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Édition - Page 48

  • Jacques Roman, « Le dit du raturé »

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    Jacques Roman (& une amie), Fribourg 2 août 2015

    © Sophie Chambard

     

     

    « L’acte de raturer grave un choix qui fait de l’écarté une réserve, un coulé au sédiment précieux, une mémoire au fond de l’œil confiant.

     

    Le mot ultime, le plus souvent vient après la rature. Ce ne sont pas les mots qui manquent, c’est le respir là où l’on étouffe adresse perdue, le respir retrouvé dans la rature, élégante ou rageuse.

     

    C’est taillis, fouillis, où la plume à la main se fraye une piste. Il arrive que ce combat-là soit déjà perdu avant qu’engagé, que cette rature soit d’impuissance, qu’elle ne soit que le geste infantile d’un homme incapable de raturer en sa vie, raturer le faux geste, la fausse parole, les lâches ambiguïtés, incapable d’arracher l’épine sous la peau comme le mot de travers dans la ligne. Cet homme-là n’écrit plus. Il divague, brode, spécule, rejoint la horde de ceux pour qui le verbe est pan de décor.

     

    L’homme qui ne se confie plus à la rature, au brouillon, enjolive qui croit pouvoir faire taire la question de l’écriture. Il noircit en vain, contre elle, du papier.

     

    Étrangement, c’est dans le geste de raturer que cette question reste vive. C’est dans ce geste qui dévoile l’empreinte de la recherche que l’écriture donne à voir sa responsabilité au-delà même de son objet. La rature nous outille en quelque sorte face à ce que nous nommons avec ce louche respect des conquérants : l’esprit. Qui oserait penser pouvoir retourner la question de l’écriture contre elle-même quand celle-ci ne se plie qu’en minant la certitude, qu’en débornant, se nourrissant de chair, le champ de la liberté. »

     

    Jacques Roman

    Le dit du raturé / Le dit du lézardé

    Isabelle Sauvage, 2013

  • Sergueï Essénine, « Poèmes 1910-1925 »

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    « Par les soirs bleus, les soirs de lune,

    Autrefois, j’étais beau et jeune.

     

    Et sans pouvoir s’arrêter tout est

    Passé pour ne jamais revenir…

     

    Yeux délavés, cœur refroidi…

    Ce bonheur bleu ! Ces nuits de lune !

    4 / 5 octobre 1925

     

    *

    Pauvre plumitif, est-ce bien toi qui composes

           Des chansons à la lune ?

    Depuis longtemps je me suis refroidi devant

            Le vin, le jeu, l’amour.

     

    Cette lune qui entre par la croisée

    Verse une lumière à vous crever les yeux…

    La dame de pique j’ai levé

    Pour jouer enfin l’as de carreau.

    4 / 5 octobre 1925

     

     *

    Au revoir mon ami, au revoir.

    Mon cher, tu es tout près de mon cœur.

    Cette séparation prédestinée

    Promet bien une rencontre à venir.

     

    Au revoir mon ami ; ni

    Poignée de main, ni un mot,

    Ne va pas t’affliger ici, –

    C’est que vivre n’est pas nouveau

    Et mourir, il est vrai, non plus. »

    1925

     (Dernier poème d’Essénine, écrit le jour de sa mort, avec son sang)

     

     Sergueï Essénine

    Poèmes 1910-1925

    Traduction du russe & postface Christian Mouze

    Avant-propos d’Olivier Gallon

    La Barque, 2015

  • Vasco Graça Moura, « L’ombre des figures & autres poèmes »

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    Le métier de mourir

     

    « j’imagine ainsi la mort de pavese :

    c’était une chambre d’hôtel à turin,

    assurément un hôtel modeste, à une ou deux

    étoiles, s’il avait des étoiles.

     

    un lit de bois, au vernis écaillé,

    grinçant de rencontres fortuites, un matelas mou et humide

    avec un creux au milieu, comme toujours.

    le mois d’août s’écoulait avec sa terre sombre

     

    encrassant les rideaux, rien n’allait exploser

    en ce mois d’août à cette heure de l’après-midi

    à la lumière douceâtre. et quelqu’un avait mis

    trois roses en plastique dans un vase vert.

     

    je vois comment pavese est entré, il a négligemment

    posé sa valise, plié quelques papiers

    et enlevé sa veste (comme dans les films

    italiens de l’époque), puis il est allé aux toilettes

     

    dans le couloir, au fond, peut-être a-t-il pensé

    que cette vie n’est qu’une pissée ou que.

    il est revenu dans la chambre, il y avait

    une âme fétide dans tout ça.

     

    il a ouvert la fenêtre

    et demandé la ligne.

    la nuit tombait peu à peu sans paroles, et même sans klaxons

    intempestifs, il a rempli un verre d’eau. et il a attendu.

     

    quand le téléphone a sonné, il n’y avait pas grand chose

    à dire et il avait déjà tout dit :

    il avait déjà dit combien l’amour nous rend

    vulnérables ; et misérables, anéantis ;

     

    et qu’il faut de l’humilité, non de l’orgueil ;

    et puis cesser d’écrire ;

    que c’est ce dénuement qui nous tue.

    c’était plus ou moins ça — notre condition

     

    trop humaine, la voix humaine, la fragile

    expression de tout ça, une fermeté tendue :

    “et même de toutes jeunes filles l’on fait”,

    elles avaient des noms obscurs et pas le moindre

     

    remords lancinant, personne pour parler d’elles.

    ce que l’on redoute le plus c’est le courage

    de ce qui pourrait sembler facile : tout ce que l’on n’a pas dit,

    lourd d’un seul coup de soudaines frontières.

     

    c’était plus ou moins ça. je ne sais pas si après

    il a mis sur la porte un écriteau

    avec do not disturb ou quelque chose de semblable,

    ni s’il a pris les cachets un à un ni s’il les a comptés.

     

    je ne sais pas si c’est une servante qui l’a trouvé,

    si la police est venue aussitôt, s’il a laissé une lettre

    à son meilleur ami, s’il a éteint la lumière,

    s’il a posé près de lui son portefeuille, sa montre, son stylo.

     

    je ne sais pas s’il est entré dans la mort en homme qui a

    des images insupportables dans la tête,

    des mots martelés du désir, ou en homme qui se tient froidement

    de l’autre côté du sommeil, et va se taire, et a raison.

     

    je ne sais pas si ça s’est passé de la sorte, s’il existe une autre

    vérité imaginable ou interdite, mais je sais qu’il avait

    un regard décidé, une instigatrice, et quarante-deux ans.

    et je sais qu’à cet âge il n’est plus guère de vérités

     

    et nulle dimension biographique dans la mort.

    c’est déjà dans les écritures. je préfère

    dire qu’il a fermé la porte à clef

    et je sais qu’il était viril dans sa transparence. »

     

     

    Vasco Graça Moura

    L’ombre des figures & autres poèmes

    Traduit du portugais par Michelle Giudicelli

    Préface de Marc Blanchet

    L’Escampette, 1997, rééd. 2002

  • Christian Garcin, « Vétilles »

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    Poitiers, mai 2013 – 20 ans de L'Escampette – © Sophie Chambard

     

    « Ce qui manque à la plupart des écrivains qui m’ennuient ou m’indiffèrent, c’est le sentiment de la nature – l’appréhension directe, physique, de la nature dans sa sauvagerie, son altérité, sa puissante étrangeté. Pas en tant que cadre strict du récit (cela importe peu), mais en tant qu’ombre portée sur leur imaginaire, et créant un halo, une épaisseur, une espèce de densité dont leurs mots se trouvent dépourvus.

     

    *

    La vieillesse. Le temps qui file. Je vois ma mère ou C. par exemple, et me dis qu’un jour il va falloir s’occuper, en plein chagrin, de sordides affaires de succession, de meubles et d’objets à caser ici ou là. Mais je me vois moi aussi en train de vieillir, parfois j’ai l’impression d’être mon grand-père, je suis un vieillard, mon corps s’affaisse, se ramollit, je ne fais rien pour lutter contre cela. D’autres fois je me sens proche de l’âge de Clément, je sors à peine de l’adolescence, il faut croire que je ne sais plus très bien où j’en suis. Mais de plus en plus je ne peux m’empêcher de vivre le présent comme s’il s’agissait d’un passé, comme si je le voyais depuis un futur non précisé, comme si j’en portais déjà la nostalgie. C’est ce même mouvement, mais inverse, qui fait que je vois parfois mon passé comme si j’y étais à présent, comme si je pouvais aujourd’hui m’y projeter et l’éclairer de ce qui par la suite s’est déroulé. »

     

     

    Christian Garcin
    Vétilles
    L’Escampette, 2015

  • Emmanuèle Jawad, « Plans d’ensemble »

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    « il est une fois, une amorce d’histoire dans une suite d’entames,

    dans le préambule, le récit épuise les possibilités de séjour,

    la résolution des fractures, une abrogation des ruptures,

    le territoire dissout ses marques, l’absorption partielle des traces,

    la suggestion d’un mur à l’endroit d’une ligne discontinue des fragments

     

    une marche sur un territoire, une organisation informelle couvre

    un temps vacant, un rythme peu soutenu, l’ouverture de temps morts,

    il remet au jour suivant la photographie de la veille, Anna dans l’embrasure

    des portes, un espace – temps mental affleure à chacun des seuils,

    le basculement de poignées sur des pièces vides

     

    il dresse les cartes qu’il replace dans des répertoires historiques,

    les tentatives d’un franchissement, une litanie,

    en place, une éclosion de plaques commémoratives sur le tracé »

     

    Emmanuèle Jawad

    Plans d’ensemble

    Propos2 éditions, 2015

  • François Jacqmin, « Prologue au silence »

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    « Commencer,

     

    c’est-à-dire,

    s’écarter du sujet.

     

    *

     

    Il faut cueillir modérément :

     

    Une pensée de trop,

    et le bouquet

    vous arrache des larmes.

     

    *

     

    Mon effort

    consiste à maintenir intacte

    la sensation de l’inexplicable,

     

    comme un équilibre

    durement conquis. »

     

    François Jacqmin

    Prologue au silence

    Coll. Clepsydre, La Différence, 2010

     

    Merci à Lambert Schlechter qui ce matin, à Wellenstein, m'a fait découvrir cet auteur & ce livre essentiels.

  • Lambert Schlechter, « La théorie de l’univers »

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    « XXXV

     

    la vie est venue et avait tes yeux

    j’écrivais ces mots, j’étais si heureux

     

     c’est le jour où le voisin est venu

    avec la scie pour couper la glycine

     

    c’est un énergumène hébété

    tout bossu d’âme et tout manchot de cœur

     

    c’est une mauvaise herbe qu’on arrache

    et qui se décompose à vue d’œil

     

    voici la cascade des métaphores

    la chute la culbute le naufrage

     

     

    CXII

     

    l’Aimée qui ne veut plus être amante

    et l’amante qui veut être aimée

     

    c’est une histoire cassée, j’en ramasse

    les débris, sans pouvoir les recoller

     

    désir, curiosité — même geste

    ouvrir le livre comme ouvrir la femme

     

    grammaticalement ce qu’on appelle

    le futur posthume : tu m’auras aimé

     

    un jour d’été sans que je m’y attende

    j’ai reçu un avis de désamour »

     

     Lambert Schlechter
    La théorie de l’univers,
    distiques décasyllabiques
    Éditions Phi, 2015

  • Caroline Sagot Duvauroux, « ’j »

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    « Les anémones bleues délivrent des bourdons noirs. On est parti du cœur. Y retourne-t-on ? Aider quelqu’un aiderait. On s’est trahi pour ramasser une forme, on a trahi la course, ravi. C’est l’amour qui accomplit la beauté. Au cœur. On vit tout ce qui fut vécu par d’autres. On se nomme encore quelle bizarrerie. On ne sait plus lire. On voudrait dire je ne sais plus lire mais d’où vient que je puisse l’écrire. On est trop vieux des yeux, des yeux à la pensée, trop vieux. Les anémones bleues s’installent dans les yeux. On pense. Ça ne concerne pas les yeux.

    Rejoindra-t-on le cœur ?

     

    Le cœur tout noir est un bourdon. Très doux. On voudrait dire je le délivre, regarde. Oui, regarde on voudrait dire mais on ne dit rien à cause du maître chien. Alors sèchent des amours tout autour d’ici là. Là c’est un bulbe, sûr, mais combien de temps faut-il considérer les fanes, ici ? D’ici là s’emplit de faneries qu’en fera-t-on. Plier, déplier, tapisser, le ciel, un bout, un mouchoir touche au fond du puits, touche le fond par rien entre, on voit le nandina sur le bord. Joli feuillage. On entend qu’un souffre à l’épaule et puis qu’il meurt. On ne va pas parler de ça qui n’aide pas. Une peinture légère aiderait. Qui vous a posé sur le monde avec cette pensée compliquée, le rire si facile ? On ment c’est constitutif on ne peut tout de même pas avouer parce que l’aveu n’importe pas, l’aveu si, mais la chose à avouer pas du tout. »

     

     Caroline Sagot Duvauroux

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     Unes, 2015

  • Jean-Paul Klée, « Manoir des mélancolies »

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    Lac gelé

     

    « Corps déjà vieux mal aimé de moi comme s’il avait peu de réalité car si mal vécu par la famille je ne me suis jamais opposé ni donc entièrement construit : j’étais posé là comme abandonné repoussé nul ne m’a remarqué remué parfumé ni entrepris travaillé entouré REMORQUÉ amélioré encouragé. Grandi tout seul j’ai poussé mon raciné vers le fond de moi & sans l’atteindre jamais j’ai renoncé m’étendre largement socialement car c’est le Vertical qui m’a mobilisé oui le réseau du sociétal ne me plaisait qu’à moitié je l’ai tenu loin de moi Comme si j’étais jamais sorti tout à fée d’une bulle de savon qu’à dix douze ans je me fis car la vie hors d’elle ne se concevait pas. Cette bulle me protégea des coups & du vilain climat où nous végétions rue des Sœurs jusqu’à 1963 Et depuis lors je n’ai pas quitté cet abri-là il est devenu quasi ma deuxième peau Je survis là-dedans & cet inconfort étonnant m’a  fait produire cinq ou sept mille feuillets !… Ah si le lac gelé un jour fondait sous mes pieds Si la marquise glacée s’en allait de moi dans quel trou noir je tomberais ?… l’enfer ou paradis ?… »

     

     Jean-Paul Klée

    Manoir des mélancolies

    Andersen, 2014

  • Jean-Pierre Chambon, « Tout venant »

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    « Quel délicieux petit plaisir

    de retenir

    dans la zone floue

    où n’ont pas encore

    pris corps les mots

    le moment d’écrire

    * * *

    Écrire

    non tant pour éclaircir

    que pour creuser encore

    dans l’obscur

    où les mots enfoncent leurs racines

    * * *

    Cette ombre de fumée

    qui en rapides volutes ondule

    sur la blancheur du mur

    est-ce pensée des morts

    cette chaine immatérielle

    dont le vent disjoint

    les anneaux silencieux

    * * *

    Les mots

    dans leur ombre insensée persiste

    portant l’écho d’une voix à venir

    le rêve d’une langue transparente

    tenue en réserve depuis l’enfance

    qui nous ferait traverser le miroir

    et dirait enfin le secret des choses

    * * *

    Le vieux cerisier au fond du jardin

    a atteint aujourd’hui même

    le degré extrême de la blancheur

    attestant à nouveau l’oracle

    énoncé par l’ermite zen Ryôkan

    le monde

    est devenu

    un cerisier en fleurs »

     

    Jean-Pierre Chambon

    Tout venant

    Héros-limite, 2014

  • Sandra Moussempès, « Sunny girls »

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    © Didier Pruvot

     

    « Cela faisait trois nuits que je faisais le même cauchemar, maintenant même les poètes français parlent de forêts, je sais que c’est l’arbre qui cache la forêt que ce poème ne parlera pas de mes trois cauchemars, on ne parle pas de qui a détruit un sommeil paisible, parfois j’aime aussi lire des poètes qui n’ont rien à subir, rien à éprouver, rien à rejeter, leurs mots se détachent sur la neutralité comme une actrice se doit d’être transparente, une blancheur de la construction qui ne cache rien d’inquiétant on sait seulement qu’on est dans le sixième arrondissement, dans un appartement immense et blanc et que quelques personnes semblent se connaître. »

     

     Sandra Moussempès

    Sunny girls

    Poésie/Flammarion, 2015

  • Michel Chaillou, « Journal »

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    « Mardi 8 décembre 98

    Toujours à la recherche du livre, toujours les mêmes difficultés. J’ai inventé le principe de nonchalance romanesque. Ne pas commencer immédiatement dans une histoire, mais s’en approcher en contant mes humeurs, mes projets. L’approche de l’histoire étant aussi importante que l’histoire, qu’on quitte parfois, qu’on reprend. Dans la clarté des vitres, c’est quelque chose qu’on lit à travers les fenêtres, leur transparence. Voici un début possible :

    “Des amis m’avaient dit : « Si tu viens par ici, n’hésite pas à nous appeler. On te recevra avec plaisir. » J’hésitai, la Bretagne m’intimide, particulièrement sa partie nord à l’ouest de Roscoff, devant quoi la Manche elle-même se saborde. Ils insistaient : « Après tout ce n’est pas un si grand détour, toi qui les aimes. » C’est vrai, je ne suis que détours et chemins de rencontre, néanmoins d’avoir au bout du fil en arrière-plan et sans crier gare cette côte des Légendes a de quoi couper le souffle, etc. Je balbutiai que peut-être en effet. Sait-on jamais où l’été vous mène et je m’étais justement réservé quelques jours…”

    La nuit tombe, je réfléchis. Parviendrais-je un jour à vraiment romancer cette aventure ? Tout me paraît difficile, le moindre mot que j’inscris sur la page. Et on me croit un écrivain inventif. Renée à Cochin semble aller mieux. Tout à l’heure j’irai attendre Michèle gare des Antipodes*. Je suis le jouet de plusieurs désirs. Un autre début :

    “Moi, Jeanne Jeune Andersen, j’aimerais conter du moins au papier ce qui m’arriva. J’ai bientôt de l’âge, soixante en réalité. On me dit encore belle, mais mon nez s’accentue et cette bouche naguère pleine de pourparlers…” 

     

    Mercredi 9 décembre 98

    Certains ne comprennent pas que s’approcher d’une histoire est presque plus important. Eux s’engagent tout de suite dedans, moi, pour la Clarté je me défends tout de suite d’y tomber. Il y a là tout un art à inventer, ruses et proximités, lointains et artifices. Temps froid, humide. Il est 13h15. »

     

    Michel Chaillou

     Journal (1987-2012)

     Préface de Jean Védrines

    Fayard, 2015

     

    * Surnom donné par Michel Chaillou à la station Boulainvilliers, sur la ligne C du RER, que son épouse empruntait quotidiennement.