Christine Lavant

« Qu’il est bon que je sois cachée
et plus jamais ne sois visible.
Mon amande — en discorde avec la terre —
est montée de son plein gré dans la lune :
lors tu peux dormir sur tes deux oreilles.
Le lieu où nous nous sommes rencontrés
n’a jamais été vraiment dans le temps.
Pardonne-moi ce savoir
— pelure de la solitude.
Peut-être que, malgré cela, ton oreiller
est parfois au toucher comme couvert de rosée,
peut-être que, du haut de son perchoir,
le coq t’annonce de sa voix souvent trop perçante
qu’à nouveau le matin se lève, clair
comme le verre, au-dessus de ton toit,
quand toi, tu es très faible
et défait d’avoir veillé ?
Je ne suis pas celle qui lors te tourmente,
je suis la servante qui pèle des pommes
dans la lune et n’en mange aucune. »
Christine Lavant
« L’Écuelle du mendiant »
in Un art comme le mien n’est que vie mutilée
Poèmes choisis, présentés et traduits de l’allemand (Autriche)
par François Mathieu
Lignes, 2009
Merci à Lambert Schlechter, ici en compagnie de Christine Lavant, début des années 70






« les mots ils n’ont pas d’ordre disent plus ou moins laissent entendre ce qui ne sera pas tenu sont-ils pour finir entièrement soumis à un ordre révélateur qui les mettrait à jour rigueur des mots une phrase déployant ne retenant que pour jeter d’un côté imprévu la marge invisible visible d’une manière de parler qui reprend les éléments d’une histoire et les éclaire jetant aussi un doute complet sur une telle histoire cherchée structure du livre à l’intérieur du désœuvrement