lundi, 24 mars 2008
Rosmarie Waldrop
« Deux quels qu’ils soient, s’opposent. Vous marchez sur du bruit. Le vent le plus froid souffle des confins de la peur. Qui a été couché par écrit. La passion n’est pas naturelle. Mais le corps et l’âme sont meurtris par la mélancolie, fruit des rives sèches et tordues. La perte décolore la peau. Par moments vous dévorez des pommes, à d’autres vous vous mordez la main. »
Traduit de l’américain par Paol Keineg
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dimanche, 23 mars 2008
Adília Lopes

« Combien de fois je me suis enfermée pour pleurer
dans la salle de bains de la maison de ma grand-mère
je me lavais les yeux avec du shampoing
et je pleurais
je pleurais à cause du shampoing
puis ont disparu les shampoings
qui brûlaient les yeux
no more tears dit Johnson & Johnson
les mères sont les filles des filles
et les filles sont les mères des mères
une mère lave la tête de l’autre
et toutes ont des cheveux d’enfants blonds
pour pleurer nous ne pouvons plus utiliser le shampoing
et j’aimais pleurer sans arrêt
et je pleurais
sans un regret sans une douleur sans un mouchoir
sans une larme
enfermée à clef dans la salle de bains
de la maison de ma grand-mère
où j’étais seule au-delà de moi-même
je m’enfermais aussi dans la grande armoire
mais une armoire ne peut fermer de l’intérieur
jamais personne n’a vu une robe pleurer »
Anonymat et autobiographie
Traduit du portugais et présenté par Henri Deluy
le bleu du ciel, 2008
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samedi, 22 mars 2008
Jennifer Moxley
enserre ma maigre conviction, elle n’éclate
qu’à l’occasion d’une remarque, un jour lointain, le blâme appellera
un discours véhément bien que ton cocktail incandescent tue
le renouveau et que la nouvelle année siffle et souffle le froid, je meurs
d’envie de changer mais que toujours la mémoire revienne
sous sa poussée constante, je te dédie cette rêverie
car guidés nous ne serons jamais, bruit de nos pas nerveux
sur un seuil sans fin »

Évidence des lumières
Traduction collective de l’américain à Royaumont,
Coll. Un Bureau sur l’Atlantique
Éditions Créaphis, 2000
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vendredi, 21 mars 2008
Jack Spicer

Après qu’il eut été né dans le bureau de poste il commença à exercer sa bouche avec un nouveau langage. Il ne pouvait pas imaginer des personnes pour écouter ce nouveau langage. Il n’avait pas inventé la politique.
Il écrivit de la poésie au pied du bureau de poste. Pas pour n’importe qui. Il ne pouvait pas imaginer à quoi les lettres servaient, ou les nombres. Il était un bébé. Il ne pouvait pas imaginer un monde complet.
Le Bureau-de-la-Lettre-Morte était dans une autre partie du bâtiment. Ils le mirent délibérément là en sachant que Rimbaud n’y naîtrait pas. Il fut plus tard appelé la Libération.
Il était alors un bébé et je profite de son nom qui s’épelait en six lettres R-I-M-B-AU-D. il s’éloigna immédiatement de toutes ces choses puériles et devint un télégramme.
Un faux roman sur la vie d’Arthur Rimbaud
in « C’est mon vocabulaire qui m’a fait ça »
Traduit de l’américain par Éric Suchère
Préface de Nathalie Quintane
le bleu du ciel, 2006
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jeudi, 20 mars 2008
Marie Cosnay

Villa Chagrin
Verdier, 2006
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mercredi, 19 mars 2008
Gérard Haller
« Garten elle disait autrefois : jardin et c’était là / tout / le rose avec la peau rose dedans toute nue des roses et le rouge avec le sang etc. des baisers / oh / et les iris / les œillets / les lilas endeuillés déjà / tous les noms là-bas des fleurs et la chose sans nom dedans à porter / regarde elle disait c’est pour toi
_____________________
Licht elle disait : lumière. Chaque fleur là-bas. Coupée déjà de la lumière et annonçant la nuit dedans à venir
Regarde : multipliant comme ça la lumière
_____________________
[NOIR]
_____________________
chaque fleur oui et chaque chose comme ça / pierre / plante / bête / âme / chaque âme / chaque corps dedans abandonné déjà nu sans nom au bord de la lumière
regarde elle disait : portant déjà sa propre poussière »
Fini mère
Galilée, 2007
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mardi, 18 mars 2008
Wallace Stevens
« La maison était tranquille et le monde était calme.
Le lecteur devint le livre ; et la nuit d’été
Fut comme l’être conscient du livre.
La maison était tranquille et le monde était calme.
Les mots furent parlés comme s’il n’y avait pas de livre,
Sauf que le lecteur s’inclinait vers la page,
Voulait s’incliner, voulait être avant tout
L’étudiant pour qui son livre est vérité, pour qui
La nuit d’été est comme la perfection de la pensée.
La maison était tranquille parce qu’elle devait l’être.
La tranquillité faisait partie du sens, partie de l’esprit :
Accès parfait à la page.
Et le monde était calme. La vérité dans un monde calme,
Dans un monde où il n’y a pas d’autre sens, lui-même
Est calme, lui-même est l’été et la nuit, lui-même
Est le lecteur qui se penche et qui lit. »

Description sans domicile
Traduit de l’américain
Éditions Unes, 1989
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lundi, 17 mars 2008
Franck Venaille

Quelqu’un, un jour, révélera le secret.
Ce sera par un après-midi de psaumes.
L’un de ces jours où les hommes s’enferment entre eux.
Pour rire de tout. Pour se moquer d’eux-mêmes (du moins je l’espère).
Nos villes de draps noirs sentent l’Histoire à en vomir.
Nos villes d’arquebuses ne suivent pas le cheminement pourtant lent de la langue.
On y éructe & bien davantage !
Cela fait un vacarme d’armures brisées à la lance, à la lourde épée.
Je suis d’ici — d’ici — je suis d’ici.
Je suis d’ici & en même temps il me semble ne pas encore être au monde.
Enfant-en-moi-de-la-douleur-première, où es-tu, & comme tu me manques !
Tu es l’expression même de l’amour mais s’il m’arrivait d’exposer mon cœur dans un bocal de fête foraine,
le reconnaîtrais-tu parmi les autres ? »
Chaos
Mercure de France, 2006
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dimanche, 16 mars 2008
Pier Paolo Pasolini

La Divine Mimésis
Traduit de l’italien par Danièle Sallenave
Coll Littératures étrangères , Flammarion, 1980
15:24 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
samedi, 15 mars 2008
Roger Laporte
Écrire la musique
à Passage, 1986
14:55 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
vendredi, 14 mars 2008
Leslie Kaplan

Le refus du cas
in « Les écrivains et la psychanalyse »
Magazine littéraire n° 473, mars 2008
14:34 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
jeudi, 13 mars 2008
Marguerite Duras

Que tout avait été habité, occupé, par des peuples, des gouvernements.
Qu’il y avait des palais sur les rives des fleuves et, entre les palais, des fourrés d’orties, de ronces et des nuées d’enfants courants. Des femmes, maigres.
Qu’il y avait des îles.
Des temples.
Qu’il y avait une forêt.
Je ne sais rien des généralités des peuples et du monde.
Aucune d’entre elles ne me tiendra lieu de vous, de cette préférence que je vous porte. Aucune. »
Aurélia Steiner
Mercure de France, 1979, rééd. Folio n° 2009, 1989
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