vendredi, 20 mars 2009
W. G. Sebald, les Anneaux de Saturne
« […] une année jour pour jour après le début de mon voyage, je me trouvai dans l’incapacité quasi totale de me mouvoir, si bien qu’il fallu me transporter à l’hôpital de la capitale régionale, Norwich, où j’entrepris, du moins en pensée, de rédiger les pages qui suivent. Je me rappelle très précisément qu’aussitôt après avoir pris possession de ma chambre, au huitième étage du bâtiment, je devins la proie d’une véritable hantise, me figurant que les vastes espaces que j’avais franchis l’été précédent dans le Suffolk s’étaient définitivement rétractés en un seul point aveugle et sourd. Il est vrai que de mon lit je ne voyais du monde qu’un morceau de ciel blafard s’inscrivant dans l’embrasure de la fenêtre.
À maintes reprises déjà, au fil de la journée, le désir m’était venu de jeter un regard par cette fenêtre d’hôpital bizarrement voilée d’un filet noir afin de m’assurer que la réalité ne s’était pas, comme je le craignais, évanouie à jamais ; à la nuit tombante, il devint si fort qu’après avoir réussi à me glisser par-dessus le bord du lit, moitié à plat ventre, moitié sur le flanc et, une fois au sol, à rejoindre le mur à quatre pattes, je me redressai malgré les douleurs que cela me causait, me hissant à grand-peine, cramponné à l’appui de fenêtre. Dans la posture crispée d’une créature qui vient d’adopter pour la première fois la station debout, je me tins ensuite contre la vitre et ne pus m’empêcher de songer à la scène dans laquelle le pauvre Gregor, s’agrippant de ses petites pattes tremblantes au dossier de son siège, regarde par la fenêtre de sa chambre, avec le souvenir imprécis, est-il dit, de ce qu’il avait du ressentir de libérateur autrefois, du seul fait de regarder au dehors. Et de même que Gregor, avec ses yeux devenus troubles, ne reconnaissait plus la silencieuse rue Charlotte, où il vivait depuis des années avec les siens, et la tenait pour un désert grisâtre, de même la ville familière, qui se déployait des aires d’accès à l’hôpital jusqu’à l’horizon, me paraissait totalement étrangère. Je n’arrivais pas à croire que tout en bas, parmi ces murs encastrés les uns dans les autres, quelque chose pût encore bouger ; j’avais l’impression que mon regard plongeait du haut d’une falaise sur une mer de roche ou sur un champ de décombres d’où les sombres masses des tours de parking surgissaient tels des blocs erratiques. Hormis une infirmière franchissant le misérable espace vert aménagé à l’entrée pour prendre son service de nuit, on ne voyait personne dans les environs. Une ambulance coiffée du gyrophare bleu progressait en bifurquant lentement à plusieurs croisements, du centre ville vers le pavillon des urgences. Le son de la sirène n’arrivait pas jusque là-haut. À l’altitude où je me trouvais, j’étais entouré d’un silence presque total, pour ainsi dire artificiel. La seule chose que j’entendais à la fenêtre, c’était le souffle de l’air et, parfois, lorsque celui-ci s’interrompait momentanément, le sifflement qui ne cessait jamais complètement dans mes propres oreilles. »
W. G. Sebald
Les Anneaux de Saturne
Traduit de l’allemand par Bernard Kreiss
Actes Sud, 1999
13:15 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
mercredi, 18 mars 2009
António Lobo Antunes
“Je suis parfois tenté d’écrire un peu sur ma vie, d’expliquer comment je suis passé d’un roman à l'autre, de raconter comment j’ai grandi. Parce que j’ai l'impression de grandir avec mes romans. Je n’attache pas tellement d’importance au fait qu’ils soient publiés ou non ; l’important, pour moi, c’est de les écrire. Pendant qu’on écrit, non seulement on en apprend beaucoup sur le métier, mais on est aussi au plus près des émotions.”
“Quand il m’arrive de passer une journée sans écrire, je me sens comme si je m’étais habillé sans m’être douché. Quand je n’écris pas je suis envahi par une profonde sensation d’absence et de vide. Quand je n’écris pas, je suis assailli par un terrible sentiment de culpabilité que je n’ai jamais cessé de ressentir.
Mon rythme est infernal : je travaille douze heures par jour. Quand je pars en voyage pour présenter un livre et que je dois donner des interviews et faire tout ce qu’il faut pour en assurer la promotion, je récupère le temps perdu pendant la nuit et j’écris jusqu'à deux ou trois heures du matin. Peu importe que je sois en Allemagne, en Autriche ou en Espagne, que je doive me lever de bonne heure ou que je sois fatigué ; il faut que j’écrive tous les jours, j’en ai besoin pour ne pas me sentir coupable.”
in María Luisa Blanco
Conversations avec António Lobo Antunes
Traduit de l'espagnol par Michelle Giudicelli
Christian Bourgois, 2001
15:47 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
mardi, 28 octobre 2008
Sandor Ferenczi
“Il n'y a pas de bonté là où de la reconnaissance est escomptée.
La bonté, il faut l'avoir reçue enfant, en quantité suffisante pour pouvoir en redonner.”
Sandor Ferenczi
Confusion de langue entre les adultes et l'enfant
Traduit de l'allemand par le Coq Héron
Petite bibliothèque Payot, 2004
11:21 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
jeudi, 23 octobre 2008
Jour de silence
10:09 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
jeudi, 02 octobre 2008
La route
« Autrefois il y avait des truites de torrent dans les montagnes. On pouvait les voir immobiles dressées dans le courant couleur d’ambre où les bordures blanches de leurs nageoires ondulaient doucement au fil de l’eau. Elles avaient un parfum de mousse quand on les prenait dans la main. Lisses et musclées et élastiques. Sur leur dos il y avait des dessins en pointillé qui étaient des cartes du monde en son devenir. Des cartes et des labyrinthes. D’une chose qu’on ne pourrait pas refaire. Ni réparer. Dans les vals profonds qu’elles habitaient toutes les choses étaient plus anciennes que l’homme et leur murmure était de mystère. »
Cormac McCarthy
La Route
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise Hirsch
Éditions de l’Olivier, 2008
13:19 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
mercredi, 13 août 2008
Marcel Proust
« Car l’homme est cet être sans âge fixe, cet être qui a la faculté de redevenir en quelques secondes de beaucoup d’années plus jeune, et qui entouré des parois du temps où il a vécu, y flotte, mais comme dans un bassin dont le niveau changerait constamment et le mettrait à la portée tantôt d’une époque, tantôt d’une autre. »
Marcel Proust
La Fugitive
Gallimard
13:42 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
lundi, 21 juillet 2008
Colette Fellous

Plein été
Gallimard, 2007
17:54 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
dimanche, 20 juillet 2008
Paul Gadenne

Et l’on me parle de pieds dans les pantoufles. »
Le Rescapé (carnet novembre 1949 – mars 1951)
Séquences, 1993
17:04 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
samedi, 19 juillet 2008
Jacques Borel

Naturellement aussi qu’il y à l’époque : ah ! leur superbe, aux grands ancêtres, ou leur innocence, on ne peut qu’y rêver avec nostalgie : comment faire ? Rien n’est de nous, rien, jamais, tout entier, ne vient de nous – seule la façon de le vivre, peut-être – rien n’est à nous. »
Un voyage ordinaire
Le temps qu’il fait, 1993
12:35 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
vendredi, 18 juillet 2008
Joël Vernet

Visage de l’absent
L’Escampette éditions, 2005
15:07 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
jeudi, 17 juillet 2008
Gil Jouanard

Le jour et l’heure
Verdier, 1998
09:44 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent
vendredi, 20 juin 2008
Une pause
09:59 Publié dans Au jour le jour | Lien permanent