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moundarren - Page 2

  • Yang Wan li, « Le soir assis dans le studio baptisé “de l’Art de gouverner sans interférer avec le peuple” »

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    « porte fermée, je reste assis, mal à l’aise

    j’ouvre les fenêtres pour faire rentrer une légère fraîcheur

    la forêt cache le soleil

    mon fils broie de l’encre d’un émeraude lumineux

    spontanément ma main cherche mes recueils de poèmes

    je fredonne doucement plusieurs poèmes

    au début cela me réjouit

    puis soudain je ressens de la tristesse

    j’abandonne le recueil, impossible de lire plus longtemps

    je me lève et marche autour de mon siège

    les anciens avaient des griefs hauts comme une montagne

    mon cœur est tranquille comme un fleuve

    si je suis si différent d’eux,

    pourquoi me brisent-ils les entrailles à ce point ?

    mon émotion passée, je me mets à rire

    une cigale hâte le soleil couchant »

     

    Yang Wan li

    Le son de la pluie

    Poèmes choisi et traduits du chinois par

    Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1988, 2008, 2017

    http://www.moundarren.com/poeteschinois/yangwanli

  • Yang Wan Li, « Vivant retiré »

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    Antoine Watteau, Lao Gine ou le vieillard chinois, Musée du Louvre

     

    « L’arbre Yuo mu, sur une île de l’Océan de l’ouest, est l’arbre au-delà duquel le soleil se couche

     

    convalescent, j’ai du mal à marcher

    longtemps assis, mon sentiment ne s’apaise pas

    têtu devant ma femme,

    j’ai honte d’avoir à lui demander du soutien pour me lever

    je préfère faire appel à ma canne en bambou taché

    à chaque pas elle m’accompagne

    je n’ai pas l’intention d’aller bien loin,

    je vais juste faire un tour dans la cour

    quand le terrain est plat, personne ne s’en rend compte

    mais si ça monte ou si ça descend aussitôt on ralentit

    ma vie durant l’ambition m’a mené dans les quatre directions

    les huit extrémités je les regardais comme rien

    à l’ouest je me suis envolé, cassant une branche de l’arbre Yuo mu*

    à l’est j’ai traversé l’océan en chevauchant une baleine

    aujourd’hui me voilà allongé sur un lit en chénopode

    dès que je me lève neuf fois je halète

    ma force est épuisée mais mon ambition est intacte

    au-dessus du lit je saisis mon épée précieuse

     

    en plus d’être malade, j’ai mal aux pieds et suis las de rester assis toute la journée, j’écris pour tromper l’ennui

     

    ma vue est brouillée, la neige couvre mon crâne

    dans le flou sont passées les trois ou quatre dernières années

    qui sait que c’est le mal aux pieds qui m’empêche de marcher ?

    à me voir rester sagement à la maison, on pense que je suis assis en méditation

    si mon éventail tombe de la table, je suis trop paresseux pour le ramasser

    aller consulter un livre près de la fenêtre, comment me déplacer ?

    les gens de ce monde tous envient les immortels parce qu’ils volent

    moi, j’envie ceux qui marchent, c’est ça pour moi être immortel »

    Yang Wan li – 1127-1206

    Le son de la pluie

    Poèmes choisi et traduits du chinois par

    Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1988, 2008, 2017

    http://www.moundarren.com/poeteschinois/yangwanli

     

  • Yang Wan Li, « Dans la chaleur de midi, je monte au Kiosque de la Récolte abondante »

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    Shen Zhou, 1427-1509. Musée du Palais, Pékin

     

    « dans la maison basse, la canicule, impossible de rester

    dans le haut kiosque, d’air frais il n’y a pour ainsi dire pas

    si le petit vent n’est pas entièrement avalé par les cigales,

    un peu de fraicheur arrivera peut-être jusqu’au vieillard »

     

    Yang Wan Li – 1127-1206

    Le son de la pluie

    Poèmes traduits du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1988

    http://www.moundarren.com/poeteschinois/yangwanli

  • Yang Wan Li, « Pour remercier Wu Te hua, commissaire du thé de Chian chow, qui m’a envoyé une nouvelle édition d’un recueil de Su Tung po* »

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    Ma Yuan (actif 1190-1225), Promenade sur un sentier de montagne au printemps (détail), peinture, encre et couleurs sur soie. Musée du Palais, Taipei

     

    « L’or jaune, le jade blanc, des perles claires comme la lune, des chansons limpides, des danses merveilleuses, une jeune beauté à renverser une ville, les autres ont tout cela, moi seul n’ai rien. Comme Hsiang yu** je n’ai que quatre murs pour m’entourer. À part cela j’ai aussi une étagère de livres. Si elle ne suffit à me rassasier, au moins elle rassasie les termites argentés. Un vieil ami au loin vient de m’envoyer un recueil de Tung po. Les vieux livres quittent tous la natte pour lui céder la place. Quand j’étais enfant, espiègle, pour les cent choses je n’étais pas paresseux, mais quand il s’agissait d’étudier, exprès je me levais tard. Mon père se fâchait, blâmait son fils sot et m’ordonnait, l’estomac affamé, de dévorer de vieux livres abimés. Avec la vieillesse pour les dix mille choses je suis à la traîne derrière les autres. Quand avec nonchalance je prends un vieux livre pour occuper mes yeux malades, dès qu’ils rencontrent le livre mes yeux malades se brouillent. Les caractères gros comme des mouches deviennent de vieux corbeaux. Mes yeux malades, que peuvent-ils donc faire avec de vieux livres ? Quand je feuillette un vieux livre, tout le temps je soupire. Ce recueil de Tung po je l’ai déjà, mais avant d’arriver au dernier chapitre ma main s’arrête. L’encre est imprimée de façon floue, le papier n’est pas bon. Ni bon papier, ni bonne calligraphie. Mais le texte vient d’être gravé sur du bois de jujubier de Fu sha. La gravure fidèle, vigoureuse et svelte ne trahit pas l’original. Le papier est comme un cocon de couleur de neige qu’on sort d’une bassine de jade, les caractères comme le dessin des oies sauvages du givre sur les nuages d’automne. Avec la vieillesse mes deux yeux voient comme à travers le brouillard, quand ils croisent des saules, quand ils croisent des fleurs, ils ne les remarquent même pas. Mais chaque fois qu’il croisent un beau livre neuf, toute la journée ils l’apprécient, ne veulent plus le quitter. Tung po est encore plus fou que moi, il a refusé d’échanger sa veste de toile grossière pour devenir l’un des trois ministres. De son pinceau surgit un langage étonnant, à balayer les chevaux ordinaires de dix mille générations. Vieil ami, tu t’apitoies, comme en vieillissant je deviens plus obtus, au lieu de m’envoyer un élixir pour soigner mes os malades, tu m’envoies ce livre pour me bousculer un peu. Je gratte ma tête blanche jusqu’à ce que la lampe bleue s’éteigne. »

     

    * Poète, peintre, 1037-1101

    ** Chef militaire de la fin de la dynastie Qin, 232-202 av. J.-C. Selon la légende il se serait décapité lui-même.

     

    Yang Wan Li

    Le son de la pluie

    Traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1988

    http://www.moundarren.com/poeteschinois/yangwanli

  • Yang Wan Li, « Dans la Barque sous la neige, fatigué je m’endors »

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    « J’ai construit un petit studio, de la forme d’une barque, aussi l’ai-je appelé la Barque du pêcheur sous la neige. Aujourd’hui j’y étudie, fatigué m’endors. Brusquement le vent entre dans la pièce, remue dans le vase les fleurs de prunier si parfumées. Réveillé en sursaut, je compose ce poème.

     

    une petite chambre, la fenêtre claire, la porte à moitié fermée

    lisant un livre je m’endors, tout engourdi

    impudentes les fleurs de prunier me dérangent

    exprès elles dégagent leur parfum pour briser mon rêve »

     

    Yang Wan Li – 1127-1206

    Le son de la pluie

    Poèmes traduits du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1988

    http://www.moundarren.com/poeteschinois/yangwanli

  • Li Po, « Jour de printemps, après l’ivresse évoquant mon sentiment »

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    Li Po par Liáng Kǎi

     

    « vivre en ce monde est comme un grand rêve

    à quoi bon se fatiguer ?

    aussi tout le jour je suis ivre

    je m’effondre et m’allonge sur le perron

    au réveil je regarde dans la cour

    un oiseau chante parmi les fleurs

    dis-moi, quelle saison est-ce ?

    “dans le vent du printemps chante le loriot”

    ému par cela je suis pour soupirer,

    mais devant le vin me sers à nouveau

    je chante à haute voix, attendant la lune claire

    quand mon chant s’achève mon sentiment est apaisé »

     

    Li Po (701-762)

    Buvant seul sous la lune

    Traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1988

    http://moundarren.com/

  • Li Po, « Buvant seul sous la lune »

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    Li Po, portrait imaginaire par Liang Ka, XIIIe siècle

     

    Deux traductions d'un même poème

     

    « un pichet de vin au milieu des fleurs,

    je bois seul, sans compagnon

    levant ma coupe je convie la lune claire

    avec mon ombre nous voilà trois

    la lune hélas ! ne sait pas boire,

    et mon ombre ne fait que me suivre

    compagnes d’un moment, lune et ombre,

    réjouissons-nous, profitons du printemps

    je chante, la lune musarde

    je danse, mon ombre s’égare

    encore sobres ensemble nous nous égayons

    ivres chacun s’en retourne

    mais notre union est éternelle, notre amitié sans limite

    sur le Fleuve céleste là-haut nous nous retrouverons

     

    Li Po

    Buvant seul sous la lune

    Poèmes traduit du chinois par

    Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1998

    &

     

    « Pichet de vin posé parmi les fleurs.

    Boire tout seul privé de compagnon.

    Levant ma coupe, je salue la lune

    Nous sommes trois : elle mon ombre et moi.

    La lune cependant ne sait pas boire

    L’ombre non plus qui m’a toujours suivi.

    Mais buvons à mon ombre et à la lune

    C’est l’éphémère joie de ce printemps.

    J’entonne un chant – la lune suit mon rythme

    Je danse l’ombre danse au même pas.

    L’éveil et la joie pure d’être ensemble.

    L’ivresse dissipée chacun se quitte.

    Errants à tout jamais liés et seuls

    Les retrouvailles dans la Voie lactée. »

    Ombres de Chine

    Douze poètes de la dynastie tang (680-870) et un épilogue

    Choix, traduction et commentaire André Markowicz

    Inculte / dernière marge, 2015

  • Lu Yu, « Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise »

    lu yu,levieil homme qui n'en fait qu'à sa guise, moundarren

    La chambre chaude

     

    ma fourrure douce est supérieure à du renard blanc

    mon poêle est aussi chaud que ceux chauffés au charbon de première qualité de la Cour

    le paravent en papier a la forme d’une montagne

    la couverture en tissu ressemble à un quadrillage de calligraphie

    pour ménager mes yeux le store est rarement enroulé

    pour préserver l’encens la porte est souvent fermée

    au soleil du crépuscule d’un profond sommeil je me réveille

    je me lave et scande les classiques de la Cour jaune*

     

    Lu Yu

    Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise

    poèmes choisis et traduits du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1995, rééd. 2012

     

     * Les Classiques de la Cour jaune : les Classiques taoïstes

  • Lu Yu, “Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise”

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    étudiant les livres

     

    à l’écart je me suis réfugié, au bord des fleuves et des lacs,

    séjournant sagement au milieu du vent et de la pluie

    le papier neuf à la fenêtre est extrêmement blanc

    dans le poêle chaud le feu rouge vif rougeoie

    marque-pages et étuis de livres je viens à l’instant d’arranger

    la prononciation et la forme des caractères j’étudie en détail

    si je ne meurs pas tout de suite et surmonte la décrépitude,

    pendant dix années encore je me consacrerai à l’étude

     

    Lu Yu

     Le vieil homme qui n’en fait qu'à sa guise

    traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1995

     

    en remerciant Lambert Schlechter depuis Eschweiller