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martine valette-hémery

  • Deux poèmes pour fêter l’année du Tigre d’Eau

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    Kyōsai Kawanabe, Tigre sur un rocher, 8 janvier 1878.

    Peinture sur papier, 30,5x122,9 cm. Kyōsai Kawanabe Memorial Museum, Warabi

     

    Wen Zhengming

    « Nuit blanche pour accueillir l’an “Xinhai”

     

    Je m’attendris en vain sur l’année achevée cette nuit

    Dans cette salle aux bougies allumées jusqu’à demain.

    Je ne suis pas triste que l’âge m’ôte mes vieux amis

    Mais honteux de me sentir moins avisé que les jeunes.

    Je ris de voir l’almanach d’un an neuf remplacer l’ancien,

    Éveillé, j’écoute sans me réjouir battre les veilles.

    L’encens est éventé, le vin refroidi, les hommes se taisent,

    Soudain le premier chant du coq annonce l’aurore. »

     

    Wen Zhengming, 1470-1559

    traduit par Martine Valette-Hémery

     

     

    Yan Hongdao

    « Ballade du tigre féroce 

     

    Des cafards rongent la paix du pays,

    Leur voracité dévaste jusqu’aux tombes.

    Les scribes sont soumis aux eunuques,

    Ils piquent comme un essaim de guêpes.

    Les gouverneurs n’osent pas rétorquer,

    Les préfets sont rappelés à la docilité,

    Le petit peuple est soumis à la torture,

    La terre desséchée est devenue stérile.

    Tous les postes de garde et les relais

    Sont fournis de biens en abondance.

    Même si tout grain de sable était d’or,

    Les officiels gagneraient bien davantage.

    Les agents des mines sont des bandits,

    Leur âpreté au gain n’a pas de fond.

    S’ils ne récoltent pas ce qu’ils espèrent

    Ils sont comme des sangliers furieux.

    La région des trois He et des deux Zhe

    Est dégraissée partout jusqu’à la moelle.

    Savons-nous si la gale qui nous afflige

    Ne deviendra pas un horrible ulcère ? »

     

    Yuan Hongdao, 1568-1610

    traduit par Martine Valette-Hémery

    in Anthologie de la poésie de la poésie chinoise

    Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2015

     

    Chers amis, ces deux poèmes et cette si belle peinture de Kyôsay Kawanabe, pour nous souhaiter une bonne année du Tigre d’Eau, selon le calendrier chinois.

    Les poèmes ne sont pas gais, ils datent de l’époque très heurtée des Ming. La nôtre n'est pas très réjouissante non plus.
    Je suis triste de voir mes amis mourir et j’aimerais avoir foi en la jeunesse comme Wen Zhengming.

    Ne laissons pas les cafards, les bandits, répandre davantage la gale, évitons l’ulcère. Soyons féroce comme le tigre avec nos ennemis et doux avec nos amis.

  • Song Lin, « Paysage dans l’œil d’un aigle »

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    © Pieter Vandermeer

     

    « 1

     

    Rien que le roc, la neige,

    noir sur blanc.

    Les rigueurs de l’hiver, les eaux ne coulent plus,

    les pins ont mis leurs cloches de verre.

     

    2

     

    Rien ne saurait remplacer

    l’élévation du roc.

    celle des sommets,

    sauf la neige qui les recouvre.

     

    3

     

    Des vols d’hirondelles dorment sous les eaux gelées,

    dans leur tanière, les ours bruns sommeillent,

    marmottes et hérissons s’assoupissent aussi,

    en eux s’amassent une neige de graisse.

     

    4

     

    Il n’y a pas de mots, pas de vendeurs de mots,

    nul hymne louant les noces, le pouvoir.

    Au Tibet, une armée s’enfonce sous la neige,

    inhumée dans l’oubli du clair de lune.

     

    5

     

    Le vent est inspiration, volonté,

    vitesse du sang en plein vol.

    Les ombres se déplacent, puis

    les griffes soudain lacèrent le silence.

     

    6

     

    Une réduction, essentielle, comme fait la terre

    pour les branches, les feuilles mortes, comme le roc

    dressé solitaire, dressé radieux,

    devenue fondement de toute sensation.

     

    7

     

    Même les étendues de neige gelée

    sont truffées d’amorces noires du soleil.

    Le paysage dans l’œil d’un aigle…

    poème sur la distance. »

     

    1998

     

    Song Lin – né en 1959 dans la province du Fujian

    in Le ciel en fuite – Anthologie de la nouvelle poésie chinoise

    Édition établie et traduite par Chantal Chen-Andro & Martine Valette-Hémery

    Circé, 2004

    http://www.editions-circe.fr/livre-Le_ciel_en_fuite_%E2%80%93_Anthologie_de_la_nouvelle_po%C3%A9sie_chinoise-224-1-1-0-1.html

     

     

  • Tu Long, « Propos détachés du Pavillon du Sal »

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    Anonyme, Portait d’un lettré. Peinture, couleurs sur soie. XIe siècle, dynastie des Song du Nord. Musée du Palais, Taipei

     

    « Se pencher sur son reflet solitaire dans un étang et s’amuser à regarder les poissons agitant l’eau de leurs bonds.

    Suivre dispos et nonchalant les détours d’un sentier et voir soudain une pousse d’orchidée sortir de terre.

    La perfection existe dans l’infime et le plaisir n’en est que plus fort.

     

    Épanouir ses talents et ses vertus comme de jeunes fleurs, jardin printanier sous une brise ensoleillée.

    Porter ses cheveux blancs comme un arbre ses feuilles rougies, forêt automnale au paysage encore plus somptueux. »

     

    Tu Long – 1542-1605

    Propos détachés du Pavillon du Sal

    Traduits du chinois & présentés par Martine Vallette-Hémery

    Séquences, 2001

    http://www.alidades.fr/sequences.html

  • Zheng Chouyu, « Village aborigène »

    2_Zheng_Chou_yu.jpg

    DR

     

    « Ma femme est un arbre, moi aussi ;

    mais ma femme est un bon métier à tisser,

    sa navette-écureuil tisse des nuages arachnéens,

    ces nuages, là-haut, sont ceux qu’elle aime tisser

     

    et moi, j’espère bien que mon unique tâche

    sera de faire sonner dans ma poitrine

    la cloche d’une école

    puisque j’ai atteint l’âge…

    où les piverts se posent sur mon bras »

    1962

     

     

    Zheng Chouyu

    in Le ciel en fuiteAnthologie de la nouvelle poésie chinoise

    Édition établie et traduite par Chantal Chen-Andro & Martine Valette-Hémery

    Circé, 2004

    http://www.editions-circe.fr/livre-Le_ciel_en_fuite_%E2%80%93_Anthologie_de_la_nouvelle_po%C3%A9sie_chinoise-224-1-1-0-1.html

  • Xia Yu (Hsai Yu), « Hibernation »

    967_HsiaYu_220x500.jpg

    DR

    « Je ne cherche ainsi qu’à engranger assez d’amour

    assez de tendresse et de ruse

    par précaution     si d’aventure

    je te rencontre à mon réveil



    je ne cherche ainsi qu’à engranger assez de fierté

    assez de solitude et d’indifférence

    par précaution     si d’aventure

    tu es déjà parti à mon réveil »

    1980

     

    Xia Yu (Hsia Yu — née en 1956 à Taïwan)

    in Le ciel en fuiteAnthologie de la nouvelle poésie chinoise

    établie et traduite par Chantal Chen-Andro & Martine Valette-Hémery

    Circé, 2004

    http://www.editions-circe.fr/livre-Le_ciel_en_fuite_%E2%80%93_Anthologie_de_la_nouvelle_po%C3%A9sie_chinoise-224-1-1-0-1.html