dimanche, 03 mai 2020
Yves Bonnefoy, « Deux poèmes »
DR
« L’arbre, la lampe
L’arbre vieillit dans l’arbre, c’est l’été.
L’oiseau franchit le chant de l’oiseau et s’évade.
Le rouge de la robe illumine et disperse
Loin, au ciel, le charroi de l’antique douleur.
Ô fragile pays,
Comme la flamme d’une lampe que l’on porte,
Proche étant le sommeil dans la sève du monde,
Simple le battement de l’âme partagée.
Toi aussi tu aimes l’instant où la lumière des lampes
Se décolore et rêve dans le jour.
Tu sais que c’est l’obscur de ton cœur qui guérit,
La barque qui rejoint le rivage et tombe.
Une voix
Combien simples, oh fûmes-nous, parmi les branches,
Inexistants, allant au même pas,
Une ombre aimant une ombre, et l’espace des branches
Ne criant pas du poids d’ombres, ne bougeant pas.
Je t’avais converti aux sommeils sans alarmes,
Aux pas sans lendemains, aux jours sans devenir,
À l’effraie aux buissons quand la nuit claire tombe,
Tournant vers nous ses yeux de terre sans retour.
À mon silence ; à mes angoisses sans tristesse
Où tu cherchais le goût du temps qui va mûrir.
À de grands chemins clos, où venait boire l’astre
Immobile d’aimer, de prendre et de mourir. »
Yves Bonnefoy
Pierre écrite
Mercure de France, 1965
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mercredi, 29 avril 2020
Franck Venaille, « Pour en finir… »
DR
Pour en finir, jamais souvenir d’enfance ce
Garçon au tablier noir est-ce vraiment moi ?
Pour en finir il faudrait que la faute, enfin,
Soit reconnue telle : tout cela dans une odeur
Forte de prêtre Le péché sent L’homme en
Noir également N’y touchez pas ! Ne mettez
Jamais plus votre chair contre celle de l’en-
Fant Que vous ne prendrez plus sur vos genoux
Pour finir, en terminer à jamais avec vous.
* * *
Nos blessures intimes demandent à s’asseoir près de
Nous sur le banc, avec une sorte de tristesse avide
Un besoin mélancolique de partager le chagrin du
Temps Que pouvons-nous pour elles ? Que faut-il
Leur dire ? Comment ne pas être touché par leur
Silence ? Sont-elles à la recherche de l’absolu, là
Où il se trouve ? Bercé par le corps qui souffre, lui,
D’avoir à leur parler comme on le fait avec des
Enfants fiévreux Dans un monde combien las !
* * *
Ô visages égarés sur la route du temps quand
Le corps entier tentait de découvrir qui il
Était vraiment Ô complicité de cette jeunesse
Qui ne fut jamais mienne, combien maladroit à la
Recherche des autres, voués, eux, à l’harmonie
Et moi suffoquant sous les mots serrés en gorge,
Ô gauche, amer, refusant tout contact avec la
Vie généreuse, celle de deux inconnus mêlés
Enlacés, découvrant ensemble les miracles ! »
Franck Venaille
Ça
Mercure de France, 2009
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dimanche, 19 avril 2020
Louis-René des Forêts, « Ostinato »
DR
« Le gris argent du matin, l’architecture des arbres perdus dans l’essaim de leurs feuilles.
Le parcours du soleil, son apogée, son déclin triomphal.
La colère des tempêtes, la pluie chaude qui saute de pierre en pierre et parfume les prairies.
Le rire des enfants déboulant sur la meule ou jouant le soir autour d’une bougie à garder leur paume ouverte le plus longtemps sur la flamme.
Les craquements nocturnes de la peur.
Le goût des mûres cueillies au fourré où l’on se cache et qui fondent en eaux noires aux deux coins de la bouche.
La rude voix de l’océan étouffé par la hauteur des murailles.
Les caresses pénétrantes qui flattent l’enfance sans entamer sa candeur.
La rigueur monastique, les cérémonies harassantes que les bouches façonnées aux vocables latins enveloppent dans l’exultation des liturgies pour célébrer la formidable absence du maître souverain.
Les grands jeux dits innocents où les corps se chevauchent dans la poussière avec un trouble plaisir. Les épreuves du jeune orgueil frémissant à l’insulte et aux railleries.
Le bel été qui tient les bêtes en arrêt et l’adolescent comme un vagabond assoupi sur la pierre.
Le pieux mensonge filial à celle dont le cœur ne vit que d’inquiétude.
Le vin lourd de la mélancolie, le premier éclat de la douleur, l’écharde du repentir.
Les fêtes intimes d’une amitié éprise du même langage, la marche côte à côte sur le sentier des étangs où chacun suspend son pas aux rumeurs amoureuses des oiseaux.
La fausse guerre dans les cavernes et la neige de Lorraine. Le désastre public sanctionné par l’ignorance, l’avilissement, les aberrations de l’esprit, les discordes, tous les décrets et spoliations qui préparent aux grands ouvrages de la mort.
L’attente du petit jour, l’ivresse d’avoir peur, les risques encourus aux clairières à franchir d’une foulée haletante.
La fille pendue à la cloche comme un églantier dans le ruissellement de sa robe nuptiale, le feu pervenche de ses prunelles.
Le cri émerveillé des naissances. La riante turbulence des oisillons qui s’éveillent et s’abandonnent au vertige encore inouï de la langue.
La foudre meurtrière.
L’enfant si belle couchée dans la chaleur blanche.
Le temps qui les en éloigne cruellement sans desserrer la souffrance.
Les nuits de mauvais sommeil, la parole perdue, son dépôt amer. Les pages embrasées par liasses comme on se dépouille d’un habit impur.
Le coude-à-coude serré dans l’abandon au rêve d’un renouveau qui abolirait les distances.
Tout ce qui ne peut se dire qu’au moyen du silence, et la musique, cette musique des violons et des voix venues de si haut qu’on oublie qu’elles ne sont pas éternelles.
Il y a ce que nul n’a vu ni connu sauf celui qui cherche dans le tourment des mots à traduire le secret que sa mémoire lui refuse.
Mais quand le tour est joué, faut-il en appeler à l’ancienne vie, réinventer son théâtre étonnant, avec ses cris, ses sauvages blessures, ses folies et ses larmes, si c’est pour n’y faire figurer que cette seule ombre tout occupée par le souci de la mort à inscrire son nom sur un tas de déchets hors d’usage ? Vieilleries, vieilleries ! Mettez le feu au décor, réduisez ce décor en cendres, foulez cette cendre avec la même indifférence que la terre qui n’est qu’un charnier où le bruit de nos pas sonne aussi creux que les os des morts.
– Tout ceci n’est donc qu’une fantasmagorie ! Il faut tout brûler ?
– Laissez. Le temps s’en chargera. »
Louis-René des Forêts
Ostinato
Mercure de France, 1997
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mercredi, 14 août 2019
Pierre Jean Jouve, « En miroir »
DR
« Le travail a toujours été d’une grande dureté. L’impulsion me conduit à écrire dans un état de force, jusqu’à l’achèvement aussi détaillé que possible. Mais aussi, quand est-ce l’achèvement ? Au produit de ce travail je suis rapidement étranger. La page écrite, il ne reste que l’inquiétude, avec la faim de la page suivante. Un oubli se produit, aussi fort que l’impulsion première.
Cet étranger qui ne trouve pas de réconfort sera libre de reposer toutes les questions à froid, et de dénigrer ce qui un moment fut puissance et bonheur. Lorsque les textes ont reposé pendant quelques mois, je ne les approche qu’avec la plus grande crainte, comme s’ils allaient m’assaillir. Je répugne à me lire dans les citations, jamais rien ne me plaît. J’éprouve toujours devant mon propre tableau le doute de ma jeunesse, le même étonnement chargé d’angoisse, ou résigné si je ne puis plus intervenir.
Je contiens certainement un juge implacable — sorte de bourreau. Nous nous devons réciproquement quelque honneur pour la fidèle énergie que nous avons manifestée ensemble dans notre vie commune. Ai-je jamais aimé avec naturel, et créé avec toute la satisfaction de mon être ? Je puis me le demander. Le mouvement de ma foi n’en est que plus extra-ordinaire, et mon existence dépend d’un personnage double.
Les divers recours tentés pour unifier et réconcilier, par pleine conscience et espérance, le poète avec lui-même, ont constamment échoué. Le besoin de renommée, la jalousie du succès, furent jugés de bonne heure comme enfantillages, sans pouvoir sur le vrai mal. Les diversions de nature sentimentale ou érotique n’ont laissé qu’amertume et fatigue. Le recours à toute doctrine philosophique ou de sagesse, inutile. Le seul recours efficace fut dans le travail. Je me suis interdit toute dépense en dehors du travail. Le bourreau, comme le croyant, veulent que je travaille sans cesse. »
Pierre Jean Jouve
En miroir
Mercure de France, 1954, 1970, 10/18, 1972
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dimanche, 21 avril 2019
Pierre Jean Jouve, « Le monde désert »
DR
« Parce qu’il l’avait tellement suppliciée, Face de Baladine s’assit sur un divan et le regarda. Face de Baladine (c’était Baladine). (L’écho immémorial de la présence de Baladine se produisait, la face était froide, digne, douce, un peu renversée en arrière, le corps vague formait le prolongement, magnifique et sans importance. Habillée ? non habillée ? Comme vous voulez.)
Oui elle s’assit sur le divan dans l’appartement noir et commença par longtemps se taire, naturelle avec une immobilité frappante du regard, certains gestes petits et incompréhensibles du bout des doigts, et Luc la regardait courageusement de telle manière qu’une journée entre eux passait comme un clin d’œil.
Il fallut d’abord que Luc fît un certain effort pour l’obtenir. Il fallut aussi qu’il renonçât à tout travail quelque temps avant de l’évoquer. Elle était plus spontanée la nuit, plus incomplète et troublante le jour. Pourquoi Luc lui aurait-il parlé ? On ne s’adresse pas à une image. Cependant une fois elle se donna à lui dans le lit, pendant l’insomnie qu’il avait si souvent avant l’aube. Certainement elle avait choisi ce moment où toute la création devient confuse dans le cerveau de Luc. “Elle se donna” est d’ailleurs une manière de parler. Puisqu’elle n’était qu’une Face.
Quand elle venait, Luc prenait la position qu’elle aimait le mieux : le coude appuyé sur sa table et la main soutenant le front. “Car elle a toujours dit qu’elle chérissait ma main.” Face Baladine était toujours dans le même angle, celui que la clarté de la fenêtre touche à peine : sachant que sur le fond sa Face pâle se détachait parfaitement et vivait. Les lèvres remuaient et Luc comprenait que Baladine se parlait à elle-même, elle avait bien raison. Les lèvres étaient fardées et disparaissaient les dernières quand l’image s’en allait.
Luc Pascal arrangea bientôt toute sa vie pour elle. »
Pierre Jean Jouve
Le monde désert
Mercure de France, 1927, remanié en 1960, L’Imaginaire n° 287, 1993
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dimanche, 10 février 2019
Franck Venaille, « L’enfant rouge »
Photogramme du film de Guy Lejeune, Franck Venaille, l’homme qui voulu être belge
« L’odeur de la ville tout entière parvient jusqu’à nous, les disgraciés. Demain sera dimanche. Il échappe à cette médiocrité générale dénoncée dans un tract par La Jeunesse communiste. Père, je vous ai aimé tragiquement, c’est à dire à travers mes larmes. Et qu’en est-il du combat des mots ? Je me nomme Franck Venaille et je sais que mon enfance m’attend dans cette rue Paul-Bert proche si proche du Bazar rouge que je salue. Ça. Je me souviens parfaitement de cet entrepôt que, de mémoire, je situe entre la rue des Cîteaux et le faubourg Saint-Antoine. On communiquait d’un étage à l’autre par un large escalier en colimaçon. Je n’y suis jamais entré seul. J’accompagnais ma mère qui se grisait de rêves, marchant telle une princesse sur l’authentique tapis rouge, dévoré en dessous par des seaux d’eau de lessive. Moi-de-onze-ans, j’observais la multitude de nuages cachant la vie réelle. La vie unique. Aujourd’hui encore je ne me sens pas un apôtre de l’observation minutieuse du ciel et d’autrui. Et hier, peut-être j’achetais (je volais !) des cartes postales reproduisant des œuvres de Bonnard, Matisse et Georges Braque. J’avais besoin de cette beauté. J’avais besoin d’admirer. C’est à cette époque que je mis à écrire, dans le métro, mes premiers Poèmes mécaniques. Les dernières marches de l’escalier de la station Faidherbe-Chaligny à peine franchies, je me précipitais sur le kiosque et m’emparais de tous les titres (Le Parisien libéré, France-Soir, Paris-Presse, L’Humanité, L’Aurore) pour retravailler les mots, les essorer, les tordre, eux qui s’étalaient là comme autant de blessures et de raisons d’espérer. Ne cherchez pas à me faire oublier l’élan qui fut le mien, d’emblée, vers la beauté ouvrière. Dès lors le quartier tout entier changeait de forme et je me croyais incandescent. Que la lumière soit ! Que ce jeune homme (cet enfant plutôt !) mêle avec succès l’écriture et la fidélité à une pensée politique qui commençait à apparaître dans sa vie. Ce soir, je suis avec toi. Je m’endors avec toi, enfant. Je suis resté attaché à des images naïves que j’ai conservées soigneusement. Aujourd’hui je refais le voyage qui me conduit dans mon quartier. Il est mien. Il m’appartient. Je l’ai aimé dans une sorte de toundra sentimentale. Viendront les temps noirs des prédateurs. Mais Moi-de-onze-ans n’a pas plié. »
Franck Venaille
L’enfant rouge
Mercure de France, 2018
Guy Lejeune, Franck Venaille, l’homme qui voulu être belge
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samedi, 24 juin 2017
Franck Venaille, « Requiem de guerre »
DR
« Ah ! s’en aller pleurer sur un banc de bois le dimanche.
Rejoindre la compagnie des hérissons. C’est ainsi. C’est fait. Nous ne recommencerons plus les erreurs d’antan.
Il y a chez cet écrivain, une volonté farouche de faire entendre ses silences. Eh ! L’ami ! C’est bien à toi que je m’adresse. Tu avais le regard clair de celui qui donne tout et qui, sans angoisse, fait état de sa peur, de ses rages, continue d’être un homme qui a su combattre et vaincre les Furies.
Nous irons, pieds nus, marcher sur les braises.
Nous briserons leurs marmites de sorcières ah ! quelle journée !
Je peux en témoigner : il ne s’agissait nullement d’un rêve mais bien d’un morceau de réel comme toute mère en prépare pour son grand fils afin qu’il calme sa faim le moment venu.
Il ne s’agit plus de montrer sa peur. Il suffit de dire : “me voici” et les murs des longs couloirs prennent une couleur nouvelle. C’est là que j’ai croisé celui qui devait être l’ami de Kafka. Même redingote. Semblable démarche. Je m’enferme dans ma chambre pour relire le Journal. Cette douleur née de l’intérieur du corps des hommes comment la nommer ? Comment lire leur destin sur une mappemonde ?
Je me bats et je me débats. Je suis le personnage central d’un film. Je vais, maladroitement, d’un point à l’autre. Je rêve. Beaucoup. Et trop. La nuit je guette les bruits de pas des visiteurs étranges. Je suis allongé.
Je me tourne sur le côté droit avec difficulté. Dites ! Pourquoi cacher la vérité sortie nue du corps de la femme au bain ? Je suis un homme qui ne croit plus en son pouvoir d’agir sur les merveilles du monde. »
Franck Venaille
Requiem de guerre
Mercure de France, 2017
Franck Venaille vient de recevoir le Prix Goncourt de la Poésie 2017
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mercredi, 31 juillet 2013
François Dominique, « À présent — Louis-René des Forêts »
« L’écriture silencieuse, et non tapageuse, dont sont tissés certains livres n’a de sens qu’en raison d’un fait dont aucune mémoire n’a le souvenir explicite : on nous a “appris à parler”, ce qui suppose la double épreuve d’entendre et de répondre, dont l’origine s’efface, ou plutôt nous devient inaudible. Mais la recherche de l’origine, dans ces livres-là, devient le ressort secret de la quête du sens.
Cette simple vérité est si peu connue que l’écriture dans son usage le plus courant, dans ces expressions sociales, dans ses parades frivoles ou prétentieuses, s’emploie à détruire l’enfance dont elle procède pour cimenter des rapports “adultes” de sujétion et de possession déterminés par les rapports d’existence.
Est-ce que la littérature ne serait pas, ne devrait pas être une sorte de contre-écriture pour réapprendre à parler ? Pour combler la perte de l’origine ? Pour combler un manque ?
En écrivant ceci, j’entends cet enfant qui chante, l’enfant qui se dresse dans Une mémoire démentielle*, contre les camarades trop cruels, les maîtres injustement sévères et contre l’accusation de mentir : “C’est sa propre gloire qu’il clame à pleine gorge, comme si ce qu’elle criait au ciel était félicité faite pour durer toujours.” »
François Dominique
À présent — Louis-René des Forêts
Mercure de France, 2013
* Une mémoire démentielle est le quatrième récit de La Chambre des enfants de Louis-René des Forêts.
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lundi, 28 janvier 2013
Franck Venaille, « Chaos »
« Je crois à la parole rare.
À ce qui protège des mouvements de foule du langage.
Hier ! Demain ! & ce bien étrange aujourd’hui.
Tout cela forme ce que je crains : des figures de carnaval (l’horreur des masques)
Nous sommes un groupe. Nous sommes compagnons de voyage. Nous irons ensemble longtemps je crois.
Mais pour cela il faut que je me force pour oublier la langue du père.
Ici & ailleurs.
J’en ris nerveusement.
Pourquoi faut-il que, dans la version sexuelle de l’amour, on se dévore les bouches ? On aurait
pu imaginer quelque chose de nettement différent ! (plus angélique !)
C’est parce que je crois au langage que je ne puis vous répondre, dit-il.
Dit l’enfant. Celui que nous portons en nous.
Dit encore le-petit-de-la-douleur-première. »
Franck Venaille
Chaos
Mercure de France, 2006
11:35 Publié dans Écrivains | Lien permanent | Tags : franck venaille, chaos, mercure de france