samedi, 26 mars 2016
Les Carnets d'Eucharis, "portraits de poètes"
Les Carnets d’Eucharis n° 48 viennent de paraître. Au sommaire, outre un joli dossier consacré à Charles Racine, vous trouverez des réflexions sur le travail de nombreux poètes, des poèmes français & traduits, des photographies, des notes de lecture etc. J’ai eu l'honneur d’être interrogé par Tristan Hordé – quatorze questions accompagnées d’un extrait d’un texte inédit : C’est nu, c’est de l'encre – pages 124 à 134 – et j’y parle de l’œuvre de mon amie Hélène Mohone, disparue en 2008 – pages 42 à 46. J’y suis bien accompagné par Isabelle Baladine Howald, Jacques Estager, Jacques Sicard, Angèle Paoli, Laurent Magentin etc. & bien sûr par Nathalie Riera qui anime inlassablement cette série.
Voici deux questions & leurs réponses extraites de l’entretien. Pour lire le reste : http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/media/01/02/425...
Venons-en à tes livres. Comment est née l’idée de Un nécessaire malentendu ?
As-tu lu mon Élégie de Pontlevoy ? J’ai reçu un jour au Centre régional des lettres d’Aquitaine, où je travaillais, un dictionnaire des noms de lieux publié par Fanlac et j’ai eu le sentiment qu’il y avait quelque chose qui était fait pour moi dans ce livre. Dans les mois qui ont suivi, j’ai développé un projet en cours et écrit Élégie de Pontlevoy, sous-titré « élégie toponyme, I ». Les noms de lieux me fascinaient, jamais je n’avais pu les faire entrer dans ce que j’écrivais. Grâce à ce livre c’était possible.
Ensuite, après quelques élégies, j’ai changé mon écriture, mais elles sont entrées, sous une autre forme, dans mes livres. Cette première élégie est fondatrice de ce qui suit, parce que tous ces noms de lieux qui me plaisent tant sont liés à l’enfance. Ces noms me permettent de retrouver des éléments fondateurs de mon existence. ‘’Les Couardes’’, c’est un lieu qui existe, comme tous les autres qui reviennent régulièrement, et il y a constamment des noms de lieux dans tous les volumes du Malentendu. J’ai été très longtemps un collectionneur de cartes IGN [Institut Géographique National] et je passe encore des heures à les regarder, les lire, c’est de la pure poésie une carte IGN.
J’ai déplacé le sujet vers une pseudo histoire familiale, parce qu’évidemment ce que j’écris ne reprend qu’une toute petite partie de l’histoire de la famille. Je m’amuse à coller le plus possible au réel, celui des lieux notamment, pour mieux m’en détacher, ce qui me brouille avec ma propre histoire — je ne suis plus très sûr de ce qui est vrai ou non..., ce qui pose la question du réel dans sa propre vie. Avec le temps, j’ai créé un ‘’pays’’, un résumé des lieux parfois très éloignés qui m’importent et que je réunis autour de entrelesdeuxrivières, de cette ‘’Montée des Couardes’’. Un territoire très vaste dans le monde puisqu’il va du Sénégal à la Côte d’Or en passant par la Touraine, la Petite Sologne, l’Yonne, Bordeaux…, et qui est ramené à la dimension d’un canton dans mes livres.
Six volumes ont paru de ce ‘’nécessaire malentendu’’. Où en es-tu aujourd’hui ?
En ce moment je travaille sur trois volumes, et tous autour de noms de lieux. L’un sera constitué de douze chapitres, sans images — le texte ici devenant l’image même —, de douze pages chacun, et chacun porte le nom d’un lieu qui m’est cher. Dans un autre volume, plutôt sous la forme d’un journal, avec des paragraphes de quelques lignes, la présence de noms de lieux est dominante. Enfin le troisième, plus ‘’poétique’’ peut-être, est une façon de restitution — de reconstitution — de noms de lieux et de familles.
Par ailleurs, je viens d’écrire un texte pour André Jolivet sur Bordeaux qui est une déambulation à partir des noms de rues et tous ces noms font sens entre eux. Dans un de mes périples dans la ville, je me suis trouvé un jour devant une ‘’Impasse de la fraternité’’ — j’en aurais pleuré... ; quel est l’imbécile qui a donné ce nom ? Et j’ai évidemment intégré ce nom, comme j’ai intitulé un livre Allée des artistes, nom qui existe dans un cimetière. À Bordeaux, on peut passer par la rue des Étrangers avant d’arriver Impasse de la Fraternité…, une impasse pour la Fraternité ça fiche un peu par terre une rue pour les Étrangers…
Tristan Hordé / Claude Chambard
Les Carnets d’Eucharis, 2016 / n° 48
16x24 ; 248 p. ; illustré ; 19 €
15:51 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : claude chambard, tristan hordé, nathalie riera, les carnets d'eucharis
dimanche, 20 mars 2016
Olivier Domerg, « Le temps fait rage »
« […] le temps fait rage. pourtant, tout vous porte & vous exhorte. vous êtes là, devant le puzzle de cette masse insoluble. vous ne craignez rien, ni la compacité, ni l’obscurité, ni le non-sens, ni l’obscurantisme. vous êtes entrainé pour ça. vous vous préparez depuis longtemps, très longtemps, à redoubler d’efforts, à aller au fond des choses, à déchiffrer ce qui se trouve devant vous & vous fait face. à intégrer les données provenant de tous vos sens. opérations de saisie, d’interprétation & leurs interactions nombreuses. plus on avance, plus on découvre la découpe saillante et parfois arrondie de la crête. combien de temps encore tenir contre le vent & son boucan ? combien de fois encore venir s’y confronter ? le temps fait rage. il n’y a pas forcément de progrès dans la série, seulement l’obstination de mieux coïncider avec chaque moment. l’ombre glisse sur la montagne, coulisse dessus comme un rideau occultant. pendant ce temps, tout l’autre côté se découvre & se remet à briller sous la lumière vive. la phrase est nécessaire, la phrase doit vivre. il y a une nécessité de tenir par la ou les phrase(s), détenir aux phrases. il faut que tout livre soit, en lui-même, une insulte à l’oppression. repasser en vision globale. monceau pyramidal constitué de morceaux superposés, saillants, désordonnés, vaguement additionnés ou posés les uns sur les autres, vaguement collés ou accolés. monceau scellé par le ciment du temps, la formation des monts & montagnes, leur géologie ou généalogie (à décrypter aussi). il est bon aussi d’éprouver & de pénétrer davantage, de mettre sur le gril, si la force des bourrasques ne décourageait, par avance, toute station, toute installation durable, toute tentative de réduire la distance, de mieux coïncider ; toute possibilité de tenir dans ce couloir venteux autrement qu’accroupi, ou plié en deux, protégeant tant bien que mal – illusion sans retenue pour le présent intégral – crayon & carnet aux pages qui claquent. »
Olivier Domerg
Le temps fait rage
le bleu du ciel, 2015
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lundi, 14 mars 2016
Rose Ausländer, « Cercles »
© Ullstein
« Échanger des serments
Que ne cesse jamais
le troublant bonheur
d’attraper des ombres
des mots
Retenus par des aimants
à la terre en rotation
sel et feu dans le sang
échangeant des serments
En consolation
le souvenir de l’avenir
Quand ne cesse de grandir
l’épine dans le cœur
qui envoûte la rose
Fuir
dans l’ultime recoin du cœur
là
nulle mort ne nous surprendra
échanger des serments
supporter
l’étreinte de l’ombre »
Rose Ausländer
Kreisen / Cercles
Traduit de l’allemand et présenté par Dominique Venard
Bilingue
Images de Marfa Indoukaeva
Coll. Voix de chants, Æncrages & Co, 2005, 2010
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dimanche, 06 mars 2016
Philippe Lacoue-Labarthe, « phrase »
photo in Philippe Lacoue-Labarthe, Altus
un film de Christine Baudillon et François Lagarde (Hors-Œil éditions)
« Phrase X
(« les morts »)
« Ceux-là, sans visage identifiable, mais
ceux-là, ils sont venus,
ils se sont assis autour de la lampe, ils ont
dit qu’ils étaient de passage mais ils
ont demandé pourquoi nous refusions
pratiquement de nous
départir. Ils parlaient
à voix plutôt basse, de façon retenue,
sans colère ; ils étaient, lui, elle,
fatigués, très inquiets ;
ils pensaient que rien n’arriverait plus
désormais qui pût donner un semblant
de véridiction à l’immense rumeur, à
cet écho pierreux (à la cendre, disaient-ils).
Ils ne se plaignaient pas, ils demandaient
simplement qu’on les crût, lui, son chapeau
sur la tête, les mains adressées, elle,
ombrageuse (ou fière aussi bien), belle sans doute,
qui du fond de son âge, de ses yeux devenus gris, de ses larmes,
invoquait, alors qu’il n’osait rien dire,
non pas réparation, mais la justice
simplement, qu’on exécutât
les lois connues de tous, les lois
qui gouvernent notre insignifiance, le mal
et notre infirmité. Ce n’est pas vraisemblable,
non, disait-elle, ce qui nous est arrivé,
ce n’est pas vraisemblable : vous savez
bien, vous savez que nous n’avions rien fait,
et vous n’en parlez plus, jamais, jamais.
Et lui, à peine audible : nous
sommes les témoins que dans la honte vous récusez.
(17 décembre 1988-29 février 1996) »
Philippe Lacoue-Labarthe
Phrase
Collection « Détroits »,
Christian Bourgois, 2000
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mardi, 01 mars 2016
Yannick Torlini, « Camar(a)de »
« travaille. toujours travaille tous jours ton peu qui : se déforme éternise dans l’attente se (encore, encore attenter ton corps éternise), déforme. ton peu qui devient mais : sueurs, arthroses, cargaisons de solitudes calcifient, adossées à l’outil encore, adossé. camarade, perclure ton corps à la ruine des frondaisons, n’achèvera pas le doute. qui, n’achèvera rien, s’éternisera anxieux camarade : poumone l’anxieuse asphyxie jusque. cette muqueuse que tu nommes. exister pour.
* * *
ne cède jamais (au grand : jamais), ta langue, à la boue. à la (probable). glaireuse attente qui. guette et avance, ta langue dans, fragmentée, condensée, asphyxiée (percluse dans), percluse l’anxiété de. avance fragmentaire crèverie camarade creuse (ton lit, ton rien, ton reste) : ta fragmentaire crèverie, du début de jour. du début de jamais. pasjamais. »
Yannick Torlini
Camar(a)de
Éditions Isabelle Sauvage, 2014
19:49 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : yannick torlini, camar(a)de, isabelle sauvage
lundi, 22 février 2016
François Dominique, « Dans la chambre d’Iselle »
« Lucy m’observe avec un sourire moqueur : “Souviens-toi, au début, quand nous n’étions pas sûrs d’avoir un enfant… – Oui, nous disions que si nous parvenions à faire cet enfant, il valait mieux attendre la naissance pour trouver un nom. – Nous disions Il ou Elle, et moi j’aimais dire L’Enfant… – Et puis, nous avons dit : si c’est un garçon, il s’appellera Ilan ; Ilan est l’arbre de vie en hébreu. Une fille ? Elle s’appellera Ella. – Mais Franck, tant que nous ne savions pas, c’était Ilelle, que tu as changé en Ilèle. J’ai du mal avec ce nom androgyne, parce que j’ai rêvé que notre fille naissait avec une peau rose et lisse entre les jambes, comme ces poupées en plastique que nos lointains aïeux offraient à leurs enfants. Je ne veux pas d’un enfant asexué.”
Nous regardons par la fenêtre la course lente des nuages. Lucy caresse mes lèvres du bout des doigts. “Franck, je pense à un autre nom… Ce serait Iselle. – Où as-tu déniché ce nom ? – Dans un rêve de la nuit dernière… – Que veux-tu dire ? – J’ai rêvé que j’étais à la fête des Enfants nouveaux. Il y avait une ronde autour d ‘un feu de joie. Des enfants sont en train de brûler le bonhomme hiver. La ronde tourne de plus en plus vite, jusqu’à épuisement des enfants qui s’endorment autour du brasier. Une fille ne dort pas ; elle regarde le brasier qui s’éteint. Je m’approche et lui demande son nom. Elle tend la main vers les cendres brûlantes. À ce moment précis, je vois s’élever des cendres les premières fleurs du printemps ; la chaleur ne les blesse pas, elles sont colorées, intactes : des primevères et des crocus. La fille se tourne vers moi et dit : C’est le Gisement des Noms, vous n’avez qu’à choisir ! Regardez bien, fermez les yeux, rêvez à des noms, ouvrez les yeux. J’obéis. Je m’endors, je rêve et me réveille dans mon rêve : plus de fille, plus de cendres, plus de fleurs, mais une vaste forêt claire. Je suis debout sous un arbre. Le vent agite les branches ; le bruissement des feuillages se change en voix, en mots, une litanie de noms inconnus ; et là, je me réveille tout à fait avec un seul nom au bord des lèvres : Iselle. – J’envie ton rêve, Lucy. Je suis d’accord, notre fille s’appellera Iselle : je vais composer une berceuse sur les lettres de ce nouveau nom, i. s. e. l. l. e.” »
François Dominique
Dans la chambre d’Iselle
Verdier, 2015
18:24 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : françois dominique, dans la chambre d'iselle, verdier
jeudi, 11 février 2016
Françoise Ascal, « Des voix dans l’obscur »
« non
pas de “belles histoires” à raconter les histoires ça vole dans l’air on les capte d’une main joueuse je ne sais pas jouer je n’ai pas de filet à histoires juste du fil à coudre utile pour les plaies coudre et recoudre ce qui bée une spécialité en quelque sorte réparer recoller rafistoler ravauder avec plus ou moins de succès paroles qui tombent et se cassent dans le vide murs qui se fendent toits qui s’écroulent draps qui se déchirent peau qui se fane veines qui éclatent c’est mon lot je pose des mots-sutures sur ce qui souffre c’est une addiction comme une autre
peut-être est-ce mon corps troué que je cherche à rejoindre dans la moindre faille
glisser la langue entre les molécules disjointes mâcher les noms perdus sucer le rien saliver
lèvres closes cimenter l’absence
peut-être est-ce vous qui m’appelez vous qui n’êtes plus
vous qui avez fui sans légendes à hisser dans les livres »
Françoise Ascal
Des voix dans l’obscur
5 dessins de Gérard Titus-Carmel
coll. écri(peind)re, Æncrages & Co, 2015
13:43 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : françoise ascal, gérard titus-carmel, des voix dans l'obscur, Æncrages & co
lundi, 08 février 2016
Li Qingzhao, « Le printemps est venu »
pour saluer le Nouvel An chinois – fête du Printemps
année du Singe de feu
« Le printemps est venu jusqu’à ma cour.
Tendre est le vert des herbes.
Les boutons rouges des pruniers,
à peine éclatés,
sont près à s’épanouir.
Les nuages bleus s’estompent
en poussière de jade.
Je m’attarde à mon rêve de l’aube :
Je brisais avec toi
la cruche printanière.
Les ombres des fleurs s’alanguissent
et se posent sur les portes.
La lueur pâle de la lune s’étale
sur le rideau translucide.
Un si beau soir !
Deux fois en trois ans,
tu as manqué le printemps.
Reviens, reviens vite !
Et jouissons de celui-ci
jusqu’au fond de nos cœurs ! »
Li Qingzhao (1084-1151 ?)
Les fleurs du cannelier
Traduit du chinois par Zheng Su
Interprété et présenté par Ferdinand Stoces
Ophée / La Différence, 1990
18:09 Publié dans Au jour le jour, Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : li qingzhao, les fleurs du cannelier, zheng su, ferdinand stoces, ophée la différence
vendredi, 05 février 2016
Yang Wan li, « la nuit, buvant »
« la nuit, je bois dans le studio vide et froid
je me déplace pour me rapprocher du poêle gainé de bambou
le vin est nouveau, pressé de ce soir
la bougie est courte, restée de la nuit dernière
un morceau de canne à sucre pourpre, gros comme une poutre
une mandarine dorée, même le miel ne saurait lui être comparé
dans l’ivresse monte un poème
je saisis mon pinceau, impossible d’écrire »
Yang Wan li –(1127-1206)
In Éloge de la cabane
Poèmes choisi et traduits du chinois par
Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 2009
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lundi, 01 février 2016
Chao Zhongzhi, « En route de nuit »
Shi T'ao, 1642-1707
« Plus je vieillis, plus le désir des mérites et de la renommée s’estompe,
Et sur ma pauvre haridelle, seul, j’emprunte la longue route.
Dans le village isolé, des lampes qui luisent jusqu’à l’aube
M’informent que toute la nuit quelqu’un a lu des livres. »
Chao Zhongzhi (1072 - ?)
La dynastie des Song du sud (1127-1279)
Traduit par Stéphane Feuillas
In Anthologie de la poésie chinoise
Pléiade / Gallimard, 2015
19:22 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : chao zhongzhi, stéphane feuillas, anthologie de la poésie chinoise, pléiade gallimard
samedi, 30 janvier 2016
Jacques Roman / Bernard Noël, « Du monde du chagrin »
« J. R. – Le fleuve de l’écriture, ses deux berges, la berge de la jouissance, la berge du chagrin, et dans les profondes rainures du fond de son lit, la musique, seule puissance à unir en fête cela qui à fleur d’eau tourbillonne, tourbillonne.
B. N. – L’écriture invente à mesure ce dont elle fait semblant de parler afin de disposer d’un alibi devant la réalité Peu lui importe son sujet, mais il lui en faut un comme outil pour creuser son lit dans l’inconnu. »
Jacques Roman, Bernard Noël
Du monde du chagrin
Paupières de terre, 2006
19:28 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : jacques roman, bernard noël, du monde du chagrin, paupières de terre
jeudi, 28 janvier 2016
Emmanuel Darley, « Des petits garçons »
« Je suis un petit garçon qui joue dans une maison. Je galope dans le couloir, je suis un cavalier, dépassant son ombre, soulevant la poussière. À la sortie du canyon, j’entre dans le salon. Un monsieur m’attend. C’est un petit homme un peu rond, avec, retenu par une ceinture de cuir, un ventre qui dépasse. Il me prend par la main, il m’entraîne vers l’entrée. Nous descendons l’escalier, nous passons la porte cochère, nous marchons dans la rue. Je me tourne vers la maison. Elle est à la fenêtre, elle me regarde partir, ne fait pas un geste. Main dans la main, le petit homme et moi, nous prenons le chemin de la promenade. »
Emmanuel Darley
Des petits garçons
P.O.L, 1993
12:14 Publié dans Écrivains | Lien permanent | Tags : emmanuel darley, des petits garçons, p.o.l