vendredi, 06 mars 2020
Lu Yu, « La nuit du 18e jour du 7e mois, composé sur l’oreiller »
« un éclair jaillit, il fait clair comme en plein jour
pas encore apaisé le tonnerre gronde
les nuages défilent confusément puis disparaissent
lentement monte la lune solitaire
dans les herbes couvertes de rosée des criquets conversent
le vent dans les branches effraie les pies
dès que la fraîcheur naît je me sens enfin à l’aise
je dors profondément jusqu’à ce qu’à la fenêtre il fasse jour »
Lu Yu
Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise
Poèmes choisis et traduits du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1995, rééd. 2012
mardi, 23 juillet 2019
Lu Yu, « M’adonnant à la lecture »
« “le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise”, la tête blanche, est retourné dans son méandre de la rivière Shan
dans la solitude derrière mon portail rustique, les livres remplissent la maison
le potage de chénopode et la bouillie de blé refroidissent, je ne vais pas manger
lire les cinq tombereaux de livres réunis durant toute ma vie me comble
non sans grand peine je corrige les erreurs, efface et réécris
sur des mélodies tristes je fredonne des ballades poignantes
j’ai complété le catalogue des idéogrammes
même les interprétations mineures en langue étrangère, je note tout
parfois jusqu’à l’aube je n’éteins pas la lampe
la neige qui tombe drue frappe à la fenêtre “su su”
encore douze années avant que je n’atteigne l’âge de soixante-dix ans
peut-être y a-t-il quelques classiques perdus, quelques chapitres manquants à ajouter à ma collection
je ne crains pas que les visiteurs se moquent de ce fou des livres
c’est tout de même mieux que si les livres restaient tout neufs dans leur étui, sans que personne ne les touche »
Lu Yu
Le vieil homme qui n’en fait qu'à sa guise
traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1995
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lundi, 02 juillet 2018
Lu Yu, « Sous la lune buvant légèrement »
Haruki Nanmei, Portait de Lu Yu, XIXe
« hier tout autour de l’auvent, la pluie
face à la lampe solitaire je me grattais la tête
cette nuit, le clair de lune plein la cour,
je chante longuement adossé au saule dépouillé
les changements du monde sont immenses, infinis
de la réussite à l’échec un revers de la main
dans la vie d’un humain la chose la plus heureuse est,
allongé, d’entendre qu’on presse le vin nouveau
depuis mon retour de Cheng-tu,
je me lamente de voir parents et amis dépérir
nombre d’entre eux sont déjà inscrits sur le registre des morts
mais qui pourrait vivre éternellement ?
les jeunes pour la plupart je ne les connais pas
nul ne consent à avoir des égards envers le vieillard décrépit
une coupe, personne avec qui la partager
je vais frapper à sa porte pour appeler mon vieux voisin »
Lu Yu – 1125-1210
In L’Art de l’ivresse
Poèmes chinois traduits et présentés par Hervé Collet et Cheng Wing Fun
Coll. Spiritualités vivantes, Albin Michel, 2014
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samedi, 09 janvier 2016
Lu Yu, « Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise »
« Me lamentant de manquer de vin (74 ans)
nul besoin d’endiguer le Fleuve Jaune,
nul besoin de déterrer les tripodes de la dynastie Chou
je souhaite seulement qu’à la maison le vin coule à flot,
jour et nuit ivre à ne pas m’en réveiller
nul besoin d’une coiffe grande comme une corbeille à vanner les céréales,
je souhaite seulement que mon corps soit robuste et en bonne santé,
et du matin au soir boire sans cesse du vin
la Création peu clémente,
chaque jour me met à l’épreuve,
faisant en sorte que, dans ma coupe en bronze,
des mois durant la poussière s’accumule
en cette vie, lorsque j’ai du vin pour la désinvolture je deviens sans rival
cent rouleaux manuscrits se remplissent comme si le vent et la pluie faisaient rage
la Création voudrait-elle m’embarrasser avec la sobriété,
la folie du vieil homme lorsqu’il est sobre, vous ne la connaissez pas encore »
Lu Yu
Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise
Poèmes choisis et traduits du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1995, rééd. 2012
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vendredi, 20 février 2015
Lu Yu, « Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise »
La chambre chaude
ma fourrure douce est supérieure à du renard blanc
mon poêle est aussi chaud que ceux chauffés au charbon de première qualité de la Cour
le paravent en papier a la forme d’une montagne
la couverture en tissu ressemble à un quadrillage de calligraphie
pour ménager mes yeux le store est rarement enroulé
pour préserver l’encens la porte est souvent fermée
au soleil du crépuscule d’un profond sommeil je me réveille
je me lave et scande les classiques de la Cour jaune*
Lu Yu
Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise
poèmes choisis et traduits du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1995, rééd. 2012
* Les Classiques de la Cour jaune : les Classiques taoïstes
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lundi, 06 octobre 2014
Lu Yu, “Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise”
étudiant les livres
à l’écart je me suis réfugié, au bord des fleuves et des lacs,
séjournant sagement au milieu du vent et de la pluie
le papier neuf à la fenêtre est extrêmement blanc
dans le poêle chaud le feu rouge vif rougeoie
marque-pages et étuis de livres je viens à l’instant d’arranger
la prononciation et la forme des caractères j’étudie en détail
si je ne meurs pas tout de suite et surmonte la décrépitude,
pendant dix années encore je me consacrerai à l’étude
Lu Yu
Le vieil homme qui n’en fait qu'à sa guise
traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1995
en remerciant Lambert Schlechter depuis Eschweiller
15:32 Publié dans Écrivains | Lien permanent | Tags : lu yu, le viel homme qui n'en fait qu'à sa guise, cheng wing fun, hervé collet, moundarren