lundi, 31 octobre 2016
Maurice Darmon, « La forêt des dames, le cinéma de Marguerite Duras 1964-1972 »
DR
« […] que cherche précisément Marguerite Duras du côté du cinéma ? Qu’en attend-elle en 1969 ? Que quitte-t-elle avec son dernier film, Les enfants, en 1985 ?
Déjà, ses premières clés :
J’avais fait un livre très rapidement ; c’est à dire qu’après avoir pensé à ce livre pendant un an, j’ai fait le livre en une semaine, dans des conditions mentales très difficiles, c’est-à-dire que c’est un livre qui m’a beaucoup angoissée et je ne le connaissais que très peu. J’ai eu envie de connaître mieux ce livre, donc de le voir et de l’entendre.*
Marguerite Duras n’est certainement pas la seule à mal connaître son propre roman. L’avalanche de dialogues et de tirets et sa petite musique emportent le lecteur dans une sorte d’indifférence à ce qui se passe et à qui parle pour se laisser faire par ce qui se dit. Mais comme son auteur, le lecteur éprouve bientôt la nécessité de “connaître” ce livre, qui, dès l’ouverture, livre ses marques originelles, celles d’un scénario :
Temps couvert.
Les baies sont fermées.
Du côté de la salle à manger où il se trouve, on ne peut pas voir le parc.**
L’auteur et son lecteur savent qu’en réalité un film impose là sa dictée. Elle ne connaissait pas son livre, elle naissait plutôt de lui, et la nécessité d’une figuration concrète, “de le voir et de l’entendre” s’imposait. Avec la force de ce qu’elle nomme “l’envie”. Tourner un film, c’est forcément livrer corps, voix et visages à chaque mot, à chaque réplique ; c’est abandonner toute leur place et leur durée aux espace et aux silences. Voir et entendre : qu’est-ce que le cinéma, sinon des images et des sons ? sinon reconnaître le geste documentaire comme un épicentre dans le tremblement des lumières et des bruits ? »
* Entretien à la télévision canadienne du 7 décembre 1969
** Détruire dit-elle, Minuit, 1969
Maurice Darmon
La Forêt des dames. Le cinéma de Marguerite Duras, 1964 – 1972
(Sans merveille, la Musica, Détruite dit-elle, Jaune le soleil, Nathalie Granger
202 éditions, 2015
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samedi, 29 octobre 2016
Frédéric Boyer, « Yeux Noirs »
« L’unique chair de notre mémoire, ce sont les mots. Oui, ce qui revient de ce qui n’est plus (ou que nous pressentons de cette façon) n’est jamais rien d’autre que ce que nous appelions de nos vœux et que nous racontons une fois le crépuscule avancé. Une idée que nous n’avions pas, pensions-nous, et cette pensée précise du manque de l’idée de la chose que nous vivions faisant advenir l’événement de cette chose. C’est ce que tracent plus tard nos phrases maladroites. Les invisibles chemins qui nous conduisent d’une chose à une idée. Sachant que l’illusion nécessaire de posséder la chose peut nous mener au deuil de son idée. Celle de l’amour ou de l’éternité – idées qui n’existent que de leur absence ou de leur impossibilité. Les seules idées qui apparaissent au détour des phrases et des mots qui les nomment. Toutes les phrases que nous faisons plus tard. NOUS COMME DES SPRINTERS APRÈS LA VICTOIRE, qui courons derrière des idées perdues. La nostalgie porte ainsi sur ce qui aurait pu être, et non sur ce qui a été. Les mots qui nous servent à dire une action célèbrent d’une certaine façon le deuil de cette action devenue phrases, et histoire racontable. Si je peux être en quelque sorte maître de mon passé, c’est en relatant ce qui est arrivé. Même si ce récit ne résout rien de ce qui est arrivé. Je sais aujourd’hui SEIGNEUR. Ces yeux noirs ne me disaient qu’une chose, ne formulaient qu’un vœu : Je te souhaite d’aimer et d’être aimé. De TOUT aimer. Il faudrait se sentir le cœur de celui qui, sa tâche terminée, peut se reposer. Et dire enfin je veux vivre. »
Frédéric Boyer
Yeux noirs
P.O.L, 2016
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mardi, 25 octobre 2016
Liu Dakui, « Offert à Xu Kunshan »
Gallica, tableau des peuples tributaires de la grande dynastie impériale de Chine pour l'empereur Qian long (1711-1799)
« Cela fait plus de dix ans,
Hélas, que je suis arrivé à Chang’an.
Parmi la foule immense, regardant de tous côtés,
Je ne connaissais personne.
Un jour, je montais sur un âne boiteux,
Ignorant encore qui j’allais rencontrer.
Je frappai à la porte de chez vous,
Et nous parlâmes de tout au point d’émouvoir les esprits.
Le vieux cheval a les os de travers,
Mais son cœur valeureux lui fait parcourir dix mille lis.
Le vent du nord souffle depuis la lointaine Mongolie,
Sans que l’on puisse l’empêcher de gémir.
Les gens de Chang’an sont riches et nobles,
Pourtant ils savent goûter la saveur d’une vulgaire bouillie.
Vous appréciez la franchise et l’audace,
Prêt à souffrir la faim pour vivre de littérature et d’histoire.
Au matin, je fredonne des vers jusqu’au soir sans repos,
À la nuit, je psalmodie jusqu’à l’aube sans une pause.
Mes difficultés s’allient à mes peines infinies,
Le noir de ma vie s’élève jusqu’au ciel.
Mon existence est semée de cent chagrins,
Je ne pourrai pleurer qu’arrivé à son terme.
Mais ce que je confie à mon cœur,
Je peux continuer à le partager grâce à vos bienfaits.
Au milieu de la nuit, une humble lune se lève,
L’ombre des hauts sophoras se répand sur le guéridon devant ma fenêtre.
Ma chevelure blanche est clairsemée,
Je chante pour vous une pastorale. »
Liu Dakui – 1698 - 1779
Traduit du chinois par Sandrine Marchand
Dynastie des Qing in Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade/Gallimard, 2015
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mardi, 18 octobre 2016
Emmanuel Hocquard, « Ce qui n’advint pas »
DR
« LA DESTRUCTION D’UNE VILLE
j’ai construit
une ville de sable
de marbre
d’eau
à l’embouchure du fleuve
Élégie 7
Chacun des souvenirs que j’ai de Tanger, aussi éloigné dans le temps soit-il, est lié à un endroit très précis de la ville ou de ses environs.
Si, aujourd’hui, me revient un souvenir marquant, je le localise immédiatement. Le muret blanc qui sépare la cour de récréation du terrain de gymnastique du lycée Regnault, les feuilles gris vert de la rangée d’iris au fond de la cour, le balcon de l’immeuble de la rue Quevedo, en face, où la fille sans prénom apparaissait et s’attardait un moment avant de rentrer chez elle.
La fille n’est pas dans le paysage existant. C’est à partir de la fille que s’organise instantanément ce morceau de paysage.
Mon Tanger n’est pas celui des plans de Tanger. Il est fait de bouts discontinus d’espaces et de temps, d’émotions, de sensations, de segments de parcours isolés les uns des autres, raccordés les uns aux autres ou troués de vide où il ne s’est jamais rien produit dont je me souvienne.
Il y avait, au début de la route de Tétouan, une rivière où je me baignais parfois. K N se baigna un jour dans cette rivière, en amont de l’endroit où je me tenais face au courant.
Cette rivière, je ne saurais dire, en vérité, si elle a jamais existé. Je pense que oui, sans en être sûr, mais elle n’existe plus aujourd’hui. Une rivière peut-elle disparaître en quelques années ? Ce que je sais c’est qu’elle ne figure pas sur mon plan de Tanger.
Deleuze a établi la différence entre un calque et une carte. Ce qu’il appelle calque est en fait ce qu’on appelle habituellement carte. Pour lui, la carte est tout autre.
“Faire la carte, et pas le calque. Si la carte s’oppose au calque, c’est qu’elle est tout entière tournée vers une expérience en prise avec le réel. La carte ne reproduit pas, elle construit. La carte est ouverte, elle est connectable dans toutes ses dimensions, démontable, renversable, susceptible de recevoir constamment des modifications, […] On peut la dessiner sur un mur, la concevoir comme une œuvre d’art, la construire comme une action politique ou comme une méditation.”
L’ensemble de mes livres dessine ma carte de Tanger. »
Emmanuel Hocquard
Ce qui n’advint pas
Une grammaire de Tanger V – post-scriptum
Coll. ‘‘‘Le Refuge en Méditerranée’’’,
Centre international de poésie Marseille, 2016
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vendredi, 14 octobre 2016
David Antin, « Poèmes parlés »
© : Christopher Felver/Corbis)
« de temps à autre
de mystérieux coups le faisaient sursauter
il serait cloué sur place sous un porche
verrait une scène de désordre
elle lui disait sur un ton de confidence
“maintenant c’est mon tour de me cacher”
c’était un jeudi
il écrasa la bouteille sous son talon
il sortit son couteau de poche et ameublit la terre
il se leva et brossa les genoux de son pantalon
elle emporta le plateau
elle plaça le bol sur le lit
elle n’arrêtait pas de revenir à son sexe
une blancheur douteuse
“quand tu auras fini l’école”
“tu auras ta licence de droit”
“nous te la donnerons”
“mais j’aimerais aller en Allemagne”
“tu dois aller en Angleterre et en France”
il s’agenouilla sous l’arbre
il dormit quelque temps
il se rappela le verre bleu
il sortit du porche
nu-tête
il accomplit des actions
avec le sens de l’austérité
tout de même
il devait y avoir du sens
dans cette folie
seulement
il n’était pas en état
de le découvrir »
David Antin
« Novel Poem IX», traduit par Denis Dormoy
in Poèmes parlés
Traduits de l’américain par
Jacques Darras, Jacques Demarcq,
Denis Dormoy & Jacques Roubaud
Coll. « Les cahiers de Royaumont »,
éditions Les cahiers des brisants, 1984
David Antin, né le 1er février 1932,
est mort le 12 octobre 2016.
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mercredi, 12 octobre 2016
Pascal Quignard, « Les larmes »
photo du bandeau © Henry Pellequer
« Frère Lucius et l’image
(extrait)
Il est doux d’accrocher sur le mur de sa chambre l’image de celui qu’on aime.
Un jour qu’il était seul, dans le soir, alors qu’il attendait le retour de celui qu’il aimait, Frater Lucius prit un morceau de braise éteinte dans sa bassinoire et exécuta le portrait de son chat sur la muraille de sa cellule.
Il l’aimait tant que l’image était parfaite : c’était le petit chaton, assis sur les pattes arrière, sur le mur, qui le regardait avec ses beaux yeux noirs.
Avoir le portrait de son ami dans sa chambre – quand le chat aux beaux jours chassait dans la nuit devenue chaude, quand les chants des oiseaux résonnaient de toutes parts et l’attiraient, quand ils excitaient en lui le désir erratique et véloce de la chasse plus encore que la jouissance de dévorer, quand il quittait ses bras, sautait sur le carrelage, bondissait sur le bord de la fenêtre, s’envolait dans la pénombre – apaisait non pas son amour mais son attente. »
Pascal Quignard
Les larmes
Grasset, 2016
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dimanche, 25 septembre 2016
Bernard Chambaz, « Entre-Temps »
« Tout est dit Je recopie me contente de recopier (un ciel)
Et tout est à redire
Le premier d’entre nous aurait-il écrit
Des mots d’amour
Devrions-nous bouder je t’aime mon lou bijou
Lumière usée mais neuve malgré la finitude l’
Indivisible nuage boudoir
Et je voudrais ce midi d’après Pâques nous embrasser encore
Sous ce baquet inestimable d’étoiles pourpres
_____________________________________________
Nous partions du jardin y revenions
La neige avait fondu
Entre les signes à tout jamais penchés du mot citronnier
Le chemin presque couché car l’endroit ventait drôlement
Oui j’aimerais tant saisir pourquoi
Poésie donne
Toujours sur une forme de futur antérieur
Le refus d’une débâcle
Indéfinie »
Bernard Chambaz
« Le monde indéfini du futur antérieur »
in Entre-Temps
Coll. Poésie, Flammarion, 1997
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vendredi, 09 septembre 2016
Pascal Quignard, « Vie secrète »
photogramme de
À mi-mots, Pascal Quignard, film de Jacques Malaterre
M à Sens
Parfois il me semble que je m’approche d’elle. Je n’entends pas par là que je l’étreins. Je l’approche, c’est tout. Je deviens proche. Je m’assieds près d’elle sur le divan devant la porte-fenêtre qui donne sur le jardin de la maison de l’Yonne. Je lui prends la main, sa main si musclée, aux doigts si doux et ronds parce que les ongles et les envies en sont entièrement rongés. Mais ce n’est pas cette scène que je veux décrire exactement en utilisant le verbe s’approcher. “Je m’approche d’elle” veut dire : nous sommes l’un à côté de l’autre. Nous voyons la même chose. Nous sentons la même chose. Nous éprouvons la même chose. Nous pensons la même chose. Mon visage se confond à son visage. Nous nous taisons tous les deux mais ce n’est nullement le silence que nous partageons : c’est la même chose. »
Pascal Quignard
Vie secrète
Gallimard, 1997
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samedi, 03 septembre 2016
John Taylor / Caroline François-Rubino, « Hublots »
« ouvrir le hublot
ta main dans le vent
aussi sûre que n’importe quel œil
pour ce qui doit être vu
°
nulles pensées
de la fin
sauf celle-ci
°
ayant laissé
tout
derrière
la source bleue
°
contre le sommeil
tu scrutes au-dehors
du cercle céruléen
entouré
de bleu nuit
°
ces hublots
cette montagne
sur laquelle tu te souviens d’eux
ce gris qui bruine
sur les versants
sur la mer »
John Taylor
Hublots / Portholes
Peintures de Caroline François-Rubino
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Françoise Daviet
Bilingue
L’œil ébloui, 2016
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jeudi, 18 août 2016
Hermann Lenz, « Le Promeneur »
© : Isolde Ohlbaum
« Il pensa à ses livres, dans lesquels il avait décrit ce qui était important pour lui et qui passait maintenant pour démodé, sans doute parce que les gens dont il parlait avaient été écrasés ou se sentaient écrasés, tandis qu’on ne lisait partout que révolte, agressivité, esprit de contradiction. Ce dernier mot, aufmüpfig, était un mot nouveau, en tous cas il ne l’avait jamais entendu, peut-être parce qu’il venait d’Allemagne du Nord*. Et il pensait que si les gens se comportaient de cette manière, cela voulait dire : nous allons bien. Quant à lui, il n’avait pas de raison de se lamenter dès lors que les autres allaient bien ; pour le reste, il constata encore une fois avec étonnement qu’il n’avait besoin de rien ou que, étrangement, il ne souhaitait même pas la gloire. Certes, ce n’était pas tout à fait ce qu’il fallait, devoir sans cesse marcher en pensée sur un chemin étroit dont les pentes à droite et à gauche étaient à pic. Mais il ne rencontrait personne et il était content d’être seul. Seul avec les gens venus de ses livres et des confrères morts que tu rencontrerais volontiers. Et tu as la chance de ne pas devoir vivre seul.
Et il pensa à Hanne, dite aussi Hanne-la-Bien-Aimée, et à l’éditeur Bachem, là-bas à Cologne, celui qui imprimait ses livres. Ces deux-là tiennent à toi. Et puis les gens de l’Association des Écrivains bien disposés à son égard, car ce n’était pas la peine de s’occuper des autres, il s’étonnait parce que, de temps à autre, quelqu’un était toujours apparu pour lui rendre courage, parfois même un critique, car il était publié, malgré tout. »
Hermann Lenz
Le Promeneur
Traduit de l’allemand par Michel-François Demet
Rivages, 1988
* Les lexicographes allemands en situent l’apparition en 1972 dans un journal populaire suisse.
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jeudi, 11 août 2016
Jean de la Croix, « Chansons entre l’âme et l’époux »
« Au profond du cellier
de mon ami j’ai bu, et je sortais
parmi cette vallée
et plus rien ne savais
ayant perdu le troupeau que j’avais.
Là mon cœur m’a offert,
là, exquise science m’a enseignée,
et à lui toute entière
moi je me suis donnée,
là j’ai promis d’être son épousée.
Mon âme est employée
ainsi que tout mon bien à son service,
de troupeau n’ai gardé
et n’ai plus d’autre office,
car dans l’amour j’ai mon seul exercice.
Si donc en nos pâtures
nul ne peut plus me voir ni me trouver,
vous me direz perdue,
car d’amour emportée
j’ai voulu me perdre et me suis gagnée. »
Jean de la Croix
Cantique spirituel
Traduit par Jacques Ancet
in Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Œuvres
La Pléiade, Gallimard, 2012
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lundi, 08 août 2016
James Sacré, « Des pronoms mal transparents »
© : Brigitte Palaggi
« Je sais mal comment la rêverie arrondit un vert en forme de pré ; on irait dedans avec une allure de promenade ou bien c’est qu’on serait venu voir comment les châtrons profitent. On fait les maniements pas forcément d’un toucher sûr, mais ce qui compte c’est plutôt l’ombre des arbres qui grandit en cette fin de dimanche et la couleur des luzernes, celle du voisin est bien fournie. Un peu plus tard une perdrix appelle.
Une joue pense au volume du temps : le cœur vivant, la mort, est-ce que c’est pas comme un peu cette solitude autrefois, silence, en l’après-midi d’un dimanche perdu entre des buissons ?
[…]
Quelqu’un voulait dire c’est la solitude, ma solitude.
Mais c’est la solitude à personne seulement le temps qui,
Un dimanche, et la lenteur.
Quel souvenir est-ce qu’on entendrait sinon
Un bruit qui revient dans quelques mots
Dans un cœur défait ? on se demande.
Le temps est là toujours tout seul.
Quelqu’un veut dire et c’est personne sauf
Comme un sourire qu’on mélange un peu à la misère, pas bien. »
James Sacré
Une petite fille silencieuse
André Dimanche, 2001
repris in Figures qui bougent un peu
Préface d’Antoine Emaz
Poésie / Gallimard, 2016
11:46 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : james sacré, une petite fille silencieuse, andré dimanche, figures qui bougent un peu, gallimard