mardi, 19 mars 2019
Jeanne Gatard, « L’esquif »
DR
« La barque lieu permanent
La barque, lieu perpétuel, conque des paroles, engrange, garde le passage de ceux qu’elle a passés.
Bac de toutes les traversées, mémoire de la mémoire. Tamis, elle écope et garde le grand vermoulu, gris de bronze après les siècles de pluie, devenu vert-de-gris de l’Aurige. Le petit corps de gaulois assis fait corps avec ce gris de bronze, autant que le trop petit cavalier sur le cheval archéologique d’Athènes, hors d’échelle.
Ce léger décalage suffit à l’émotion. Le rapport de l’homme à la barque est tel, elle qui n’arrête pas de changer de taille, de David en Goliath.
Elle a des ailes d’Hermès, a pris les flèches de tous les fous. Criblée des trous des balles, c’est la barque mitraillée, devenue légère.
Noire au départ, elle est blanche de tous les regards qui comptaient sur elle. C’est la barque restée ronde, lourde d’oubli. Elle attend ceux qui l’attendent.
Barque de tous les départs, elle n’est plus à quai, a dérivé, courbe dans le gris plomb qui l’entoure. De plomb, l’eau est devenue gypse et mercure.
Sur le mercure liquide, elle prend tous les risques, glisse, portant ses passagers.
Les flèches blanches ne l’ont pas coulée, elles l’ont aérée.
La perplexité en haute précision a pris la gifle du réel à travers le plan de mer et la multitude de ses pans écroulés.
Là pour un certain temps, un long laps vraiment, la barque recommence sa résonance.
Barque tam-tam, barque tambour, tonneau de Diogène, devenue ventriloque, elle n’est pas loin. Du fond de la conque, chacun raconte ce qu’il a vu.
Barque à trois voix dont les timbres ricochent le long des rivières.
Parfois au bord des larmes, elle inonde de compréhension.
Lieu fixe, elle flotte encore, n’est pas éperdue puisqu’elle est le lieu. Lieu dans le lieu, hors limites et plus fluide, elle s’allège tant elle est concentrée et rayonne dans son ombre. »
Jeanne Gatard
L’esquif
Dessins en couleurs de l’auteur
Tarabuste, 2012
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lundi, 04 mars 2019
Françoise Clédat, « Fantasque fatrasie (une suggestion de défaite) »
DR
« La fable emporte l’amant mort Mort elle l’enveloppe
l’emporte hors de son enveloppement
– Elle-même nue –
Amante nue sans rien qui l’enveloppe désormais
A soi-même réalité de l’amant mort contre qui s’appuyer
Fable sentir brûler
Les derniers
Les plus intenses feux de son identité corporelle
Adorant ce qui d’elle se consume
Anticipe le texte qu’elle brûle d’être
(L’avenir de ce qu’elle vivait n’était pas la réalité dans laquelle ce qu’elle vivait ouvrait un avenir)
Plus qu’à l’amant c’est à la dimension qui la reçoit
Qu’aimant elle se donne
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Bambine et l’amant mort. Bambine et l’amant aimé. L’aimé s’absente : il rend possible et nécessaire la diversité des amants, amants de légèreté, amants de dire. L’amant mort est l’unique. Exclusif. L’amour en lui ne niait pas les amants. Il les tenait plus fort que leur négation qui était celle de ce néant où il ne serait pas. L’inexistence devenait existence : Bambine se battait à mort. Faire l’amour était se battre à mort.
Avait cette nécessité.
De l’avoir eue l’aurait à jamais.
L’amant aimé s’absente. L’amante se voit se perdre en aimant. L’amant mort est réciproque.
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Il fallait foule il fallait fable il fallait forme pour que d’amant mort l’aimé
(Quelle que soit cette forme il l’aurait habitée de si peu la revendiquer)
Il fallait foule
Forme comme glaise d’absence
Qu’elle soit entre des mains
Visage d’aimé
De l’amant mort modelé
(Qu’importe et perdu)
Il fallait ce mouvement d’à genoux qu’entre mains adorantes l’adorer
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
De l’amant aimé et de l’amant mort. Distincts ils ne cessent de se confondre, un a besoin d’autre pour être tout à fait ce qu’il est, mort pour ce qu’il reste l’aimé, aimé pour ce que dans l’amour du mort se fonde sa nouveauté.
Bambine
: “Aller où je n’ose aller. Aimer où je n’ose aimer. Où fait lit et croît est mon corps consenti à la mort.
Vieil invincible à nommer te dérobe – réel
Breuvage
Nourriture
Tant révèle ton corps à mon corps sa soif et sa faim de les combler si bien.
Bambine
: “Ode à mes hommes
Que tendrement j’aime d’être homme et délicat
(aine où je respire)
A fait mon corps accueillant
Quand au bord et
Lieu cet abîme
Tant te jette
– Héros – dans mes bras
Mieux que sur champ de bataille la “belle mort”
: “Ode à mes grecs »
Françoise Clédat
Fantasque fatrasie (une suggestion de défaite)
Tarabuste, 2013
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mercredi, 12 décembre 2018
Peter Handke, « L’histoire du crayon »
DR
« Au sortir de certains films je me suis, un instant, senti un héros ; après la lecture de certains livres, je sais que j’en suis un (et je sais que c’est un devoir qui m’incombe)
Les acteurs japonais (chez Ozu par exemple) savent porter le deuil (sans exemple et de façon exemplaire); ils portent le deuil comme je n’ai jamais vu le faire qu’en rêve; ils sont là, les visages illuminés, et portent le deuil
Grande impression de réalité – c’est-à-dire : d’être dans la réalité – à la simple vue d’un chat qui au loin, saute du haut d’un mur ou de la marque des cheveux sur la buée d’une fenêtre du train. À partit de maintenant, je connais la réponse à la question : “Qu’est-ce que la réalité ?” – la réalité, c’est le chat qui saute du haut d’un mur
Écrire quelque chose dont personne ne pourra demander : “Qu’est-ce que cela veut dire ?” et qui en même temps reste tout à fait énigmatique
Les lecteurs sont des gens forts : ils transmettent la lecture, ils sont ces “quelques opiniâtres”
En écrivant il ne faut pas que j’en arrive à mesurer les mots les uns aux autres – le seul mot juste il me faut l’atteindre sans mots. En écrivant, seule doit parler, mot pour mot, la voix intérieure. C’est la voix du dehors, celle des oiseaux par exemple. Écoute la voix du dehors, c’est la voix intérieure »
Peter Handke
L’histoire du crayon
Traduit de l’allemand par Georges-Arthur Goldschmidt
Gallimard, 1987
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samedi, 29 septembre 2018
Luis Cernuda, « Ombres »
DR
« Ombres
Il était blond et fin — avec un visage d’enfant, ajouterais-je, si je ne me rappelais ses yeux bleus, ce regard de qui a goûté la vie et l’a trouvée amère. Au poignet de sa manche, rouge comme une blessure fraîche, il portait un galon de caporal gagné au Maroc d’où il venait.
Il était sur un char et déchargeait des bottes de paille dorée pour les chevaux qui, impatients à l’intérieur, logés comme des monstres infernaux sous d’énormes voûtes obscures, blessaient les pierres de leurs sabots en secouant les chaînes qui les maintenaient à la mangeoire.
Son air distant et absorbé, dans l’humilité de sa tâche, rappelait le jeune héros d’un récit oriental qui, chassé du palais familial où tant d’esclaves veillaient à satisfaire ses moindres désirs sait se plier à leur travail, sans perdre pour autant sa grâce altière.
*
Il passait au crépuscule, petite tête ronde aux courtes boucles noires, bouche fraîche où s’ébauchait un sourire moqueur. Son corps agile, fort et harmonieux, rappelait l’Hermès de Praxitèle, un Hermès qui eût porté sous son bras replié contre la hanche, au lieu de Dionysos enfant, une énorme pastèque, l’écorce verte et obscure toute veinées de blanc.
*
Ces êtres dont nous avons un jour admiré la beauté, que sont-ils devenus ? Ils sont déchus, salis, vaincus, sinon morts. Mais l’éternelle merveille de la jeunesse reste vivante et, à la contemplation d’un nouveau corps jeune, certaine ressemblance parfois éveille un écho, une trace de celui que jadis nous avons aimé. Cependant, à la pensée que vingt ans séparent l’un de l’autre, que cet être n’était pas encore né quand le premier portait déjà allumée la torche inextinguible que les générations se passent de main en main, une douleur impuissante nous assaille, car nous découvrons, derrière la persistance de la beauté, la fugacité des corps. Ah ! temps, temps cruel, qui pour nous tenter par la fraîche rose d’aujourd’hui détruisis la douce rose d’hier. »
Luis Cernuda
Ocnos
Traduit de l’espagnol et préfacé par Jacques Ancet
Les Cahiers des Brisants, 1987
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vendredi, 05 février 2016
Yang Wan li, « la nuit, buvant »
« la nuit, je bois dans le studio vide et froid
je me déplace pour me rapprocher du poêle gainé de bambou
le vin est nouveau, pressé de ce soir
la bougie est courte, restée de la nuit dernière
un morceau de canne à sucre pourpre, gros comme une poutre
une mandarine dorée, même le miel ne saurait lui être comparé
dans l’ivresse monte un poème
je saisis mon pinceau, impossible d’écrire »
Yang Wan li –(1127-1206)
In Éloge de la cabane
Poèmes choisi et traduits du chinois par
Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 2009
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lundi, 17 mars 2014
Edmond Jabès, « La clef de voûte »
« On dresse l’échafaud dans les jardins du bagne dans le jardin des tire-lires Fière jeune fille que le soleil éloigne
on dresse l’échafaud sur l’absence
Le couperet aux fines aiguilles à coudre la mort
le couperet aux franges de lune pour le sourire du bourreau
Siècle de pendus on dresse l’échafaud pour les retardataires
zébrés de langue-au-chat La vie n’a plus de secret
Seuls les yeux le regard seul attend interroge
On dresse l’échafaud sur l’épouvante de la foule
L’herbe demande à se faire entendre on la repousse
L’herbe sur qui le condamné à mort oublie qu’il va bientôt mourir
Le couperet de houpe d’oiseaux à tourmenter le vent
à poudrer les joues des jeunes épouses du vent
L’implacable couperet aux idylles de sapins de Justice
un monde déchu est suspendu à sa chute
un monde la langue dehors dont les pieds ne touchent plus le sol
et que le vent indifféremment balance
Je me souviens de tous les visages J’ai mis du temps à les reconnaître
aussi longtemps que le jour
On dresse l’échafaud sur l’impatience Le maître avec sa pierre-ponce
frotte les maigres doigts tâchés d’encre des écoliers humiliés
Tu lis je lis des mots d’innocence
que le couperet interrompt
On dresse l’échafaud sur chaque Dimanche
Une tête tombe dans le cahier ouvert
On dresse l’échafaud sur la mémoire du bourreau
sur la mémoire de la vie et de la mort
sur la détresse de l’amour
sur une tresse coupée
sur une coupe
sur un cou
brisé »
Edmond Jabès
La clef de voûte
Imprimé par Guy Lévis Mano en juin 1950. 20 exemplaires sur vélin du Marais et 380 sur vélin, numérotés de 1 à 20 et de 21 à 400. Ex : 306
GLM, 1950
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samedi, 15 mars 2014
Edmond Jabès, « Trois filles de mon quartier »
« I
Trois filles de mon quartier ont abandonné leurs fiancés à la misère ; trois rires, trois étoiles capricieuses. On n’a plus de nouvelles du cœur de la terre. Trois filles de mon quartier ont changé de nom ; leurs fronts brûlent dans la nuit. Trois pompiers, trois scaphandriers, trois amants éperdus, cherchent leurs fiancées. Le poisson et l’oiseau s’en émeuvent, car l’amour est partout. Trois bœufs, trois cailloux, trois trous embarrassent la route. On frappe aux portes que l’on connaît.
VII
Le rire est une jeune femme écartelée sur les routes. La mort est plus adroite. Tu mets le feu au paysage arraché aux paupières : Notre lieu de rencontre. L’histoire est compromise. Quand le monde est rouge les dents ont un éclat particulier ; les tourterelles s’y risquent. Avec toi, tout est simple mais réfléchi. Un fil ténu rattache l’univers à ton poignet. Tout est grave, sauvé, blessé.
XVI
C’était ma douleur blanchie à la chaux. Tu patientes, étendue sur les feuilles recueillies. Il faut pouvoir ressembler au vent. Tu voles. Tu chantes. Je t’aime pour chaque branche.
C’était un sourire sur nos doigts fiévreux. Une étrange silhouette détachée du soir : Elle découvrait, pour nous, le monde. Mais seule tu voyais.
Je te crois, je t’influence, je t’obéis. Un mur nous réunit. Jamais tu n’as le même visage.
XXIV
Les collines ont, aux chevilles, de fines blessures par lesquelles tu peux voir couler le sang de la terre. Toute plante est une plaie ! Rien que douleur mon amour ; mais tes seins déchirés, tes seins pendus aux arbres, c’est plus que l’on en peut supporter. Nos mains s’interrogent au-dessus des victimes, sœurs de l’eau ou du poignard. Les collines tentent d’en appeler aux étoiles. Nos yeux levés leur ressemblent. »
Edmond Jabès
Trois filles de mon quartier
Imprimé par Guy Lévis Mano sur sa presse à 315 exemplaires, soit 15 (1 – 15) sur vélin du Marais & 300 (16 – 315 sur Alfama, plus 25 sur Alfama, signés par l’éditeur & réservés aux amis de GLM. Ex : 220
GLM, 1948
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mardi, 11 mars 2014
Iean d’Indagine, « Physionomie par le regard des membres de l’homme »
De la Physionomie de la bouche, et de ce qu’on doit deviner en la regardant.
Nous exposerons sous vne mesme description la Physionomie de la Bouche et des Levres. Or la Bouche est ou grande ou ouuerte, ou estroite. Celle qui est ouuerte, comme ont communément les Franconiens laffrus, signifie l’homme estre audacieux, temeraire, impudique, menteur, affronteur, superflu, et excessif en toutes choses, bruyant et raillard, et certes ie ne fus jamais nullement deceu en ce signe. Mais au contraire la bouche estroite, denote l’homme secret et posé, sobre, chaste, craintif, et liberal. Quant à la puanteur de la bouche et l’haleine, aussi des dents, nous la laissons aux Medecins, parce que cela est par eux tres amplement et diligemment declaré. On a trouué par expérience cecy estre vray, que ceux qui ont les levres menües ou petites et déliées, sont eloquens et parlent beaucoup, jaseurs, bien prevoyans les choses à venir, prudens et ayans bon esprit et entendement. Ceux qui ont les levres tres-grandes, et auxquels pend celle d’em-bas, en sorte que les dents apparoissent, sont lourdauts estourdis, gros sots, ausquels on ne peut rien apprendre, meschans, sales, excessifs en toutes choses, inconstans et mauuais. »
Iean d’Indagine
Physionomie par le regard des membres de l’homme — tiré des Secrets merveilleux du Petit Albert— enrichie de figures
30 exemplaires sur vélin du Marais, 1170 sur Alfama, chiffrés de 1 à 30 et de 31 à 1200, et, en plus, 25 sur Alfama marqués de A à Z signés par l’éditeur et réservés aux amis de GLM. Exemplaire 573
GLM, août 1948
L’orthographe de l’édition GLM a été respectée srcupuleusement.
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mercredi, 05 mars 2014
Denis Roche, « Essais de littérature arrêtée. »
« 6 septembre 1980 (samedi). (…) Plus tard, je suis en train de ranger mon bureau. J’ouvre l’une des fenêtres de la verrière et, dans l’infime espace ainsi dévoilé dans la rainure dessous, je trouve un petit papillon de nuit gris, bien étalé, aux larges antennes lancéolées. Il bouge un peu, pas beaucoup. Je le mets dans la paume de ma main et je le laisse tomber au-dehors. Sur fond de verdure des arbres et de rougeur de la grande façade de brique de l’immeuble d’en face, dans l’air calme et tiède, je le regarde choir en vol plané, tournant lentement en décrivant des cercles simples. Il tombe dans la vieille cuvette en fer, reste de ce qui fut sans doute autrefois une brouette et qui sert de barbecue aux ouvriers dans la semaine, pour faire griller leurs côtes de mouton. Je laisse la fenêtre ouverte juste au-dessus, et la nuit tombée, je pense aux cendres grises dans la brouette et au papillon gris posé dessus.
(…) »
Denis Roche
Essais de littérature arrêtée.
Achevé d’imprimer en juillet 1981 sur la presse d’Alin Anseeuw à Catorive, à 123 exemplaires numérotés à la main, à savoir : 103 sur vélin et 20 exemplaires sur bouffant Argentine comportant une photographie originale de l’auteur. Exemplaire 12.
Ecbolade, 1981
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mercredi, 26 février 2014
Laurent Debut, Dado, « Le Sable »
« En dessous de ce ciel
s’ouvre, s’imagine
l’accueil, l’empreinte
d’une phrase morte :
– Vous vous teniez là, ordonnant l’espace et le temps, en ce lieu où se réalise le livre, où le blanc s’est laissé ronger par la lettre, par cette nuit du sens au bout de laquelle nous nous effacions.
Il ne reste rien dans la main
que le sable issu
de sable…
La main dont je rêve
s’avance avec des mots de persuasion,
et s’éclaire du mot
t e r r e. »
Laurent Debut
Le Sable
60 exemplaires sur Rives, numérotés de 1 à 60, imprimés par Thierry Bouchard, signés au colophon par l’auteur, comportant deux eaux-fortes de Dado, signées par le peintre. Exemplaire n° 36.
Brandes, 1981
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lundi, 24 février 2014
Christian Gabriel Guez Ricord — « Lettre à Colette Deblé »
« J’ai habité votre fenêtre, tel pourrait être le début d’une lettre amoureuse ; si elle n’était vôtre, c’était du moins une fenêtre que j’ai habitée une nuit. Quelle chute y attendais-je ? La fenêtre serait le lieu limite de l’attente, celui qu’habitent folie et suicide. C’est pourquoi les fenêtres me fascinent, regards mais aussi abris quand on ne peut ni entrer ni se jeter dans le vide. Un monde qui n’est pas le monde et qui n’est pas non plus le non-monde de la transcendance, voici la fenêtre, lieu d’un vécu imaginaire et parfois dangereux. Ni être ni ne pas être, tel est le cri du fou coincé sur le rebord de la fenêtre et, passée l’anecdote, vos fenêtres sont aussi là pour être des lieux en soi, elles pourraient être les reliures d’un dernier cri comme la patène d’un rouge-gorge.
Je veux célébrer en vous cette illumination d’un ordre qui est à côté, d’un espace différent, ni le haut ni le bas, d’un support qui tente l’impossible de sa situation objective comme définitive et, semble-t-il, soumise à un destin unique et immortel, être ouvert ou fermé. Vous avez peint le lieu de la poésie quand elle se souvient d’avoir bâti une demeure dans les temps, la nue du principe ; et d’y avoir veillé, dans l’attente de quelqu’un, la proximité de la flamme qui, près du lit des chambres, se réfléchit sur la vitre d’un silence improbable, que l’immobile retient comme l’impossible salut des nuits où le soleil ne se lève jamais. »
Christian Gabriel Guez Ricord
Lettre à Colette Deblé
33 exemplaires accompagnés d’une gravure originale de Colette Deblé numérotés de 1 à 33 et 100 exemplaires numérotés de 34 à 133, tous signés par l’auteur, imprimés sur vélin d’Arches par Soulié, Atelier Breteuil à Marseille. Exemplaire n° 15.
L’Atelier Blanc, 1979
Note : Christian Gabriel Guez Ricord a donné à son prénom la forme définitive Christian Gabrielle à partir de 1986
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samedi, 22 février 2014
Emmanuel Hocquard, Raquel, « Du 1er janvier »
« Les champs décolorés et la chaleur aussi paraissaient sans limites.
Sans violence. Jour après jour. Fixant la contrée dans ses habitudes et son isolement.
Comptant les pas.
C’est un murmure loin de l’été.
Dans le froid, un petit feu qui réchauffe mal.
Quand on va tomber de sommeil, le silence sépare du peu de bruit que font ceux qui parlent.
Le costume lui-même devient un accident.
Une étendue vide en forme d’arc-en-ciel.
Emmanuel Hocquard
Du 1er janvier
avec une gouache de Raquel
200 exemplaires sur vélin d’Arches, tous numérotés.
Exemplaire n° 41, avec un envoi
Orange Export Ltd, 1980
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