Un diamant brut
L’Yonne, Maman Blanche et Papa Edgar sont de braves gens, de ces bons paysans qui encaissent autant qu’ils savent donner. Yvette, leur est confiée par l’Assistance publique, même si encore, pas loin, rôde l’ombre d’un père qui ne l’est peut-être pas. Mais l’administration n’aime pas le bonheur aussi la belle enfant aux beaux cheveux blonds est déplacée dans une famille de brutes où la patronne l’humilie jour et nuit. L’hôpital peut sauver les malheureux. Après un séjour entre les infirmières en cornettes, toutes de gentillesse et d’humilité, Yvette ira, à deux pas de Vézelay, chez Maman Phasie et Papa Gustave qui aimeraient bien une petite pour habiter – plus tard – la maison destinée aux enfants qui sont partis.
Et elle est bien Yvette dans ce petit monde simple et paisible, entre l’école et les animaux, les douceurs et l’affection. Ce pourrait se terminer comme ça, une vie simple à la campagne, mais ce serait sans compter le fait qu’à partir de 14 ans les pupilles de l’Assistance doivent travailler pour rembourser l’État, sans compter sur les quasis voisins, des parisiens de « la haute », trouvent que la mignonne est « un diamant brut » qui sait même dessiner. Christian et Yvonne Zervos vont s’engager à adopter la jeune beauté. En traversant le champ qui sépare la ferme de Phasie et Gustave de La Goulotte, la maison de Taky et Yvonne, la jeune fille ne sait pas encore dans quel monde elle est tombée. Elle a 13 ans, et bientôt elle partira à Paris, rue du Bac. Entre Eluard et Nusch, Bataille, Balthus, Miró, Léger, Giacometti, Char – l’amant d’Yvonne – aux shorts si larges qu’ils laissent apercevoir des breloques, Braque, Brauner, Hélion… c’est Picasso qui sera son préféré, lui qui la guide, l’accompagne, sans rien demander – ce qui n’est pas le cas de tout le monde, pensez… Zervos, ce cher Taki, l’homme des Cahiers d’art, le mécène, l’ami du tout Paris, lui demande – ce n’est pas bien méchant, n’est-ce pas – de « moucher son tuyau à pipi », puis on passera, tandis que Char et Yvonne frétillent, aux choses sérieuses… Yvette tournera dans un court-métrage poético-artistique de René Char financé par les Zervos avec Jacques Dupin en jeune premier... mais déjà elle pense à fuir cette existence insouciante. Elle part avec Monsieur Sacha Szczupak (Choux-Pâques, dit-elle, car elle raffole des surnoms qui font malentendus – on pourrait dire si exactement entendus) en Israël. Là-bas elle trouve quelque chose en elle-même qui n’attendait que pouvoir se révéler : « L’Ailleurs, c’est ici ».
Elle quittera la France, et le couple qui l’avait adopté et ne savait que la manipuler, deux mois avant sa majorité. Elle obtiendra le certificat de conversion n° 6 de l’État d’Israël, épousera Sacha et après avoir écrit ce livre simple et complexe pourtant elle s’y éteindra en 2003. Livre simple et complexe à la fois car son auteur est un écrivain. Elle sait remuer sa phrase pour, en racontant, faire passer ce qui compte, ce qui bâtit une demeure pour soi où l’on peut accueillir l’autre, les bras grands ouverts. Sans regret, sans haine non plus, elle décrit des mondes, des époques, des êtres avec une justesse et une drôlerie étonnantes.
De surcroît elle donne à lire un redoutable témoignage sur ce que ne devrait jamais être l’adoption.
Yvette Szczupak-Thomas
Un diamant brut
14x21, 448 p. ; 20 € ; isbn : 978.2.96424.654.1
Métailié, 2008
Philippe Vercaemer (textes) et Chantal Detcherry (photographies)
Philippe Vercaemer a enseigné la littérature française dans les Universités de Brazzaville (R. du Congo), Pointe-à-Pitre (Antilles), Wuhan (R. P. de Chine) et Bordeaux. Il a publié, outre Le Népal/une racine entre deux pierres, un récit,
L'humanité du 30 octobre 2008
Dominique Autié est mort à 59 ans le 27 mai dernier.
« Les âmes des vivants et les âmes des morts sont de douces marionnettes. La chose la plus extraordinaire est que tu as compris que les marionnettes se font bouger les unes les autres. Chaque marionnette fait fonctionner d’autres marionnettes et ainsi de suite. Il n’y a pas de marionnettes sans importance pour les autres marionnettes. Tu as compris que tu es aussi une marionnette et tu cherches non pas à t’affranchir de l’état de marionnette, chose impossible, mais à ne pas utiliser cet état de fait et à le laisser s’atrophier par manque d’exercice. Chaque fois que la marionnette qui est en toi veut s’exprimer, tu t’abstiens de prendre position, tu t’éclipses, tu te retires, tu n’interviens pas et la marionnette se meurt dans sa soif inassouvie. »
Voici un livre surprenant et qui annonce la naissance d’un écrivain.
Pour Thomas Braichet il faut aller sur la page de Tapin qui lui rend hommage – il participait depuis plusieurs années à la revue Boxon avec Julien d’Abrigeon, Cyrille Bret, Gilles Cabut… –
« L’enfant a le sourire tendre des idiots. Elle ne sait rien de celle partie grandir loin, amoureuse d’elle-même, sans autre soin d’elle-même que le crin rugueux de la folie folle folle folle sans l’enfant resté figé.
Hélène Mohone est morte hier, 3 avril, à 13h 25. Son visage était serein. Elle était dans le coma depuis deux jours après des années à se bagarrer contre la maladie. Courageuse et joyeuse, elle apportait aux autres une paix rare car elle avait une vraie nature spirituelle.