mardi, 01 mars 2022
Yu Xuanji, « Adressé à Zi’an, de l’autre coté de la rivière Han »
Gai Qi, le Caractère poétique de Yu Xuanji (détail), 1825. Musée de la Cité interdite, Pékin
« Au sud du fleuve, au nord du fleuve, regards tristes ;
Amour et souvenirs partagés, à quoi bon chanter ?
Les canards mandarins sur le sable dorment au chaud ;
Les aigrettes oisives volent dans la forêt d’orangers.
Dans la brume, chants et musiques à peine audibles ;
Sur l’embarcadère, clair de lune aux teintes foncées.
Tout près et pourtant si loin est celui à qui je pense ;
D’autant que j’entends au loin le linge être frappé. »
Yu Xuanji — 844-868
in « La dynastie des Tang »
Traduit par Florence Hu-Sterk
Anthologie de la poésie chinoise
Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2015
16:55 Publié dans Chine, Écrivains, Édition, Livre, Poésie | Lien permanent | Tags : yu xuanji, adressé à zi’an, de l’autre coté de la rivière han, florence hu-sterk, anthologie de la poésie chinoise, pléiade gallimard
jeudi, 16 juillet 2020
Xiao Gang, « Poème sur des noms de simples »
Paysage, Dynastie des Ming
« La brise matinale fait trembler les fleurs,
Le soleil du soir brille sur l’appontement.
Tout en haut d’une tour une femme esseulée
Au crépuscule pleure sur sa solitude.
La lampe éclaire le lit des plaisirs à deux,
Dans les tentures flotte le parfum du benjoin.
Elle broie un peu d’encre, écrit deux ou trois vers,
Avec de la céruse essaie de se farder.
Elle voudrait tant voir de la fleur d’hellébore
La tige volubile emplir sa chambre vide. »
Xiao Gang ne fut pas qu’un poète à l’œuvre importante, il régna les deux dernières années de sa vie et mourut assassiné. Son œuvre fut longtemps mésestimée, pourtant, entouré par un cercle de poètes, il écrivit beaucoup dans un style très orienté vers les recherches formelles.
Xiao Gang — 503-551
in « Les Six Dynasties (de la fin des Han à la fin des Sui) » — 196-618
Traduit du chinois par François Martin
In Anthologie de la poésie chinoise
Pléiade / Gallimard, 2015
15:34 Publié dans Chine, Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre, Poésie | Lien permanent | Tags : xia tong, poème sur des noms de simples, françois martin, les six dynasties, anthologie de la poésie chinoise, pléiade gallimard, brise, fleurs, crépuscule, appontement, femme seule, lit, parfum, benjoin, vers, céruse, hellébore
dimanche, 26 avril 2020
Jean de la Croix, « Chanson entre l’âme et l’époux 1 à 12 »
« I
Épouse
Mais où t’es-tu caché
me laissant gémissante mon ami ?
Après m’avoir blessée
tel le cerf tu as fui,
sortant j’ai crié, tu étais parti.
2
Pâtres qui monterez
là-haut sur les collines aux bergeries,
si par chance voyez
qui j’aime dites-lui
que je languis, je souffre et meurs pour lui.
3
Mes amours poursuivrai,
j’irai par les montagnes et les rivières,
les fleurs ne cueillerai,
ne craindrai lions, panthères
et passerai les forts et les frontières.
4
Demande aux créatures
Ô forêts et taillis
que mon ami a de sa main plantés,
verdoyantes prairies
de fleurs tout émaillées,
dites si parmi vous il est passé.
5
Réponse des créatures
Mille grâces versant,
en hâte par ces bois il est passé
et en les regardant
son visage a jeté
sur eux le vêtement de la beauté.
6
Épouse
Ah, qui me guérira !
Achève enfin d’entièrement t’offrir,
ne me dépêche pas
d’envoyés pour me dire
ce qui ne peut répondre à mon désir.
7
Et tous ceux-là qui errent
me vont de toi mille grâces évoquant
et tous plus me lacèrent
et me laisse mourante
je ne sais quoi qu’ils vont balbutiant.
8
Mais comment vivre encore,
âme, là où tu vis ne vivant pas,
et faisant pour ta mort
les traits que tu reçois
de ce qu’en toi de l’ami tu conçois ?
9
Pourquoi l’ayant meurtri,
n’as-tu pas soulagé le cœur blessé
et, me l’ayant ravi,
pourquoi l’avoir laissé
sans emporter ce que tu as volé ?
10
Mon tourment, éteins-le
puisqu’à l’apaiser nul ne suffira
et que te voient mes yeux
car tu es leur éclat
et je ne veux les avoir que pour toi.
11
Cristalline fontaine,
si, parmi tes visages argentés,
tu figurais, soudaine,
les yeux si désirés
qui sont dans mes entrailles dessinés.
12
Ami détourne-les,
le vol me prend
Époux
Colombe, reviens-moi,
voici le cerf blessé
qu’au tertre on aperçoit,
qui au vent de ton vol s’aère et boit. »
Jean de la Croix
Cantique spirituel
traduit de l’espagnol par Jacques Ancet
in « Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Œuvres »
édition de Jean Canavaggio
Pléiade / Gallimard, 2012
15:36 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : jean de la croix, chanson entre l'âme et l'époux 1 à 12, jacques ancet, œuvres, jean canavaggio, pléiade gallimard
mercredi, 17 juillet 2019
Bao Zhao, « Retour au pays en rêve »
« En retenant mes pleurs, j’ai franchi les murailles,
Mon épée bien en mains aux carrefours déserts.
Des tourbillons sableux volent dans le ciel noir
Et mon cœur esseulé ne pense qu’au pays.
Retrouvant chaque soir l’oreiller solitaire,
Je rêve qu’un instant je m’en reviens chez nous.
Mon épouse m’attend, souriante à la fenêtre
En déroulant la soie sur son métier chantant.
Quel bonheur de conter notre séparation
Avant de retrouver la couche de satin.
Nous coupons l’orchidée, au parfum sans pareil,
Cueillons le chrysanthème, splendeur inégalée.
D’un coffret elle sort l’hellébore odorant,
De sa manche elle tire des herbes fragrantes.
Quand je suis dans mon rêve, il n’y a plus d’espace,
Mais quand vient le réveil un fleuve nous sépare.
En m’éveillant soudain je pousse un vain soupir ;
Quelle détresse alors où mon âme s’envole !
Un vaste flot laiteux s’étale à l’infini,
Les sommets imposants s’élèvent jusqu’au ciel.
Les vagues tour à tour s’en vont et s’en reviennent,
Le vent et la gelée s’accroissent puis déclinent.
Le pays où je suis, ce n’est pas mon pays.
Hélas ! je n’ai personne à qui dire ma peine. »
Bao Zhao – 414-466
Les Six Dynasties ( de la fin des Han à la fin des Sui, 196-618)
Traduit par François Martin
in Anthologie de la poésie chinoise
Pléiade / Gallimard, 2015
18:18 Publié dans Écrivains, Édition, Livre | Lien permanent | Tags : bao zhao, retour au pays en rêve, anthologie de la poésie chinoise, pléiade gallimard
lundi, 01 février 2016
Chao Zhongzhi, « En route de nuit »
Shi T'ao, 1642-1707
« Plus je vieillis, plus le désir des mérites et de la renommée s’estompe,
Et sur ma pauvre haridelle, seul, j’emprunte la longue route.
Dans le village isolé, des lampes qui luisent jusqu’à l’aube
M’informent que toute la nuit quelqu’un a lu des livres. »
Chao Zhongzhi (1072 - ?)
La dynastie des Song du sud (1127-1279)
Traduit par Stéphane Feuillas
In Anthologie de la poésie chinoise
Pléiade / Gallimard, 2015
19:22 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : chao zhongzhi, stéphane feuillas, anthologie de la poésie chinoise, pléiade gallimard