mercredi, 06 mai 2020
Su Tung po, « Puisant de l’eau dans la rivière pour préparer le thé »
« l’eau vive a besoin d’un feu vif pour bouillir
je me rends au rocher où l’on pêche pour puiser dans l’onde profonde et limpide
avec une grande calebasse emprisonnant la lune, je la transvase dans la jarre
avec une petite louche je remplis la bouilloire nocturne d’eau de la rivière
quand frémit le thé une écume neigeuse se forme
au moment où l’on entend le vent dans les pins*, il faut tout de suite servir
les entrailles desséchées pas encore complètement humidifiées, j’arrête à la troisième tasse
assis, j’écoute dans la ville déserte les coups longs et courts qui annoncent l’heure »
* l’expression « on entend le vent dans les pins » signifie que l’eau commence à frémir — elle est parfois augmentée de « et la pluie dans les cyprès »
Su Tung po (Su Che) — 8 janvier 1037- 24 août 1101
in L’extase du thé — poèmes chinois
Traduits par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 2002
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mardi, 05 mai 2020
Dušan Matić, « Chambre d’hôtel »
« Au cours de la nuit un homme se réveille, soudain, dans une ville inconnue, dans une chambre d’hôtel inconnue. L’homme entrouvre les volets de la fenêtre. La nuit est paisible.
Des pas inconnus.
Pour la première fois, l’homme se voit autre : inconnu.
D’où lui vient ce corps ? La nostalgie qui l’accompagne ? Les passions ? L’homme allume la lampe. Il contemple son corps. C’est la première fois qu’il voit ce corps. Il marche. Il voit son ombre sur le mur.
En quel lieu ? ce personnage ? ce corps ? ces souvenirs inconnus de lui ? ces pensées ? sa stupeur ? Où descend-il maintenant ? N’est-il pas le témoin inconnu, de ces pas, de sa propre chute ?
Plus un bruit.
L’écho des pas inconnus se fait entendre à nouveau. Qui portent-ils ? Où se presse celui qui marche ?
L’homme retourne à ses souvenirs. Aucune trace de souvenir. Ils sont vides, vidés – flacons vides qui auraient pu (qui auraient dû) être pleins. Qui détient l’eau potable du souvenir ? Ne reste-t-il que ces formes vides ?
Seule est réelle cette obscurité autour de lui, autour des souvenirs, autour de ce corps inconnu.
Qui habite ce corps ? Les passions, celle de la nuit d’abord, puis les autres, passions dévorantes qui disparaissent, sitôt présentes. Que faut-il faire ? Que doit-il faire pour éteindre ce feu, celui des souvenirs, des pensées, le feu insatiable des passions.
Au-dehors, le bruit des pas a cessé. C’était donc lui-même celui-là qui marchait sous la fenêtre. Où courait-il ? Pourquoi fuir ? Fuir cette ombre sur le mur, ce corps.
De nouveau, les pas.
Qui donc à son réveil imagine cet inconnu ? Pourtant, l’homme est sans besoins, sans désirs, absent. Où situer cet impossible passé : la vie ?
Ne pas aller jusqu’à cette ombre, là, sur le mur. Ne pas croire à ses pas, à ses désirs, à ses passions, à cette lampe qui le projette là, sur le mur.
Quels témoignages ? Que faire de celui qui ne peut ni ne sait plus dormir ? que faire de cette impitoyable renaissance ?
Sur la rive enfin déserte, il “est” à peine ce corps, cette ombre esquissée, aussi intouchable que son corps, lointaine, qui disparaît dans ce lieu qu’il ne peut ni ne veut circonscrire. À chaque nuit, pour chaque réveil, le démon de sa nuit – plus et moins qu’un homme, plus et moins qu’une ombre. Et ce dernier même, il ne le hait point.
Pour la première fois, l’homme s’est à lui-même apparu – ombre incertaine, l’ombre d’un rêve. Semblable à cette voix, en lui, en moi, proche de moi, la voix d’un autre, en tous cas.
Cela, je l’ai compris tout de suite.
Toujours ce masque, sur le visage, collé à ses tempes. Je marche, porteur de ce masque – et, chaque fois, un masque différent qu’il ne reconnaît pas. […] »
Dušan Matić,
« Chambre d’hôtel »
La porte de nuit – songes et mensonges de la nuit II
Traduit du serbe par André Dalmas
Illustrations de Gérard Titus-Carmel
Fata Morgana, 1973
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lundi, 04 mai 2020
Vadim Kozovoï, « Hors de la colline »
litographie de Henri Michaux
« Entre deux points de douleur, la poésie est la voie la plus courte. Courte tellement qu’à son coup solitaire tombe décapité le temps.
Il reste
Seul mon pin qu’il soit près de ta montagne
les ailes rognées ni ne tourne la tête
limpide est sans cils la merveille citadelle
aux aiguilles des yeux en coulisse de colombe
est-ce au fils de bâtir par vallées décrépites ?
leurs saisons s’enlisent et leur siècle croule…
ériger à nouveau sous l’orage proche ?
les lointains on y touche foules se resserrent…
si tant est vu tordu dilapidé en miettes
filouté flûté tout sauf la limpide
près de la montagne seul mon pin reste
sans tourner les yeux au passé quittes
à scruter quelle merveille et rien tête à dire
rien de plus aux ailes rognées au cimeterre
Ton aile
Aile de hölderlin en détresse flottant par sa propre seule faute d’illimité
d’une faille timide m’a effarouché au point de l’aube l’argileuse fente
car la veille au soir dans les purs-étangs nous avions moi et mioche mon petit
vu un hippopotame tenter ivre noir d’abreuver un cygne plus noir vêtu
fut verdâtre la brute aux souliers tordus qui sous hardes sans indices d’âge
étirait à bleuir craquelées serrant les babines au nuage frissonneux de sang
que son âme à vau-l’eau de s’ouvrir transie pourchassait au loin bouche volcanique
et souffrait de la noire inaccessibilité du bec noir sous la tienne seule en détresse »
Vadim Kozovoï
Hors de la colline
Version française de l’auteur avec la collaboration de Michel Deguy et de Jacques Dupin
Illustrations de Henri Michaux
Postface de Maurice Blanchot
Hermann, 1984
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samedi, 02 mai 2020
Malcolm Lowry, « Deux poèmes »
© Júlio Pomar
« Poème bizarre
J’ai connu un homme sans cœur :
Il dit que des enfants le lui ont arraché
Et l’ont donné à un loup affamé
Qui s’est enfui l’emportant dans sa gueule.
Et les enfants ont fui avec l’instituteur ;
L’animal aussi s’est enfui bien vite,
Et derrière lui, bizarre poursuite,
Titubait encor cet homme sans cœur.
J’ai vu cet homme l’autre jour,
Gonflé d’un orgueil ridicule,
Le cœur remis en place et la mine égayée ;
À son côté, tout radouci, trottait le loup.
Pierres blessées
Parfois l’enfant ne sait pas dire son chagrin,
Mais il entend, le soir, les étranges présages
Qui annoncent aux pierres blessées, à même le sol,
Leur libération, ou il apprend que les pierres
Cœurs brisés, ont parfois l’éclat dur d’un langage.
Le bruit de la mer rugit au vestiaire
— Et un reproche ; mais cela même est rassurant :
Un reproche de moins entre lui et la mort…
Et là, sur le tapis devant la cheminée,
Il regarde l’enfer et voit son avenir
— Qui sait, peut-être une chambre de chauffe ? —
Pourtant l’enfant, je pense, a connu des fous-rires
(On dit que de la vie ce sont les seuls remèdes),
Et puis, n’eût-il pas survécu,
Saurait-il que Rimbaud a connu ces chagrins,
Rimbaud dont l’âge d’homme aussi, comme le sien,
Fut déserté d’amour et privé de langage ? »
Malcolm Lowry
Pour l’amour de mourir
Traduit par J.-M. Lucchioni
Préface de Bernard Noël
Goauches découpées de Júlio Pomar
Coll. Le Milieu, éditions de la Différence, 1976
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vendredi, 01 mai 2020
Charles Cros, « La vie idéale »
Autoportrait de Charles Cros
« à May
Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares,
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,
Où l’on causerait pourtant sans orgies.
Au printemps lilas, roses et muguets,
En été jasmins, œillets et tilleuls,
Rempliraient la nuit du grand parc où, seuls
Parfois, les rêveurs fuiraient les bruits gais.
Les hommes seraient tous de bonne race,
Dompteurs familiers des Muses hautaines,
Et les femmes, sans cancans et sans haines,
Illumineraient les soirs de leur grâce.
Et l’on songerait, parmi ces parfums
De bras, d’éventails, de fleurs, de peignoirs,
De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,
Aux pays lointains, aux siècles défunts. »
Charles Cros
Le coffret de santal — 1873
in « Œuvres complètes »
Jean-Jacques Pauvert, 1964
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jeudi, 30 avril 2020
Alain Veinstein, « De loin »
DR
« De loin, avec l’enfant,
non pas avec les mots.
Enfermé là, comme autrefois,
sans un mot, sans changement.
Nul pas franchi, comme avant,
et ce n’est qu’une partie du jour.
* * *
Personne au commencement.
Cette chambre. Le silence. Impossible
de savoir si le jour est gagné.
Je cherche les mots d’une phrase perdue,
une phrase du temps où je vivais
de mon travail…
* * *
Bien plus tard, je ne sais plus le jour,
pas un mot en retour, le silence,
le poids d’une main
comme jamais l’amour…
Mon enfant (qui peut le dire ?)
c’est possible, c’est donc possible –
même un enfant
dans cette chambre où nous grimaçons
à cause du soleil.
* * *
Ӄvanoui de nous
aux commencements…”
“Je donnerais mon sang
pour mettre fin
au supplice…”
Vers l’absence de soutien,
revenir à la terre, l’étendue. »
Alain Veinstein
Même un enfant
Le Collet de Buffle, 1988
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mercredi, 29 avril 2020
Franck Venaille, « Pour en finir… »
DR
Pour en finir, jamais souvenir d’enfance ce
Garçon au tablier noir est-ce vraiment moi ?
Pour en finir il faudrait que la faute, enfin,
Soit reconnue telle : tout cela dans une odeur
Forte de prêtre Le péché sent L’homme en
Noir également N’y touchez pas ! Ne mettez
Jamais plus votre chair contre celle de l’en-
Fant Que vous ne prendrez plus sur vos genoux
Pour finir, en terminer à jamais avec vous.
* * *
Nos blessures intimes demandent à s’asseoir près de
Nous sur le banc, avec une sorte de tristesse avide
Un besoin mélancolique de partager le chagrin du
Temps Que pouvons-nous pour elles ? Que faut-il
Leur dire ? Comment ne pas être touché par leur
Silence ? Sont-elles à la recherche de l’absolu, là
Où il se trouve ? Bercé par le corps qui souffre, lui,
D’avoir à leur parler comme on le fait avec des
Enfants fiévreux Dans un monde combien las !
* * *
Ô visages égarés sur la route du temps quand
Le corps entier tentait de découvrir qui il
Était vraiment Ô complicité de cette jeunesse
Qui ne fut jamais mienne, combien maladroit à la
Recherche des autres, voués, eux, à l’harmonie
Et moi suffoquant sous les mots serrés en gorge,
Ô gauche, amer, refusant tout contact avec la
Vie généreuse, celle de deux inconnus mêlés
Enlacés, découvrant ensemble les miracles ! »
Franck Venaille
Ça
Mercure de France, 2009
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mardi, 28 avril 2020
Claude Margat, « Chant de l’arbre d’or »
© : les Yeux d'Izo
« Un jour
la bouche a nommé
brume qui jamais ne se lève
l’appui sans parole
le souffle sans image
combien de jours avant
combien ?
Il y eut ensuite
cet autre jour
millénaire de désirs et de peine
entre ciel et sentier
l’herbe gelée sous un vent blanc
et dans les yeux
de longues histoires d’aveugles
Ailleurs
un azur impeccable
laissait suinter sang et sable
présent passé qu’importe
mur de soie ou feuillage d’or
si s’interrompait le murmure des choses
qui en retrouverait la mélodie ?
Le regard va
un autre au sein du même attend
présence de chose
remplace la chose
mais n’en fait rien
Le tourbillon de vent
qui porte l’âme
et fait voler à l’angle du vieux mur
les feuilles mortes
est comme aujourd’hui
celui qui tourne
dans le creux de ta main
il parle
mais qui l’écoute ?
On dit en effet qu’un jour parfois
le temps cesse d’aller
mais est-ce d’aller qu’il cesse
ou de venir
le temps ?
Dans l’âtre tout à coup
le feu s’emballe
au cœur du brasier apparaît
la caverne où naquit
l’immaculé Phénix
chaque mot comme un nuage
avance entre son ombre et son contraire
chaque vivant
vers sa propre absence
Tout au loin
tout au fond de
l’hermétique mémoire s’affranchit
l’écume de la vague où
le rocher commence
à se pencher vers le caillou
l’arbre vers l’air
le ciel vers la terre
la pensée vers son propre suspend
On sait bien qu’il vient de loin
le puissant appel
on sait qu’il vient d’avant
comme un grand vent d’espace et
qu’à l’endroit où l’élan s’épuise et
fait retour sur lui-même
bat le temps juste
le temps qui anime l’aile et porte
la lumière où rien
jamais
n’est encore joué. »
Claude Margat
En marge d’une vie
Préface de Bernard Noël
L’Atelier du Grand Tétras, 2016
en prime, le film consacré à Claude par les yeux d’Izo :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=8&v=KM1MODCix2A&feature=emb_logo
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lundi, 27 avril 2020
Emily Dickinson, « Fais-moi un tableau de soleil »
« Fais-moi un tableau du soleil —
Que je l’accroche dans ma chambre.
Et fasse semblant de me réchauffer
Quand les autres s’écrieront “Jour” !
Dessine-moi un Rouge-gorge — sur une tige —
À l’entendre, je rêverai,
Et quand les Vergers ne chanteront plus —
Rangerai — mon simulacre —
Dis-moi s’il fait vraiment — chaud à midi —
Si ce sont des Boutons d’or — qui “voltigent” —
Ou des Papillons — qui “fleurissent” ?
Puis — omets — le gel — sur la prairie —
Omets la Rousseur — sur l’arbre —
Jouons à ceux-là — jamais n’adviennent ! » 1861
Emily Dickinson
Y aura-t-il pour de vrai un matin ?
Traduit et présenté par Claire Malroux
Domaine Romantique, José Corti, 2008
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dimanche, 26 avril 2020
Jean de la Croix, « Chanson entre l’âme et l’époux 1 à 12 »
« I
Épouse
Mais où t’es-tu caché
me laissant gémissante mon ami ?
Après m’avoir blessée
tel le cerf tu as fui,
sortant j’ai crié, tu étais parti.
2
Pâtres qui monterez
là-haut sur les collines aux bergeries,
si par chance voyez
qui j’aime dites-lui
que je languis, je souffre et meurs pour lui.
3
Mes amours poursuivrai,
j’irai par les montagnes et les rivières,
les fleurs ne cueillerai,
ne craindrai lions, panthères
et passerai les forts et les frontières.
4
Demande aux créatures
Ô forêts et taillis
que mon ami a de sa main plantés,
verdoyantes prairies
de fleurs tout émaillées,
dites si parmi vous il est passé.
5
Réponse des créatures
Mille grâces versant,
en hâte par ces bois il est passé
et en les regardant
son visage a jeté
sur eux le vêtement de la beauté.
6
Épouse
Ah, qui me guérira !
Achève enfin d’entièrement t’offrir,
ne me dépêche pas
d’envoyés pour me dire
ce qui ne peut répondre à mon désir.
7
Et tous ceux-là qui errent
me vont de toi mille grâces évoquant
et tous plus me lacèrent
et me laisse mourante
je ne sais quoi qu’ils vont balbutiant.
8
Mais comment vivre encore,
âme, là où tu vis ne vivant pas,
et faisant pour ta mort
les traits que tu reçois
de ce qu’en toi de l’ami tu conçois ?
9
Pourquoi l’ayant meurtri,
n’as-tu pas soulagé le cœur blessé
et, me l’ayant ravi,
pourquoi l’avoir laissé
sans emporter ce que tu as volé ?
10
Mon tourment, éteins-le
puisqu’à l’apaiser nul ne suffira
et que te voient mes yeux
car tu es leur éclat
et je ne veux les avoir que pour toi.
11
Cristalline fontaine,
si, parmi tes visages argentés,
tu figurais, soudaine,
les yeux si désirés
qui sont dans mes entrailles dessinés.
12
Ami détourne-les,
le vol me prend
Époux
Colombe, reviens-moi,
voici le cerf blessé
qu’au tertre on aperçoit,
qui au vent de ton vol s’aère et boit. »
Jean de la Croix
Cantique spirituel
traduit de l’espagnol par Jacques Ancet
in « Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Œuvres »
édition de Jean Canavaggio
Pléiade / Gallimard, 2012
15:36 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : jean de la croix, chanson entre l'âme et l'époux 1 à 12, jacques ancet, œuvres, jean canavaggio, pléiade gallimard
samedi, 25 avril 2020
Luís de Camões, « Deux sonnets »
« Amour, j’avais perdu toute espérance
lorsque j’ai visité ton temple souverain ;
pour laisser un témoin de mon naufrage,
au lieu de vêtements, j’ai déposé ma vie.
Que veux-tu donc de plus ? Tu as détruit
tous les ravissements que j’ai connus.
Ne songe pas à me forcer la main :
je ne sais retourner en un lieu sans issue.
Voici mon espérance et ma vie et mon âme,
ces doux trophées de mon bonheur passé
autant que l’a voulu la belle que j’adore.
Tu peux, sur ces trophées, prendre de moi vengeance ;
et si tu ne t’es pas encore assez vengé,
contente-toi des larmes que je pleure.
* * *
Être hardi jamais n’a fait tort en amour
et aux audacieux la Fortune sourit ;
car toujours la craintive lâcheté
est un boulet pour une pensée libre.
Ceux qui montent au Firmament sublime
trouvent là leur étoile qui les guide ;
car le bonheur enclos dans l’imagination
n’est que pure illusion, le vent l’emporte.
Il faut ouvrir une voie à la chance ;
nul ne sera heureux s’il n’agit par lui-même ;
les débuts seuls sont aidés par le sort.
C’est être brave et non fou que d’oser ;
celui qui de vous voir aura la chance
perdra par lâcheté s’il ne bannit sa peur. »
Luís de Camões
La poésie lyrique – une anthologie
Traduit du portugais par Maryvonne Boudoy & Anne-Marie Quint
L’Escampette, 2001
Pour fêter l’anniversaire de la Révolution des Œillets,
25 avril 1974
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vendredi, 24 avril 2020
Jean Ristat, « Le Parlement d’amour »
DR
« J’aurai vieilli avant l’âge dans le regard
Des jeunes gens comme un miroir éteint l’ardeur
N’y fait rien quand les loups rôdent par les chemins
Sautent de rochers en rochers ou bien se terrent
Dans les cavernes immobiles l’œil mauvais la
Bouche pour mordre lorsque passe un enfant pâle
Et solitaire je poursuis ma route sans
Savoir où la nuit m’emporte j’attends le dé
Nouement à qui parler quelle épaule où crier
Je n’entends que le vent dans les pins sa chanson
Triste et monotone comme un air démodé
Demain peut-être il fera jour demain peut-être
Nous ne mourrons pas nous oublierons le malheur
Il y aura dans les verres un vin d’italie
Des palmes pour l’amour et dans la tête des
Cloches comme à pâques la volée bourdonne
Pour croire encore au printemps nous n’aurons plus peur »
Jean Ristat
Le Parlement d’amour
Gallimard,1993
16:21 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : jean ristat, le parlement d'amour, gallimard