Avag Epremian, « J’ai vu… »

« J’ai vu les rues de ma ville,
désertes et sans issue ;
j’ai vu détruit le sanctuaire unique
de mon enfance ;
les mots dont je rêvais
avaient soudain vieilli, dénués de passion ;
seul, paradant, le cadavre
des jours était en liesse…
À ma porte, comme
négligemment jetés là,
gisaient les siècles, la gloire trouble des siècles,
leurs mœurs libertines,
et, dans l’attente, un million de
pharisiens, de douaniers et de clercs
tremblants — perplexes devant la force
ultime et tragique de l’instant. »
Avag Epremian
Traduit de l’Arménien par Nounée Abrahamian & Stéphane Juranics
in Avis de recherche — une anthologie de la poésie arménienne contemporaine
Éditions Parenthèses, 2006
http://www.cipmarseille.com/auteur_fiche.php?id=2253&PHPSESSID=bbe287afc0c5756ebab8dddc2814c375








« Je me dis qu’il faudrait inscrire dans toutes les constitutions du monde le droit imprescriptible de chacun à revenir quand bon lui semble sur les hauts lieux de son passé. Lui confier un trousseau de clés donnant accès à tous les appartements, pavillons et jardinets où s’est jouée son enfance, et lui permettre de rester des heures entières dans ces palais d’hiver de la mémoire. Jamais les nouveaux propriétaires ne pourraient faire obstacle à ces pèlerins du temps. J’y crois fort, et si je devais renouer un jour avec l’engagement politique, je me dis que ce serait l’unique point de mon programme, ma seule promesse de campagne… »