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Un nécessaire malentendu - Page 77

  • Pascal Quignard, “Vie secrète”

     

    DSCN1494.JPG« Il y a plus nu que la nudité. C’est l’angoisse. L’angoisse qui déchire soudain un regard me fait l’impression, quand elle surgit soudain et monte dans ce corps, d’une nudité plus impudique que la nudité elle-même. Parce que la nudité dévoile le corps tandis que l’angoisse dévoile l’identité et, derrière l’identité, son absence d’enracinement dans le corps.

    L’angoisse est la seule nudité impudique de l’humanité.

    Tout le reste est denudatio. »

     

    Pascal Quignard

     Vie secrète

     Gallimard 1997


    Photographie © : Claude Chambard

     

  • Catherine Pomparat, “margagnes”, la maison

    la_maison.jpg

     

    La maison

     

    La plage était située à l’extrémité de ma rue. La maison, à l’autre extrémité, était une typique petite Arcachonnaise en rose et rouge sur un fond gris. Distribuée en longueur, avec ses pièces en enfilade donnant sur petites terrasses aux portes-fenêtres en bois, elle nichait son toit de tuiles entre de grands arbres toujours verts. C’est ici tout à l’intérieur que se visitera un jour le jeu de « la soupe aux lettres ». Apprendre à lire est difficile et la grande dame à la disponibilité infinie garde très vive en elle la sensation physique d’un affrontement avec d’opaques caractères d’imprimerie si peu que peu transparents. Elle avait cédé pourtant, elle avait franchi le passage douloureux, elle n’avait plus peur de l’arbre mort, elle avait appris à lire et, miracle de la lecture, une voix gris bleu n’avait plus jamais cessé de lui parler quand elle s’était mise à écrire.

     


    Catherine Pomparat

     margagnes

     édité par l’auteur pour ses amis, 2006

    également intégralement disponible sur http://remue.net/spip.php?article1721

     

    La photographie est de Laure Fritsch

     

  • Catherine Pomparat, “margagnes”

    Impression_recto_verso.jpg

    Impression recto verso

    Silencieuse, élégante, affable, charmante, colorée en nuances de ce mélange de forces et de subtilités grises qui marque la gestuaire japonaise et qui en est l’enveloppe esthétique, la femme assise si droite sur le lit ne semble pas dévêtue. Sa nudité procède d’un mimétisme animal et à peine couvert des raies d’une écharpe soyeuse le corps est confondu dans les rayures de la tenture du fond. La photographie en noir et blanc est un complément irréfutable à la gamme des papiers de couleurs. C’est par la papeterie, lieu et catalogue des choses nécessaires à l’écriture, que l’on s’introduit dans l’espace des signes. Du côté qui est l’endroit du rideau une langue inconnue dont le regard de l’artiste a saisi la respiration. Folio verso, l’imprévisible d’une autre temporalité s’inscrit dans un unique trait de pinceau.


    Catherine Pomparat

    margagnes

    édité par l’auteur pour ses amis, 2006

    également intégralement disponible sur http://remue.net/spip.php?rubrique205


    photographie : Jean Rault

  • Bernard Collin, “478 jours naturels”

     

    bernard collin,lola créïs,478 jours naturels,les petits matins

    « Je ne me fais pas comprendre, ne cherche pas, dit qu’il ne cherche pas, et s’il ne cherche pas, continuer l’exercice, terminer la phrase interrompue, inachevée, ou ne nira pas comme c’était l’intention de l’auteur, ou deux rédacteurs, le premier rédacteur ne sachant pas où il va, dans l’ignorance, ne pas trop s’appuyer sur l’ignorance, c’est facile, je vous recommande ou par un besoin de dépense, un certain nombre de semaines de lignes, comme on disait semaines de siècles, une relative expansion, donc vous n’avez pas de doute, la vie il faut la passer à écrire, pas de doute sur le mensonge, si vous restez jour et nuit à cette table, tourne le dos à la fenêtre, dit qu’il ne regarde pas derrière lui, ne pas se retourner, ne pas se redresser, penché en avant, et la petite quantité de sacs, on met les feuilles dans des sacs, on les remplit de feuilles, c’est un travail de plein air, les feuilles du jardin, avec les feuilles on fait de la mof fraiche, et de nouveau les feuilles posées dessus, posées sur la table, on a coupé les pieds, la table par terre, sur le sol, et assis par terre, beaucoup de mal à se relever, reste assis, dort assis, si personne ne vous lit c’est comme s’il n’avait rien fait sur la terre, alors faire quelque chose, cherche sans voir, n’a pas trouvé, dit qu’il ne voit pas, qu’il est venu pour écrire, et si vous n’êtes pas visible vous n’êtes pas vivant, qu’il n’y a pas de preuve, ou dira qu’il est dèle à l’idéologie, personne n’a jamais vu Dieu et il croit qu’il existe, n’a jamais vu un livre, une ligne de celui-là, et croit qu’on peut apprendre à voir comme on apprend à lire, mais je ne savais pas que vous écriviez. »

     

    Bernard Collin

     478 jours naturels

     Edition établie par Lola Créïs

     Les Petits matins, 2012

     www.lespetitsmatins.fr


    Photo : Lola Créïs, Bernard Collin, librairie Olympique, Bordeaux

    19 mars 2011 © : Claude Chambard

     

  • Gustave Roud, "Les fleurs et les saisons"

    La Rose-mousse

    226-110922175228.jpg

     

    « Saluer les fauteurs de roses rares, les patients trancheurs d’étamines, toujours prêts à poindre le faux dieu Hasard de leurs ciseaux de brodeuse, à lui jeter aux yeux la poudre des pinceaux à pollen ; saluer ces baptiseurs penchés sur mille roses à naître dont une seule devant eux va trouver grâce et mériter un nom… Aimer toute rose, oui, — mais choisir la rose : tel est ici notre plaisir.

    La rose ronde et nue, la rose rose, la rose de toujours. L’antique rosier des jardins paysans qui buissonne, renaît sans relâche au long des siècles, fidèle à soi-même et sans demander nulle greffe, étant franc de pied, comme on dit. Le rosier, parmi les lys, le rosier des dimanches de juin où parfois une fiancée le visite à l’aube, soucieuse d’un bouquet glacé de nuit. Elle pose un vase de verre bleu sur le rebord de la fontaine. Elle entre et froisse au jardin de longues nappes d’odeurs endormies. Elle écoute, mais à la pointe du chemin là-bas nul pas de cheval ne bat encore et le rosier est là qui l’accueille, ses roses mal défendues par une mousse d’aiguillons impuissants, celles d’hier qui défaillent dans une odeur de vin sûri, celles dont le destin se lie au jour naissant, prêtes à débrider comme lui leur calice d’ombre, à laisser s’entrouvrir sous la coupe du ciel leur coupe de pétales.

    Cueille la plus belle, petite fiancée, et que le jeune cavalier qui l’emportera, l’adieu dit, le soir venu, la sente vivre encore à ses lèvres de village en village comme une chair, comme une soie : la soie même d’une paupière ou d’un sein ! Cueille — et laisse les autres livrer lentement leur cœur à mille abeilles vagabondes, à cette lumière d’été toute-puissante qui les fanera comme elle fane le matin pur et les fera mourir avec lui. »


    Gustave Roud

    Les fleurs et les saisons

    Photographies de l’auteur

    Postface de Philippe Jaccottet

    La Dogana, 1991, réed. 2003

     

  • Gil Jouanard, "L’œil de la terre"

     

    Jouanard Gil.jpg« Lorsque l’hommes s’avisa de passer de l’état de nature à l’état de culture, il se ménagea des espaces intermédiaires, qui lui permettaient de garder un pied dans le vaste monde tout en sécurisant ses mœurs et ses réflexes aux abords d’un “chez soi”. Déjà, il avait inventé la campagne, compromis entre la luxuriance de la planète, indifférente à tout, et son propre ego implosant d’intentions et de désirs. De moyen terme en pis aller, il en vint enfin, parvenu aux confins de la protohistoire, à concevoir ce modèle réduit d’univers que constituera désormais le jardin. D’abord franchement utilitaire, celui-ci ne tarda pas à joindre l’agréable à l’utile et, sans négliger l’usage potager et fruitier, il se mua en microcosme ornemental, voué à l’agrément des sens et au repos de l’esprit. Peut-être convient-il même de considérer que c’est le jardin qui a inventé l’homme moderne, quelque part entre la Grèce ancienne et l’Andalousie médiévale. Et qui sait s’il ne faut pas attribuer au jardin, justement dit “d’amour”, cette disposition affective et mentale qui, à travers la courtoisie occitane devait bouleverser à jamais les mœurs européennes, voire même inventer l’Europe ? Morcelant l’espace, n’est-ce pas le jardin qui, de la sorte, proposait ainsi à l’humain naturellement grégaire l’image révolutionnaire de l’individualité ? »

    La Mare, ce 7 août 1993.

     

    Gil Jouanard

    L’œil de la terre

    Fata Morgana, 1994

  • Françoise Clédat, "Petits déportements du moi"

     

    françoise clédat,petits déportements du moi,tarabuste« Le monde s’éclaire dans sa forme existe

    n’existe pas

     

    Je dis à l’ami je dis à rené le doute vaincu par

    la douleur

    en douleur de douleur ne doute

     

    Si douleur existe manifeste manifestation d’organe n’est-ce pas la preuve je dis à rené je dis à l’ami n’est-ce pas la preuve

    qu’amour existe et joie

    sans organe

     

    Je vis une histoire d’amour

     

    Dans l’histoire que je vis existe / n’existe pas en existe / n’existe pas trouve

    unité complétude

     

    Je dis à rené je dis à l’ami me vois-tu me rapprochant de ce je ne sais pas amour à lui-même uni comme doublement d’avoir été ne doute

    réel l’enlacement

     

    Qu’ab / sens maintient

    possède sensué tous les attributs

    me vois-tu je dis à rené je dis à l’ami me vois-tu experte à te les décrire

    attributs de la présence qui n’est pas ne rien décrire de l’absence qui est

     

    Vers se dissoudre

    Me revient mode d’être

     

    Je vis une histoire d’amour »

     

    Françoise Clédat

    Petits déportements du moi

    Tarabuste, 2012

     

  • Jeanne Gatard, "La grande sieste"

     

    Jeanne-Gatard.jpg« La grande sieste rend le temps plus leste. Elle est au milieu, au centre du noyau, essieu immobile. Léone y entrecroise vite le fil, haridelle repliée, genoux au menton, les bras croisant le tout, sphynge au maigre séant avec une ridelle au bas du front là où les hindoues incrustent la perle.

     

    La fatigue ne prouve rien, la preuve n’existe pas, rien n’est gagné à jamais, elle le sait, mais elle tend ses périples en quête d’on ne sait quoi, en forme de lieu blanc comme si la somme se faisait après, juste un peu tard.

     

    Extravagante d’exigence la grande sieste lève le sommeil dans l’immobile, vise le cap loin au large, de l’autre côté de l’horizon, garde la ligne.

     

    Léone regarde l’air bleu. Le carré bleu est le même au dessus des captifs où qu’ils soient.

     

                        Assis sur le canot, il regarde

                       Son carré bleu en haut de la mer.

     

    Les corps sans tige dérivent sur les cartes de la mer, Léone y cherche l’amer.


    On suicide ceux dont le désir, déborde la raison, azur et gouffre, une liberté après. Après, le vertige d’absence, la liesse des autres. »

     

     

    Jeanne Gatard

    La grande sieste

    Dessins de l’auteur

    Tarabuste, 2006

     

     

    Merci à Judith.

     

  • Acheter en librairie, c’est la meilleure façon de soutenir localement l’emploi, l’économie et la culture.

    27 juin  2012

     

    COMMUNIQUÉ  DU SYNDICAT DE LA LIBRAIRIE FRANÇAISE

     

    L’EMPLOI,  C’EST EN LIBRAIRIE


    Face à la  déferlante médiatique autour de l’implantation d’une troisième plate-forme  d’Amazon en Bourgogne, le Syndicat de la librairie française tient à rappeler  quelques données :
     
    - face aux  150 à 250 emplois permanents réellement créés par Amazon, la vente de livres  génère en France plus de 20.000 emplois dont 14.000 dans les seules  librairies indépendantes (rapport de branche 2011 I+C) ;
     
    - à  proportions égales, la librairie indépendante représente une activité qui  génère deux fois plus d’emplois que dans les grandes surfaces culturelles,  trois fois plus que dans la grande distribution et, selon les chiffres de la  Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD)*, 18 fois plus  que dans le secteur de la vente en ligne !

    - la  librairie est un commerce humain qui mise sur des femmes et des hommes  qui aiment les livres, les défendent et les connaissent comme ils connaissent  leurs clients « en chair et en os » ;
     
    - pour  l’ouverture de sa plate-forme, Amazon a bénéficié d’aides publiques  conséquentes alors qu’un rapport sur « l’impact du développement d’Internet  sur les finances de l’Etat », disponible sur le site du Sénat, confirme  qu’Amazon, en rapatriant l’essentiel de son chiffre d’affaires au  Luxembourg (905 M€ sur 930 M€) échappe pratiquement totalement à l’impôt en  France. Il s’agit d’une concurrence déloyale au détriment des commerces  indépendants et de proximité qui génèrent bien plus d’emplois tout en  s’acquittant de leurs obligations légales.
     

    Acheter  en librairie, c’est la meilleure façon de soutenir  localement

    l’emploi,  l’économie et la culture.

     


    Contact  presse : Guillaume Husson (01 53 62 23 10 ;g.husson@syndicat-librairie.fr <mailto:g.husson@syndicat-librairie.fr> )

    *  Selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), le  commerce en ligne représente, tous produits et services confondus, un chiffre  d’affaires de 31 milliards d’euros pour 34 000 emplois directs (informations  disponibles sur le site de la FEVAD :http://www.fevad.com <http://www.fevad.com> ).

     

  • Deux raisons de s'inquiéter pour la poésie !

    La pétition à propos de la mise à mal des commissions par M. Colossimo — ci-devant président — du Centre national du livre & la lettre du Centre international de Poésie Marseille à la mairie de Marseille qui supprime chaque année un peu plus son soutien.

    Appel pour le retrait du projet Colosimo

     

    Le fait qu’un nouveau président de la Commission Poésie du Centre National du Livre n’ait toujours pas été nommé à ce jour confirme qu’une liquidation de ladite commission est à l’étude. Elle ne sera pas présentée comme telle, bien entendu, il s’agira certainement de moderniser les structures inadéquates. Si ces manœuvres, engagées sous l’ère sarkozyste, devaient se poursuivre dans le bien plus « normal » encadrement actuel, ce serait le signe certain de la continuité programmée de toutes les régressions imposées par le Marché à la grande Culture. Nous écrivains, poètes, et éditeurs soussignés, estimons vital le maintien d’une commission Poésie afin d’éviter la domination d’un genre sur un autre : enviée par les poètes et écrivains de la plupart des pays, l’existence de cette aide a permis à de nombreux éditeurs, qu’ils soient puissamment implantés nationalement depuis longtemps ou qu’ils vivotent en Province grâce au bénévolat, de publier des livres qui n’auraient jamais pu voir le jour sans elle ; elle a permis à des poètes de ne pas mourir dans le plus total dénuement, et ce n’est pas une image. Mais il s’agit de bien plus que de la défense de ces livres passés et à venir : il s’agit de préserver un espace dans lequel notre langue puisse continuer à se questionner, à se penser, à se rêver. C’est pourquoi nous demandons le retrait de tout projet de “fusion des commissions”.


    Premiers signataires

    Nadine Agostini. Laurent Albarracin. Pierre Alferi. Jacques Ancet. Christian Arthaud. Edith Azam. Jean-Marc Baillieu. Jean-Christophe Bailly. Jacques Barbaut. Isabelle Barbéris. Michaël Batalla. Stéphane Batsal. Philippe Beck. Christian Bernard. Stéphane Bérard. Patrick Beurard-Valdoye. Daniel Biga. Julien Blaine. Philippe Blanchon. Eric Blanco. Jean-Pierre Bobillot. Philippe Boisnard. Oscarine Bosquet. Fabrice Bothereau. Yves Boudier. Frédéric Boyer. Magali Brazil. Christophe Bregaint. Pascale Breysse. Charles-Mézence Briseul. Mathieu Brosseau. Olivier Cadiot. Didier Cahen. Nicole Caligaris. Didier Calleja. Fabrice Caravaca. Benoît Casas. Laurent Cauwet. Claude Chambard. Sonia Chiambretto. Marc Cholodenko. David Christoffel. Michel Clavel. Françoise Clédat. Francis Cohen. Pascal Commère. Guillaume Condello. Benoît Conort. Jean-Gabriel Cosculluela. Marie Cosnay. Fabienne Courtade. Jean-Patrice Courtois. Jean Daive. Jacques Darras. Ludovic Degroote. Michel Deguy. Jean-Michel Delacomptée. Florence Delay. Henri Deluy. Philippe Denis. Maryline Desbiolles. Yves di Manno. Yann Dissez. Olivier Domerg. Suzanne Doppelt. Franck Doyen. Ariane Dreyfus. Eric Dubois. Patrick Dubost. Antoine Dufeu. Sylvie Durbec. Stéphanie Eligert. Antoine Emaz. Jean-Michel Espitallier. Etienne Faure. Claude Favre. Bruno Fern. Christophe Fiat. Bertrand Fillaudeau. Christophe Forgeot. Frédéric Forte. Dominique Fourcade. Alain Freixe. Alain Frontier. Jérôme Game. Christian Garcin. Isabelle Garron. Albane Gellé. Jean-Louis Giovanonni. Eric Giraud. Liliane Giraudon. Jean-Marie Gleize. Guy Goffette. Goria. Sylvie Gouttebaron. Fred Griot. Frédérique Guétat-Liviani. Gérard Haller. Georges Hassomeris. Alain Hélissen. Tristan Hordé. Eric Houser. Isabelle Baladine Howald. Antoine Jaccottet. Hugues Jallon. Alain Jeanmougin. Manuel Joseph. Jacques Jouet. Anne Kawala. Patrick Kéchichian. Ronald Klapka. Abigail Lang. Carole Lataste. Emmanuel Laugier. Frédéric Léal. Olivier Le Lohé. Claudie Lenzi. Samuel Lequette. Daniel Leroux. Pierre Le Pillouër. Hubert Lucot. Aurélie Loiseleur. Claude Lutz. Yves Mabin Chennevière. Sabine Macher. Eric Maclos. Cyrille Martinez. Jérôme Mauche. Nelly Maurel. Jean-Pascal Medurio. Dominique Meens. Michèle Métail. Ginette Michaud. Jacques-Henri Michot. Yvan Mignot. Michaël Moretti. Sandra Moussempès. Joseph Mouton. Jean-Luc Nancy. Sylvie Nève. Bernard Noël. Stéphane Nowak Papantoniou. Opaline Opalia. Jean-Pierre Ostende. Yves Pagès. Jean-Baptiste Para. Anne Parian. Florence Pazzottu. Charles Pennequin. Mathias Pérez. Pascal Perrat. Marc Perrin. Xavier Person. Eric Pessan. Eric Pesty. Serge Pey. Gérard Pfister. Jean-Claude Pinson. Emmanuelle Pireyre. Virginie Poitrasson. Emmanuel Ponsart. Pascal Poyet. Christian Prigent. Martine Pringuet. Franck Pruja. Dominique Quélen. Nathalie Quintane. Fabienne Raphoz. Shoshana Rappaport-Jaccottet. Yves Ravey. Alain Rebours. Katy Rémy. Elisabeth Rigal. Cécile Richard. Alain Robinet. Florian Rodari. Antonio Rodriguez. Jacques Roubaud. Claude Royet-Journoud. James Sacré. Caroline Sagot-Duvauroux. Jean-Luc Sarré. Isabelle Sauvage. Ryoko Sekiguchi. Françoise Stiegler. Gwenaëlle Stubbe. Nicolas Tardy. Yannick Torlini. Vincent Tholomé. Yoann Thommerel. Florence Trocmé. Françoise Valéry. Adeline Van Rompu. Véronique Vassiliou. Jean-Charles Vegliante. Alain Veinstein. André Velter. Didier Vergnaud. Christiane Veschambre. Pierre Vilar. Jean-Jacques Viton. Christian Vogels. Dorothée Volut. Vincent Wahl. Catherine Weinzaepflen. Gilles Weinzaepflen.


    & & &

     

    Lettre ouverte
    à l’Adjoint au Maire de Marseille,
    chargé de l’action culturelle des musées, des bibliothèques et du Museum
    M. Daniel Hermann


    Suite à notre tract dénonçant les nouvelles baisses de subvention de la Ville votées pour notre structure, nous venons de lire votre première réponse dans un article de La Marseillaise, daté du 30 mai 2012.

    Étrangement, votre discours est exactement le même que celui de l’année dernière, ainsi que celui de 2009, et pour le même motif… Moins 10 000 € en 2009, moins 30 000 € en 2011, moins 30 000 € à nouveau en 2012… et toujours les mêmes arguments…

    Morceaux choisis :
    • 30 avril 2008, Marseille L’Hebdo : «… le cipM ! Moi qui adore la poésie, je viens de découvrir ce lieu unique ».
    • 23 juillet 2009, Libération : « Le cipM, je les ai baissés (…). Ils sont logés gratis et si je leur enlève 10 000 €, ils ne sont pas morts. Pourtant, j’aime bien la poésie. Mais ils peuvent faire un petit effort ».
    • 28 février 2011, La Marseillaise : « Et comme le cipM est particulièrement bien financé par la Ville avec 230 000 €, j’ai un peu rogné leur financement ».
    • 2 mars 2011, Marseille L’Hebdo : « Question subventions, le cipM est un des mieux lotis et ils sont logés gratuitement. Je dois rééquilibrer les budgets car la Région a diminué ses subventions à plusieurs associations ».
    • 7 mars 2011, La Provence : « Ce n’est pas une attaque en règle contre la poésie ; d’ailleurs ils sont logés gratuitement à la Vieille Charité. Quand la Région enlève ses subventions, je suis bien obligé de compenser... Je rééquilibre, je prends un peu aux uns pour donner aux autres ».
    • 30 mai 2012, La Marseillaise : « Le cipM n’est pas en péril quand j’enlève 30 000 € sur 490 000 € au total, en comptant les subventions de toutes les collectivités. Le cipM est très bien aidé, de plus il est logé gratuitement à la Vieille Charité, ils disposent de financement pour 2013 ».

    C’est sans doute ce qu’on appelle le comique de répétition :
    il ne nous amuse plus.



    Quand vous répétez que « le cipM est très bien aidé », vous omettez de dire, que la Ville ne cesse de diminuer sa participation depuis plus de 15 ans (1996 : 305 000 € ; 2012 : 200 000 €) alors que cette structure est unique dans son genre, au niveau national comme au niveau européen. C’est ce qu’on appelle communément, et trop souvent à Marseille, gâcher une chance.

    Quand vous dites que le cipM « est logé gratuitement à la Vieille Charité », vous passez un peu vite sur les tentative à répétition de la Ville, depuis 8 ans, de nous faire quitter ce site sur tous les prétextes, sans bien sûr vouloir même étudier sérieusement une possibilité de relocalisation… Or le cipM, créé à la demande de la Ville en 1990, est bien logé par elle depuis son origine.

    Quand vous dites que le cipM « dispose de financement pour 2013 », vous semblez oublier que Marseille-Provence 2013 décide de façon indépendante de financer des actions nouvelles pour l’année 2013. Mais il est difficile de programmer des actions nouvelles quand le budget habituel d’une structure culturelle s’effondre, à la suite de vos choix. La Charte de Marseille-Provence 2013, que la Ville a signée pour obligation de respecter, précise bien pourtant que le budget est « constitué exclusivement de mesures nouvelles (...) sans réduction des budgets structurels préexistants ».

    Pendant ce temps, notre structure se bat pour développer ses activités, trouver de nouveaux soutiens institutionnels – de la part de l’État, de la Région, du Département –, multiplier les partenariats avec des structures culturelles en France et à l’étranger.

    Cette nouvelle accélération du désengagement de la Ville, moins 60 000 € en deux ans, n’est donc pas justifiable par vos approximations à répétition. Elle nie tout le travail de développement – structurel, financier et surtout culturel – du cipM, compromet la programmation 2012 engagée, et sape ses efforts pour 2013.

    Aujourd’hui, nous nous interrogeons sérieusement sur les motivations réelles de ces diminutions. Nous ne vous demandons pas d’aimer la poésie, comme vous le dites souvent. Nous attendons simplement que vous soyez un élu sérieux et responsable, dans vos décisions comme dans vos propos.

    C’est pourquoi nous vous demandons de corriger cette baisse de subvention dès 2012 et également, si cela vous est possible, un peu de respect pour le travail de fond mené par cette structure depuis 22 ans.

    Emmanuel Ponsart et l’équipe du cipM

  • Hugo Pernet, "Poésie simplifiée"

    picture.jpgD’abord faire glisser avec d’infinies précautions le bandeau titre qui scelle le livre vert d’eau afin de pouvoir faire bruisser les pages. Beaucoup de blancheur et au cœur une image en quadrichromie d’un otage — suppose t’on — à peine libéré, bandeau sur l’œil et couverture de survie dorée sur les épaules, micro à la main (une image du poète enfin libre ?).

     

    Poésie simplifiée, ou comment, en éliminant toujours, laisser peu de place au sens et dans ce vide, voir ce que de petites propositions peuvent activer d’un reste de langue. Langue de peu, langue de l’absence de l’auteur. Poésie simplifiée, Hugo Pernet le revendique, doit beaucoup au travail inlassable de Claude Royet-Journoud et inlassablement donc à partir de minuscules propositions — ce qui reste quand on a pelé le texte — il exprime la couleur — voire son absence — plutôt que la pulpe ou le jus.

    En Garamond et en Helvetica Neue, chaque partie tente l’impossible pari du « pas d’histoire », et pourtant « écrire est devenu une tâche/ménagère ».

    On range le bandeau entre les pages du livre, la couverture est muette, Hugo Pernet a disparu dans le livre où on voudra bien le glisser et, régulièrement, le changer de place. C’est sa liberté chèrement gagnée.

     

    Claude Chambard


    Hugo Pernet

    Poésie simplifiée

    ENd Éditions

    104 p. ; 12 €

    http://endeditions.com/


    Cet article a paru initialement dans ccp n° 21

     

  • Lyn Hejinian, "Gesualdo"

    lynhphoto.JPGMartin Richet sait toujours repérer l’inattendu et il excelle à le traduire. Ce mince livre commence en ré et se termine en « mesure pointillée » en la et ré fusionnant les [nos] voix. Carlos Gesualdo, musicien et assassin, ou l’inverse, mais fidèle, « une aptitude aux motifs, au couplage » — Gesualdo  « un nom ne doit pas annoncer une intention ».

     

    L’écriture de Lyn Hejinian est d’une rare complexité et d’une rare flamboyance. Elle entraine le lecteur sur des chemins qu’il n’envisageait même pas, c’est dire si elle est nécessaire. «  Je suis singulier et dépendant, d’un message plus urgent de l’artifice à une expression vivante. » Un effet de musique, un effet  de sauvagerie, un effet de désir, un effet de vacillement — page  5 coda —, une aventure  d’amour qui suggère la fin, sans réplique.

     

    Mêlant, entremêlant — fine et savante tapisserie, rugueuse et soyeuse à la fois — l’autobiographie du compositeur italien et sa musique, avec une précision et une exactitude rares, Lyn Hejinian donne ici un des textes les plus troublants qui soit, véritable « Contorsion en douceur, le rythme est immobile, un langage ultérieur guidé par la consolation ou le soulagement. »

     

    Claude Chambard


    Lyn Hejinian

     Gesualdo

    Traduit  de l’américain par Martin Richet

     Éric Pesty Éditeur

     16 p. ; 9 €

    http://www.ericpestyediteur.com/

     

    Cet article a paru une première fois dans CCP  n°20, cipM, octobre 2010