l’étoile du Bœuf ne porte pas de joug.
Si l’amitié n’est pas solide comme le roc,
Un renom vide, quel intérêt a-t-il ? »
Chanson populaire anonyme de l’époque Han — 206 avant J.-C - 220 après
In Anthologie de la littérature chinoise classique
Présentée et traduit par Jacques Pimpaneau
Philippe Picquier, 2004 rééd. 2019
http://www.editions-picquier.com/ouvrage/anthologie-de-la-litterature-chinoise-classique-2/
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mardi, 01 septembre 2020
Gérard Haller, « Menschen »
Les Inédits du Malentendu, volume 8.
semblable maintenant d’un bord à l’autre
de la terre on dirait l’image se clôt
et l’image se déclôt qui nous tenait
ensemble et c’est comme si tout de nouveau
me quittait. Le visage autrefois du dieu
mort que tu étais. Comme s’il revenait
mourir sous mes yeux
regarde
irressemblant maintenant vide l’enclos
là-bas lumineux de ta voix
tout le heim autrefois. Regarde. Gisant
nu de part et d’autre du grillage ici
qui le défigure et les traces partout
du sang sur l’herbe et les rails et le linceul
bleu du fleuve au loin miroitant sous le bleu
incicatrisable du ciel oh et tout
le ciel comme ça lèvre contre lèvre
de nouveau qui s’ouvre et les larmes dans nous
sans mer à la fin où retourner
Gérard Haller
Inédit, extrait de Menschen
à paraître aux éditions Galilée le 17 septembre 2020
http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=3534
on pourra regarder cette lecture de Nous qui nous apparaissons de et par Gérard Haller sur le site « Philosopher au présent » ttps://www.youtube.com/watch?v=3ftmFUkUns8
Gérard Haller est un auteur rare, qui compte infiniment pour moi, dont j’attends chaque livre avec une vertueuse et tremblante patience depuis Météoriques (Seghers) en 2001, en passant par all/ein, Fini mère, Le grand unique sentiment (Galilée) etc. Dans quelques jours celui-ci, Menschen, sera sur nos tables, nul doute qu’il éclairera avec quelques rares autres – ceux d'Isabelle Baladine Howald, Fragments du discontinu (Isabelle Sauvage), Pascal Quignard, L'Homme aux trois lettres (Grasset), Camille de Toledo, Thésée, sa vie nouvelle (Verdier), pour n'en citer que trois essentiels – cet été qui se termine & cet automne qui commence.
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