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Un nécessaire malentendu - Page 77

  • Julien Blaine, bon anniversaire !

    julien blaine


    « D’une voix tonitruante et lourde (dont j’ai le secret) le futur spectateur-auditeur entendrait un texte puéril et juste :


    La création est le fruit de l’inculte :

    Comment celui-ci qui écrit

    pourrait-il lire et lire ?

    Comment celui-ci qui peint

    pourrait-il regarder et regarder ?

    Comment celui-ci qui compose

    pourrait-il écouter et écouter ?

    Comment celui-ci qui bâtit

    pourrait-il visiter et visiter ?

    Comment celui-ci qui fait

    pourrait-il analyser et étudier ?

    Comment celui-ci qui crée

    pourrait-il considérer et considérer ?

    La création est le fruit de l’inculte.

     

    Puis après un silence que je vous laisse imaginer (le public : bourdonnement, bruissement, brondissement, craquètement, gargouillement, gazouillement, gémissement, grognement, grondement, hurlement, vagissement, vociférations, ronron.)

    des enregistrements de tous les bruits (voir supra –plus flic ! flac ! floc !) des enregistrements vrais pris en pleine nature :

     

    de la mer :

    vagues,

    lames,

    tempête…

    de la terre :

    ruisseau

    torrent,

    fleuve,

    cascade,

    chute

    du ciel :

    pluie,

    averse,

    orage…

    pour renoncer à la barbarie

    renouer les débris des chants premiers :

    renoncer

    renouer

    renoner

    renoucer.

     

    Alors, alors seulement, j’imiterai le chant de la mer en trois mouvements, le chant de la terre en cinq mouvements et le chant du ciel en trois mouvements. »

     

     

    091119110612-du-sorcier-v-au-magicien-m.jpgJulien Blaine

    Du sorcier de V. au magicien de M.

    Galerie Roger Pailhas, 1997


    photo de Julien Blaine
    © Claude Chambard

     

  • Pascal Quignard, « Les désarçonnés »

    DSCN1492 - Version 2.jpg« Il n’y a jamais de présent présent : erre partout un intervalle mort. Une place vide qui est la faim puis qui est “comme la faim” et qui erre d’être en être. Un laps qui est comme l’Avent. Toujours une attente traîne entre le perdu et l’imminent. L’emplacement vide que creuse la faim au fond du corps devient la paroi où se projette le rêve. Puis cette grotte, qui est une vieille mâchoire, donne asile au monde du langage. Alors c’est toujours une image vivante absente qui hante derrière la perception.

     

    Visions qui est un passé, tel est toujours le rêve.

     

    Passé sans présence qui est comme l’Être avant l’Être. »

     

     

    Pascal Quignard

    Les Désarçonnés (Dernier royaume VII)

    Grasset, 2012


    photographie © Claude Chambard

     

  • Michel de Montaigne, « Essais »

    michel de montaigne,essais

    « Qu’on voye, en ce que j’emprunte, si j’ay sçeu choisir de quoi rehausser mon propos.  Car je fay dire aux autres ce que je ne puis si bien dire, tantost par foiblesse de mon sens. Je ne compte pas mes emprunts, je les poise. & si je les eusse voulu faire savoir par nombre, je m’en fusse chargé deux fois autant. Ils sont touts, ou fort peu s’en faut, de noms si fameux & anciens qu’ils me semblent se nommer assez sans moi. Ez raisons & inventions que je transplante en mon solage & confons aux miennes, j’ay à escient ommis parfois d’en marquer l’autheur, pour tenir en bride la témérité de ces sentences hastives qui se jettent sur toute sorte d’escrits, notamment jeunes escrits d’hommes encore vivants, & en vulgaire, qui reçoit tout le monde à en parler & qui semble convaincre la conception & le dessein, vulgaire de mesmes. Je veux qu’ils donnent une nazarde à Plutarque sur mon nez, & qu’ils s’eschaudent à injurier Seneque en moy. Il faut musser ma foiblesse souz ces grands credits. J’aimeray quelqu’un qui me sçache deplumer, je dy par clairté de jugement & par la seule distinction de la force & beauté des propos. Car moy, qui, à faute de mémoire, demeure court tous les coups à les trier, par cognoissance de nation, sçay tresbien sentir, à mesurer ma portée, que mon terroir n’est aucunement capable d’aucunes fleurs trop riches que j’y trouve semées, & que tous les fruicts de mon creu ne les sçauroient payer. »

     

    Michel de Montaigne

     Essais

     Livre II, chapitre X, Des livres

     

     

    Photographie © Claude Chambard

     

  • Pascal Quignard, “Vie secrète”

     

    DSCN1494.JPG« Il y a plus nu que la nudité. C’est l’angoisse. L’angoisse qui déchire soudain un regard me fait l’impression, quand elle surgit soudain et monte dans ce corps, d’une nudité plus impudique que la nudité elle-même. Parce que la nudité dévoile le corps tandis que l’angoisse dévoile l’identité et, derrière l’identité, son absence d’enracinement dans le corps.

    L’angoisse est la seule nudité impudique de l’humanité.

    Tout le reste est denudatio. »

     

    Pascal Quignard

     Vie secrète

     Gallimard 1997


    Photographie © : Claude Chambard

     

  • Catherine Pomparat, “margagnes”, la maison

    la_maison.jpg

     

    La maison

     

    La plage était située à l’extrémité de ma rue. La maison, à l’autre extrémité, était une typique petite Arcachonnaise en rose et rouge sur un fond gris. Distribuée en longueur, avec ses pièces en enfilade donnant sur petites terrasses aux portes-fenêtres en bois, elle nichait son toit de tuiles entre de grands arbres toujours verts. C’est ici tout à l’intérieur que se visitera un jour le jeu de « la soupe aux lettres ». Apprendre à lire est difficile et la grande dame à la disponibilité infinie garde très vive en elle la sensation physique d’un affrontement avec d’opaques caractères d’imprimerie si peu que peu transparents. Elle avait cédé pourtant, elle avait franchi le passage douloureux, elle n’avait plus peur de l’arbre mort, elle avait appris à lire et, miracle de la lecture, une voix gris bleu n’avait plus jamais cessé de lui parler quand elle s’était mise à écrire.

     


    Catherine Pomparat

     margagnes

     édité par l’auteur pour ses amis, 2006

    également intégralement disponible sur http://remue.net/spip.php?article1721

     

    La photographie est de Laure Fritsch

     

  • Catherine Pomparat, “margagnes”

    Impression_recto_verso.jpg

    Impression recto verso

    Silencieuse, élégante, affable, charmante, colorée en nuances de ce mélange de forces et de subtilités grises qui marque la gestuaire japonaise et qui en est l’enveloppe esthétique, la femme assise si droite sur le lit ne semble pas dévêtue. Sa nudité procède d’un mimétisme animal et à peine couvert des raies d’une écharpe soyeuse le corps est confondu dans les rayures de la tenture du fond. La photographie en noir et blanc est un complément irréfutable à la gamme des papiers de couleurs. C’est par la papeterie, lieu et catalogue des choses nécessaires à l’écriture, que l’on s’introduit dans l’espace des signes. Du côté qui est l’endroit du rideau une langue inconnue dont le regard de l’artiste a saisi la respiration. Folio verso, l’imprévisible d’une autre temporalité s’inscrit dans un unique trait de pinceau.


    Catherine Pomparat

    margagnes

    édité par l’auteur pour ses amis, 2006

    également intégralement disponible sur http://remue.net/spip.php?rubrique205


    photographie : Jean Rault

  • Bernard Collin, “478 jours naturels”

     

    bernard collin,lola créïs,478 jours naturels,les petits matins

    « Je ne me fais pas comprendre, ne cherche pas, dit qu’il ne cherche pas, et s’il ne cherche pas, continuer l’exercice, terminer la phrase interrompue, inachevée, ou ne nira pas comme c’était l’intention de l’auteur, ou deux rédacteurs, le premier rédacteur ne sachant pas où il va, dans l’ignorance, ne pas trop s’appuyer sur l’ignorance, c’est facile, je vous recommande ou par un besoin de dépense, un certain nombre de semaines de lignes, comme on disait semaines de siècles, une relative expansion, donc vous n’avez pas de doute, la vie il faut la passer à écrire, pas de doute sur le mensonge, si vous restez jour et nuit à cette table, tourne le dos à la fenêtre, dit qu’il ne regarde pas derrière lui, ne pas se retourner, ne pas se redresser, penché en avant, et la petite quantité de sacs, on met les feuilles dans des sacs, on les remplit de feuilles, c’est un travail de plein air, les feuilles du jardin, avec les feuilles on fait de la mof fraiche, et de nouveau les feuilles posées dessus, posées sur la table, on a coupé les pieds, la table par terre, sur le sol, et assis par terre, beaucoup de mal à se relever, reste assis, dort assis, si personne ne vous lit c’est comme s’il n’avait rien fait sur la terre, alors faire quelque chose, cherche sans voir, n’a pas trouvé, dit qu’il ne voit pas, qu’il est venu pour écrire, et si vous n’êtes pas visible vous n’êtes pas vivant, qu’il n’y a pas de preuve, ou dira qu’il est dèle à l’idéologie, personne n’a jamais vu Dieu et il croit qu’il existe, n’a jamais vu un livre, une ligne de celui-là, et croit qu’on peut apprendre à voir comme on apprend à lire, mais je ne savais pas que vous écriviez. »

     

    Bernard Collin

     478 jours naturels

     Edition établie par Lola Créïs

     Les Petits matins, 2012

     www.lespetitsmatins.fr


    Photo : Lola Créïs, Bernard Collin, librairie Olympique, Bordeaux

    19 mars 2011 © : Claude Chambard

     

  • Gustave Roud, "Les fleurs et les saisons"

    La Rose-mousse

    226-110922175228.jpg

     

    « Saluer les fauteurs de roses rares, les patients trancheurs d’étamines, toujours prêts à poindre le faux dieu Hasard de leurs ciseaux de brodeuse, à lui jeter aux yeux la poudre des pinceaux à pollen ; saluer ces baptiseurs penchés sur mille roses à naître dont une seule devant eux va trouver grâce et mériter un nom… Aimer toute rose, oui, — mais choisir la rose : tel est ici notre plaisir.

    La rose ronde et nue, la rose rose, la rose de toujours. L’antique rosier des jardins paysans qui buissonne, renaît sans relâche au long des siècles, fidèle à soi-même et sans demander nulle greffe, étant franc de pied, comme on dit. Le rosier, parmi les lys, le rosier des dimanches de juin où parfois une fiancée le visite à l’aube, soucieuse d’un bouquet glacé de nuit. Elle pose un vase de verre bleu sur le rebord de la fontaine. Elle entre et froisse au jardin de longues nappes d’odeurs endormies. Elle écoute, mais à la pointe du chemin là-bas nul pas de cheval ne bat encore et le rosier est là qui l’accueille, ses roses mal défendues par une mousse d’aiguillons impuissants, celles d’hier qui défaillent dans une odeur de vin sûri, celles dont le destin se lie au jour naissant, prêtes à débrider comme lui leur calice d’ombre, à laisser s’entrouvrir sous la coupe du ciel leur coupe de pétales.

    Cueille la plus belle, petite fiancée, et que le jeune cavalier qui l’emportera, l’adieu dit, le soir venu, la sente vivre encore à ses lèvres de village en village comme une chair, comme une soie : la soie même d’une paupière ou d’un sein ! Cueille — et laisse les autres livrer lentement leur cœur à mille abeilles vagabondes, à cette lumière d’été toute-puissante qui les fanera comme elle fane le matin pur et les fera mourir avec lui. »


    Gustave Roud

    Les fleurs et les saisons

    Photographies de l’auteur

    Postface de Philippe Jaccottet

    La Dogana, 1991, réed. 2003

     

  • Gil Jouanard, "L’œil de la terre"

     

    Jouanard Gil.jpg« Lorsque l’hommes s’avisa de passer de l’état de nature à l’état de culture, il se ménagea des espaces intermédiaires, qui lui permettaient de garder un pied dans le vaste monde tout en sécurisant ses mœurs et ses réflexes aux abords d’un “chez soi”. Déjà, il avait inventé la campagne, compromis entre la luxuriance de la planète, indifférente à tout, et son propre ego implosant d’intentions et de désirs. De moyen terme en pis aller, il en vint enfin, parvenu aux confins de la protohistoire, à concevoir ce modèle réduit d’univers que constituera désormais le jardin. D’abord franchement utilitaire, celui-ci ne tarda pas à joindre l’agréable à l’utile et, sans négliger l’usage potager et fruitier, il se mua en microcosme ornemental, voué à l’agrément des sens et au repos de l’esprit. Peut-être convient-il même de considérer que c’est le jardin qui a inventé l’homme moderne, quelque part entre la Grèce ancienne et l’Andalousie médiévale. Et qui sait s’il ne faut pas attribuer au jardin, justement dit “d’amour”, cette disposition affective et mentale qui, à travers la courtoisie occitane devait bouleverser à jamais les mœurs européennes, voire même inventer l’Europe ? Morcelant l’espace, n’est-ce pas le jardin qui, de la sorte, proposait ainsi à l’humain naturellement grégaire l’image révolutionnaire de l’individualité ? »

    La Mare, ce 7 août 1993.

     

    Gil Jouanard

    L’œil de la terre

    Fata Morgana, 1994

  • Françoise Clédat, "Petits déportements du moi"

     

    françoise clédat,petits déportements du moi,tarabuste« Le monde s’éclaire dans sa forme existe

    n’existe pas

     

    Je dis à l’ami je dis à rené le doute vaincu par

    la douleur

    en douleur de douleur ne doute

     

    Si douleur existe manifeste manifestation d’organe n’est-ce pas la preuve je dis à rené je dis à l’ami n’est-ce pas la preuve

    qu’amour existe et joie

    sans organe

     

    Je vis une histoire d’amour

     

    Dans l’histoire que je vis existe / n’existe pas en existe / n’existe pas trouve

    unité complétude

     

    Je dis à rené je dis à l’ami me vois-tu me rapprochant de ce je ne sais pas amour à lui-même uni comme doublement d’avoir été ne doute

    réel l’enlacement

     

    Qu’ab / sens maintient

    possède sensué tous les attributs

    me vois-tu je dis à rené je dis à l’ami me vois-tu experte à te les décrire

    attributs de la présence qui n’est pas ne rien décrire de l’absence qui est

     

    Vers se dissoudre

    Me revient mode d’être

     

    Je vis une histoire d’amour »

     

    Françoise Clédat

    Petits déportements du moi

    Tarabuste, 2012

     

  • Jeanne Gatard, "La grande sieste"

     

    Jeanne-Gatard.jpg« La grande sieste rend le temps plus leste. Elle est au milieu, au centre du noyau, essieu immobile. Léone y entrecroise vite le fil, haridelle repliée, genoux au menton, les bras croisant le tout, sphynge au maigre séant avec une ridelle au bas du front là où les hindoues incrustent la perle.

     

    La fatigue ne prouve rien, la preuve n’existe pas, rien n’est gagné à jamais, elle le sait, mais elle tend ses périples en quête d’on ne sait quoi, en forme de lieu blanc comme si la somme se faisait après, juste un peu tard.

     

    Extravagante d’exigence la grande sieste lève le sommeil dans l’immobile, vise le cap loin au large, de l’autre côté de l’horizon, garde la ligne.

     

    Léone regarde l’air bleu. Le carré bleu est le même au dessus des captifs où qu’ils soient.

     

                        Assis sur le canot, il regarde

                       Son carré bleu en haut de la mer.

     

    Les corps sans tige dérivent sur les cartes de la mer, Léone y cherche l’amer.


    On suicide ceux dont le désir, déborde la raison, azur et gouffre, une liberté après. Après, le vertige d’absence, la liesse des autres. »

     

     

    Jeanne Gatard

    La grande sieste

    Dessins de l’auteur

    Tarabuste, 2006

     

     

    Merci à Judith.

     

  • Acheter en librairie, c’est la meilleure façon de soutenir localement l’emploi, l’économie et la culture.

    27 juin  2012

     

    COMMUNIQUÉ  DU SYNDICAT DE LA LIBRAIRIE FRANÇAISE

     

    L’EMPLOI,  C’EST EN LIBRAIRIE


    Face à la  déferlante médiatique autour de l’implantation d’une troisième plate-forme  d’Amazon en Bourgogne, le Syndicat de la librairie française tient à rappeler  quelques données :
     
    - face aux  150 à 250 emplois permanents réellement créés par Amazon, la vente de livres  génère en France plus de 20.000 emplois dont 14.000 dans les seules  librairies indépendantes (rapport de branche 2011 I+C) ;
     
    - à  proportions égales, la librairie indépendante représente une activité qui  génère deux fois plus d’emplois que dans les grandes surfaces culturelles,  trois fois plus que dans la grande distribution et, selon les chiffres de la  Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD)*, 18 fois plus  que dans le secteur de la vente en ligne !

    - la  librairie est un commerce humain qui mise sur des femmes et des hommes  qui aiment les livres, les défendent et les connaissent comme ils connaissent  leurs clients « en chair et en os » ;
     
    - pour  l’ouverture de sa plate-forme, Amazon a bénéficié d’aides publiques  conséquentes alors qu’un rapport sur « l’impact du développement d’Internet  sur les finances de l’Etat », disponible sur le site du Sénat, confirme  qu’Amazon, en rapatriant l’essentiel de son chiffre d’affaires au  Luxembourg (905 M€ sur 930 M€) échappe pratiquement totalement à l’impôt en  France. Il s’agit d’une concurrence déloyale au détriment des commerces  indépendants et de proximité qui génèrent bien plus d’emplois tout en  s’acquittant de leurs obligations légales.
     

    Acheter  en librairie, c’est la meilleure façon de soutenir  localement

    l’emploi,  l’économie et la culture.

     


    Contact  presse : Guillaume Husson (01 53 62 23 10 ;g.husson@syndicat-librairie.fr <mailto:g.husson@syndicat-librairie.fr> )

    *  Selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), le  commerce en ligne représente, tous produits et services confondus, un chiffre  d’affaires de 31 milliards d’euros pour 34 000 emplois directs (informations  disponibles sur le site de la FEVAD :http://www.fevad.com <http://www.fevad.com> ).