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bernard noël

  • Claude Louis-Combet, « Marinus et Marina »

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    « Les nuits, si brèves qu’elles fussent, dans la solitude de sa cellule, étaient, pour Frère Marinus, des moments de profonde misère. Longtemps, il fut hanté du désir de regarder son corps, d’en toucher les formes, d’en respirer les odeurs et comme de l’épouser et de communier à son essence par les gestes de la caresse... Comme tous les Frères, Marinus couchait dans la robe qu’il avait portée le jour, dans laquelle il avait transpiré et dont il avait éprouvé la rudesse dans toutes les activités de la journée. La nuit, en dépit de la fatigue qui le poussait au sommeil, le jeune moine ressentait la réalité de ce vêtement sur son corps comme une charge accablante et odieuse. Son ventre brûlait, ses seins étouffaient, toute sa chair tremblait de l’attente d’être retrouvée, reconnue, aimée, apaisée. Couché sur le dos ou recroquevillé sur lui-même, Marinus, hors de tout regard et délivré de la contrainte extérieure qui l’obligeait à tenir son rôle, n’était plus que Marina. Il était cette douceur de la peau, cette tendresse de tous les membres, cette rondeur obscure au-dedans de son ventre, à la fois close et ouverte, tendue et creusée, dont le sexe formait le signe étrange et fascinant. Autrefois, Marina ne se distinguait pour ainsi dire pas de son corps. Les fêtes intimes auxquelles elle s’adonnait, dans la clarté de la pleine lune ou au lever du soleil, accomplissaient sur un mode majeur ce que le bonheur quotidien d’exister n’avait cessé de préparer : un accord parfait de l’être avec son plaisir. Et c’était sans honte et sans remords qu’elle s’offrait aux puissances cosmiques dont la présence lui était tout aussi sensible, tout aussi proche qu’à d’autres moments celle du Christ, de la Vierge et des Saints qui emplissaient d’or et de couleurs tout l’espace de l’église. Sans le savoir et parce qu’elle obéissait spontanément à son désir, Marina, toute chrétienne qu’elle fût, perpétuait pour elle-même le vieux paganisme de sa race. Et il n’y avait là aucune source de conflit entre elle-même et elle-même. Cependant, depuis son départ pour Maria Glykophilousa, depuis que la parole d’Eugène s’était insinuée dans sa propre prière, quelque chose s’était brisé au fond de cette innocence. Et désormais, le corps de Marina, nié dans le monde des réalités claires, n’avait d’autre existence que nocturne et d’autre sens que celui d’une protestation d’identité. De Marinus à Marina, la distance s’était instituée et le désaccord était désormais consacré entre eux. Le désir et le plaisir qui, naguère, unifiaient l’être, à présent le dissociaient. Et le corps de Marina s’exaspérait dans sa propre douceur et la volonté de Marinus se durcissait dans le refus.

    Longtemps, Marina avait poli ses mains à l’aide de ces huiles parfumées, venues de Byzance et dont Irène lui avait appris l’usage. Et elle avait aimé tailler et limer ses ongles et les enduire de vernis bleu ou de paillettes d’argent. Et comme elle avait beaucoup rêvé sur elles et les avait exercées aux rites du plaisir, les mains de Marina avaient l’allure de hautes dames, très distinguées, avec lesquelles on doit prendre d’infinies précautions et qui, elles-mêmes, ne se dépêchent qu’aux actes subtils et aux délicats carrefours de la sensualité. Ces mains déliées pour les entreprises d’Eros et que bien des courtisanes eussent enviées, Marinus mit, à les dompter, une longue patience et un sens hautain de la privation. Il leur fit quotidiennement subir l’épreuve des rudes travaux de la vie monacale. Elles durcirent, épaissirent, se tannèrent dans les rapports de force qui les lièrent aux choses et dans la rigueur toute fruste des saisons. Peu à peu — mais ce fut une transformation qui s’étala sur le cours de plusieurs années —, elles se déshabituèrent d’aller quêter la tendresse du corps de la femme, elles prirent leurs distances non seulement par rapport aux points de plaisir les plus sensibles, mais par rapport à la totalité charnelle. Et la femme, ainsi que Marina l’avait pressenti dès le premier jour, n’eut finalement plus de mains. Ayant désappris la caresse, les mains de Marinus, cessant d’être en proie, furent en prise, dans l’empire sans ombre des outils, des ustensiles et des mille et une activités que les besoins du jour dirigent, hors de soi, vers le monde apaisant des choses claires.

    Dans le cheminement spirituel que fut, pour Marinus, le dépouillement de sa féminité, les sensations, sentiments, rêveries et préoccupations de toute sorte qui avaient trait à la menstruation représentèrent un obstacle majeur et comme un temps, rythmiquement renouvelé, d’hésitation sur soi-même, d’incertitude sur le sens de l’aventure et, par là même, de plus grande vulnérabilité. Au malaise physique et à la nervosité inhérents à cet état, s’ajoutaient, pour Marinus, la difficulté où il se trouvait de dissimuler cette expression irrépressible de son corps féminin et la nécessité de renforcer sa vigilance. Il lui fallait se procurer les chiffons nécessaires pour se protéger, il lui fallait ensuite les faire disparaître sans attirer l’attention des autres Frères. Et c’était, chaque mois, un temps de ruse et d’astuce — cependant que, dans la profondeur de son corps, son sexe de femme prenait une dimension de présence face à l’évidence de laquelle les résolutions les plus héroïques paraissaient radicalement compromises. Il y avait ainsi, régulièrement, un temps pendant lequel Marinus avait souci de son sexe, où il devait éponger, laver et, plus que jamais, occulter cette chair ouverte dans sa chair qui représentait désormais, dans la solitude de son secret, l’essentiel de son visage de femme. »

     

    Claude Louis-Combet

    Marinus et Marina

    Collection Textes, dirigée par Bernard Noël, Flammarion, 1979

  • Bernard Noël, « La chute des temps »

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    Bernard Noël, 27 novembre 2010, bibliothèque Mériadeck, Bordeaux ©CChambard

    Ritournelles 11, Le corps écrit. 

     

     

    […] l’avenir n’est pas un jour plus un jour

    il est maintenant

                        oh dis-je

    si tu ne veux pas de moi

    le toi ne pourra te revenir

    pas plus que ton image de moi

    ne pourra sortir de toi

    nul n’est en soi hormis les anges

    ton image criera en moi

                                oh injuste

    injuste et mon souffle emportera

    le visage qui sur ton visage était

    la beauté de mes yeux

    et il restera tout à dire encore

    de notre vivant puis tu marcheras

    sur mon ombre poussant

    du pied ce petit tas de mots

    le désir

               le désir fut ce glissement

    vers l’immédiate éternité

                                le cœur

    battant le venir battant

    pour que la forme du présent

    soit la même que ce battement

    quel amour les pierres blanches

    autour du lit et l’air

    entre les doigts coulant

    un silence la peau de l’œil

    fraîche les mains cousant

    une lumière

                   je n’écrirai plus

    disais-je et tu me répondais

    il faut que vive de nous

    ce qu’aucune peau ne protège

    et qui n’a pas même de chair

    pour en mourir […]

     

    Bernard Noël

    La chute des temps

    Textes/Flammarion, 1983, réédition Poésie/Gallimard, 1993

     

    Aujourd'hui Bernard Noël a 90 ans. Bon anniversaire Bernard.
    Dédicace spéciale à Sophie, depuis 1973.

  • Malcolm Lowry, « Deux poèmes »

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    © Júlio Pomar

     

    «  Poème bizarre

     

    J’ai connu un homme sans cœur :

    Il dit que des enfants le lui ont arraché

    Et l’ont donné à un loup affamé

    Qui s’est enfui l’emportant dans sa gueule.

    Et les enfants ont fui avec l’instituteur ;

    L’animal aussi s’est enfui bien vite,

    Et derrière lui, bizarre poursuite,

    Titubait encor cet homme sans cœur.

    J’ai vu cet homme l’autre jour,

    Gonflé d’un orgueil ridicule,

    Le cœur remis en place et la mine égayée ;

    À son côté, tout radouci, trottait le loup.

     

     

    Pierres blessées

     

    Parfois l’enfant ne sait pas dire son chagrin,

    Mais il entend, le soir, les étranges présages

    Qui annoncent aux pierres blessées, à même le sol,

    Leur libération, ou il apprend que les pierres

    Cœurs brisés, ont parfois l’éclat dur d’un langage.

    Le bruit de la mer rugit au vestiaire

    — Et un reproche ; mais cela même est rassurant :

    Un reproche de moins entre lui et la mort…

    Et là, sur le tapis devant la cheminée,

    Il regarde l’enfer et voit son avenir

    — Qui sait, peut-être une chambre de chauffe ? —

    Pourtant l’enfant, je pense, a connu des fous-rires

    (On dit que de la vie ce sont les seuls remèdes),

    Et puis, n’eût-il pas survécu,

    Saurait-il que Rimbaud a connu ces chagrins,

    Rimbaud dont l’âge d’homme aussi, comme le sien,

    Fut déserté d’amour et privé de langage ? »

     

    Malcolm Lowry

    Pour l’amour de mourir

    Traduit par J.-M. Lucchioni

    Préface de Bernard Noël

    Goauches découpées de Júlio Pomar

    Coll. Le Milieu, éditions de la Différence, 1976

  • Claude Margat, « Chant de l’arbre d’or »

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    © : les Yeux d'Izo

     

    « Un jour

    la bouche a nommé

    brume qui jamais ne se lève

    l’appui sans parole

    le souffle sans image

    combien de jours avant

    combien ?

     

    Il y eut ensuite

    cet autre jour

    millénaire de désirs et de peine

    entre ciel et sentier

    l’herbe gelée sous un vent blanc

    et dans les yeux

    de longues histoires d’aveugles

     

    Ailleurs

    un azur impeccable

    laissait suinter sang et sable

    présent passé qu’importe

    mur de soie ou feuillage d’or

    si s’interrompait le murmure des choses

    qui en retrouverait la mélodie ?

     

    Le regard va

    un autre au sein du même attend

    présence de chose

    remplace la chose

    mais n’en fait rien

     

    Le tourbillon de vent

    qui porte l’âme

    et fait voler à l’angle du vieux mur

    les feuilles mortes

    est comme aujourd’hui

    celui qui tourne

    dans le creux de ta main

    il parle

    mais qui l’écoute ?

     

    On dit en effet qu’un jour parfois

    le temps cesse d’aller

    mais est-ce d’aller qu’il cesse

    ou de venir

    le temps ?

     

    Dans l’âtre tout à coup

    le feu s’emballe

    au cœur du brasier apparaît

    la caverne où naquit

    l’immaculé Phénix

    chaque mot comme un nuage

    avance entre son ombre et son contraire

    chaque vivant

    vers sa propre absence

     

    Tout au loin

    tout au fond de

    l’hermétique mémoire s’affranchit

    l’écume de la vague où

    le rocher commence

    à se pencher vers le caillou

    l’arbre vers l’air

    le ciel vers la terre

    la pensée vers son propre suspend

     

    On sait bien qu’il vient de loin

    le puissant appel

    on sait qu’il vient d’avant

    comme un grand vent d’espace et

    qu’à l’endroit où l’élan s’épuise et

    fait retour sur lui-même

    bat le temps juste

    le temps qui anime l’aile et porte

    la lumière où rien

    jamais

    n’est encore joué. »

     

    Claude Margat

    En marge d’une vie

    Préface de Bernard Noël

    L’Atelier du Grand Tétras, 2016

    en prime, le film consacré à Claude par les yeux d’Izo :

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=8&v=KM1MODCix2A&feature=emb_logo

  • Wallace Stevens, « La maison était tranquille et le monde était calme »

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    DR

     

    « La maison était tranquille et le monde était calme.

    Le lecteur devint le livre ; et la nuit d’été

     

    Fut comme l’être conscient du livre.

    La maison était tranquille et le monde était calme.

     

    Les mots furent parlés comme s’il n’y avait pas de livre,

    Sauf que le lecteur s’inclinait vers la page,

     

    Voulait s’incliner, voulait être avant tout

    L’étudiant pour qui son livre est vérité, pour qui

     

    La nuit d’été est comme la perfection de la pensée.

    La maison était tranquille parce qu’elle devait l’être.

     

    La tranquillité faisait partie du sens, partie de l’esprit :

    Accès parfait à la page.

     

    Et le monde était calme. La vérité dans un monde calme,

    Dans un monde où il n’y a pas d’autre sens, lui-même

     

    Est calme, lui-même est l’été et la nuit, lui-même

    Est le lecteur qui se penche et qui lit. »

     

    Wallace Stevens

    Description sans domicile

    Choix traduit de l’américain et préfacé par Bernard Noël

    Unes, 1989

  • Israël Eliraz, « Hölderlin »

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    © : patrick soulard

     

    « tous les Dieux dansaient et celui qui dansait

    se déguisait en Dieu. Facile et difficile. Facile de vieillir,

    difficile de mûrir, pensait Hölderlin, écrivait Hölderlin.

    Dans le rêve, il enlevait de son visage

    le nez rouge à moitié mort, il pensait : quand ça

    m’arrivera ? Hölderlin écrivait, lisait, gommait.

    Comment déplacer une pierre sans être un loup ou Krishna ?

    Le vide dans la pierre c’est du feu. Hölderlin pensait, écrivait,

    déchirait et n’envoyait pas de lettres à

    sa mère morte depuis des années comme elle le lui

    avait dit, hier, avant de monter dans le train (il venait

    d’être inventé). Le train se dirigeait vers le nord. Vers où ?

    Hölderlin, dans sa poitrine courait après lui. Il se réveilla. Dans

    la stupeur les poux remplissaient ses poches usées »

     

     

    Israël Eliraz

    Hölderlin suivi de Les villes saintes se répètent

    Traduit de l’hébreu par Esther Orner et Laurent Schuman

    Coll. Avec (dirigée par Bernard Noël), L’Atelier des Brisants, 2001

  • Claude Margat, « En marge d’une vie »

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    DR

     

    « La tradition allègue en Chine que Cang Jie l’ancêtre mythique inventa le langage des caractères entre deux mouvements de la tête. Premièrement, il considéra les traces laissées par les pattes des oiseaux dans l’argile, puis il leva les yeux vers le ciel et aperçut les premières constellations. Abaissant son regard à nouveau, il relia les deux espaces. Ce double mouvement désigne de la façon la plus explicite le chemin de la relation. L’image du mythe est assez belle, mais elle ne dit rien de l’intuition qui conduisit le génial inventeur de l’écriture à coudre deux espaces aussi différents sur le même ourlet de sens. Or, la mise en relation de deux éléments distincts d’une même réalité suppose au minimum l’existence d’un pré-langage, d’une pré-pensée suffisamment riche déjà pour pouvoir produire une formulation capable d’ordonner les signes, de les installer dans un discours, une logique, un fonctionnement. C’est vers ce moment de synthèse qu'il faut se tourner quand on souhaite aborder le comment de la langue. Et il fait sacrément noir dans cette région de la pensée !

     

    Un corps de langue se constitue peu à peu. C’est un corps d’air dont la seule visibilité s’étale en signes séparés par des blancs. L’ombre noire des signes se forme au cours de silencieux et terribles affrontements. À la surface du corps de langue flotte tout le mobilier brisé des univers définitifs.

    Nécessaire le transfert, et toujours efficace, mais sans une ombre de concession et pas plus de compassion. Car on en est le bénéficiaire un jour, mais c’est pour en devenir l’esclave demain. Sur la page colorée du monde, nous sommes prestement invités à signer le décret de notre propre anéantissement. Nous est seulement offert ce que nous nous montrons capables de saisir dans l’incessant passage de la présence à l’absence. »

     

    Claude Margat

    En marge d’une vie

    Avec 9 peintures de l’artiste

    Préface de Bernard Noël

    L’Atelier du Grand Tétras, 2016

    http://www.latelierdugrandtetras.fr/

  • Bernard Noël, « Le même nom »

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    Bernard Noël, 8 septembre 2011, Bordeaux © : claude chambard

     

    « — J’ai peur, dit-il en montrant Son livre, il y a là mon nom qui veut me tuer.
    — N’aies pas peur, dis-je, tu es déjà mort.

     

     

    — La peur du nom ?
    — Oui, la peur de rien

    * * *

    Tu vas devenir un nom. Tu l’es déjà. Qui voit l’œuvre de la mort ? Un nom n’est pas un visage. C’est une forme blanche. Un trou plein de rien.

     

    Ce qui disparaît,

    ce qui est la langue dans la langue,

    l’adieu au sens :

    mon corps.

     

    Le nom permet l’indéterminé de la mort.

    * * *

    J’écris.

    Je passe de l’autre côté de mon nom.

    Le pas encore et le déjà-plus se

    confondent.

     

    J’écris.

    je réalise ma mort.

    L’usure est usée.

     

    Pourtant, ici même, voici du fait : il restera toujours à l’user.

     

    La pensée de la mort est fuyante,

    comme le possible.

    * * *

    J’écris pour m’abîmer dans mon nom. »

     

    Bernard Noël

    Souvenirs du pâle, suivi de Le même nom

    Fata Morgana, 1975

  • Jacques Roman / Bernard Noël, « Du monde du chagrin »

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    « J. R. – Le fleuve de l’écriture, ses deux berges, la berge de la jouissance, la berge du chagrin, et dans les profondes rainures du fond de son lit, la musique, seule puissance à unir en fête cela qui à fleur d’eau tourbillonne, tourbillonne.

     

    B. N. – L’écriture invente à mesure ce dont elle fait semblant de parler afin de disposer d’un alibi devant la réalité Peu lui importe son sujet, mais il lui en faut un comme outil pour creuser son lit dans l’inconnu. »

     

    Jacques Roman, Bernard Noël

    Du monde du chagrin

    Paupières de terre, 2006

  • Claude Margat, « Matin de silence »

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    Claude Margat lisant Matin de silence à Chauvigny ce 5 mai 2013

     

    « ici

    en ne regardant rien que l’air

    on change aussi de ciel

     

     

    en changeant de ciel

    on change de vue

     

     

    en changeant de vue

    on change de pensée

     

     

    en changeant de pensée

    on change tout naturellement de vie

     

     

    voici par conséquent

    l’heure de l’écoute profonde

    le ciel noir du silence

    où se mesure chaque pas

     

    un reflet du passé

    confirme le présent

     

    le présent confirmé

    offre au doute une issue

     

    le monde et l’illusion

    peuvent se reconstituer

     

    transformée l’étendue se donne

    mais l’œil qui l’examine

    s’est une fois encore

    perdu de vue »

     

    pages 34 & 84 du livre

     

     Claude Margat

     Matin de silence

     Préface de Bernard Noël

     L’Escampette, 2011


    http://www.dailymotion.com/video/xgmiql_claude-margat_creation#.UYjWnIIRJVc

     

    Vingt-et-unième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette

  • Anne-Marie Albiach, « Le double »

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    a/     l’absence dans les degrés, l’excès du corps : il disparaît. Hors texte il donne lieu à l’instance de l’accident, à la pliure, elle efface le mouvement de lecture par la traverse d’une pause de papier excédé : un geste prévoit l’issue, l’“exécution” génitale remonte les dates en sens hiérarchique — il s’agit de la terre, gradins, marches hexagonales, issues de l’angle avant toute blancheur à porter sous le nom que dénonce le chiffre Suspendu dont l’absence dans le lieu vertical désigne le sens “clôture” l’instant du corps qui “… ne tombe pas” : l’horizon graduel dénonce l’italique elle a toujours froid depuis…

     

     

     

     

     

    b/      positif, espace : donnée

    la masse soutient une diagonale, se creuse dans la coupure vers le mouvement sectionné en libre cours du sujet qui s’abstrait, l’objet immédiat pénètre la lumière ; l’absence de l’objet mène à son détour, la dalle notifie ses degrés au premier plan daté

     

     

     

     

     

    l’Objet.     entre parenthèses, il exécute l’attrait à la terre Le sol se dissout, il résout l’équation de la disparité Un pas dans le froid avait-il suscité une image, telle “fragilité” alors qu’il disparaîtrait innervé de chaleur et de froid Se prend répétitif le sujet qui s’absente et devient objet : élaboré à cet “entretien de la surface”, tremplin labial, il s’énonce empreint à l’extrême de la corporéité Les outils arpègent le sens de la disparition, la distance donne le lieu géographique : la pierre suggère une fiction, support attentif Le texte se lit dans la désignation de la main ; balbutiements à son élaboration, une page double l’absence et la présence ; alternativement le sujet et l’objet deviennent cette “épaisseur” de livre et se réduit-il au geste qui lui rend l’identité, corpus en excès sur lequel le “doigt” accentue la pliure sans cesse récidivée : labeur liquide « dans la bouche ÷ de pleine terre” »

     

     Anne-Marie Albiach

     Mezza Voce

     Coll. Textes dirigée par Bernard Noël

    Flammarion, 1984


    La voix d’Anne-Marie Albiach lisant Mezza Voce :http://mediamogul.seas.upenn.edu/pennsound/authors/Albiach/Albiach-Anne-Marie_Etat_Mezza-Voce_Kenning.mp3 

    Merci à Angèle Paoli pour le lien.

    Anne-Marie Albiach, née en 1937, est morte hier dimanche. Quel sale automne.