vendredi, 20 décembre 2019
Mareille Macé, « Ce besoin d’installer sur terre ce que l’on a rêvé. “Compagnies de Mathieu Riboulet” »
« Encore. Voilà un mot plein de ressources ; on pourrait dire que c’est le temps lui-même, le temps de la vie même : il désigne ce qui a tenu jusqu’à maintenant, et ce qui se soulève de nouveau, ce qui aura toujours à se soulever de nouveau. “Encore”, cela veut dire que ça aura tenu jusqu’à cette heure : la vie se sera poussée en nous “comme un vaillant petit cortège”, la vie aura tenu jusqu’à maintenant, la vie se sera éprouvée en nous jusqu’à maintenant, la vie qu’on n’abat pas. Mais cela veut dire aussi qu’on n’a jamais vécu une bonne fois pour toutes ; que toujours ça se resoulève, ça doit se resoulever, se remettre en selle. De nouveau. Allez ! encore une fois. “Encore” est certes le mot de la lassitude : et allez, encore ! C’est le mot de la fatigue à recommencer, à avoir à recommencer. Travailler encore, supporter encore l’avalanche des deuils. Mais “encore” est aussi et surtout le mot du désir, du désir forcément infini ; car aimer, c’est vouloir encore, en vouloir encore. C’est le mot des amants, et c’est le mot des enfants : encore ! qui ne voient pas pourquoi un bonheur ou un plaisir devrait s’arrêter – et ils ont raison. Encore est le mot de l’infini dans les choses, des choses qui n’en finissent pas, qui s’infinissent toutes seules ou qu’on doit infinir. Comme la joie, comme la lutte. “Nous deux encore” donc, mais aussi et encore nous tous, nous tous constitués par le désir de bâtir, de camper en effet sur ces rives, avec les fantômes, de braver ce monde abîmé et d’y faire nos cabanes, puisque décidément “notre besoin d’installer quelque part sur terre ce que l’on a rêvé” ne connaît pas de fin. »
Marielle Macé
« Ce besoin d’installer sur terre ce que l’on a rêvé »
in « Compagnies de Mathieu Riboulet »
Verdier, en librairie le 9 janvier 2020
https://editions-verdier.fr/livre/compagnies-de-mathieu-riboulet/
40 ans de Verdier
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jeudi, 19 décembre 2019
Carl Rakosi, « Le vieil homme »
DR
« D’abord les poils
poussèrent plus épais sur la poitrine
et le ventre
et les cheveux plus fins au sommet
de son crâne.
Puis le gris apparut
le long du côté droit
de sa poitrine.
Un jour il regarda
dans le miroir
et vit des poils épais
et gris dans ses narines.
Alors il voulut
admettre
que l’âge était venu.
Le vieil homme
retira son dentier
du verre d’eau
et coupa lui-même
une petite saucisse.
Jeune homme
il avait été si pressé
de vieillir.
Maintenant, il se sentait plus jeune
que jamais. »
Carl Rakosi
Amulette
Traduit de l’américain par Philippe Blanchon en compagnie d’Olivier Gallon
Suivi d’un entretien avec l’auteur
La Barque, 2018
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Carl Rakosi, « Le vieil homme »
DR
« D’abord les poils
poussèrent plus épais sur la poitrine
et le ventre
et les cheveux plus fins au sommet
de son crâne.
Puis le gris apparut
le long du côté droit
de sa poitrine.
Un jour il regarda
dans le miroir
et vit des poils épais
et gris dans ses narines.
Alors il voulut
admettre
que l’âge était venu.
Le vieil homme
retira son dentier
du verre d’eau
et coupa lui-même
une petite saucisse.
Jeune homme
il avait été si pressé
de vieillir.
Maintenant, il se sentait plus jeune
que jamais. »
Carl Rakosi
Amulette
Traduit de l’américain par Philippe Blanchon en compagnie d’Olivier Gallon
Suivi d’un entretien avec l’auteur
La Barque, 2018
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vendredi, 13 décembre 2019
Tonino Guerra, « vendredi 13 décembre 1996 »
« Il y a toujours une journée, dans la vie d’un homme, pour recueillir la beauté du monde. Et même si l’on vit mille ans, ce n’est que la répétition de cette rencontre inattendue. Il y a des papillons qui vivent un seul jour, et ce jour-là contient les fulgurations exquises de tous les désirs. »
Tonino Guerra
Il pleut sur le déluge
Traduit de l’italien par Sophie Royère
La Barque, 2018
https://www.labarque.fr/livres27-tonino-guerra-il-pleut-sur-le-deluge.html
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vendredi, 06 décembre 2019
Pascal Quignard, « Un pied d’homme qui brûle »
photogramme du documentaire L'Europe des écrivains de David Teboul
« C’est ainsi qu’il n’y a pas de fin à nos jours.
Le “fil” de l’intrigue n’existe pas.
Les pistes des grèves, des oiseaux, des arbres, des hommes et des bêtes divergent dans le temps, se brouillent dans l’espace, se perdent dans la mort.
Il me semble qu’à la fin de mes jours, de mes livres, de mes spectacles, à force de se dérouter des routes, de se dévoyer des voies, des sentiers, des sentes, la trace que creusaient mes pas ne se distinguait plus de la forêt elle-même.
C’est le fragment LXXI d’Héraclite : Celui qui oublie où conduit la route arrive sans fin.
Par la bonté de la brume qui monte sous le premier rayon qui en rencontre l’eau et lui adjoint ce peu de tiédeur qui l’échauffe, par la bonté de la rosée qui s’y dépose, se lève l’odeur merveilleuse, chaque matin, de la terre mouillée.
Et sur les bords de l’Yonne la senteur de la vase dans les mousses que la clarté touche, entre les mentes, dans les joncs.
À midi, la terre jusque là humide et noire est redevenue sèche et presque blanche. Je pousse la grille. Le pied nu, en se posant sur elle, la craquèle, la morcèle, la divise, et aussitôt en fait une sorte de poudre. C’est un sable doux qui est tiède sous la plante du pied qui s’enfonce. Puis qui y délivre son empreinte quand il se retire. On lève les yeux. C’est le soleil tout rond, l’étoile invraisemblable à laquelle on doit tout, qu’on ne peut même pas fixer. Héraclite écrit dans le fragment III : Le soleil pas plus large qu’un pied d’homme (podos anthrôpeion).
Notre corps en vieillissant subit une métamorphose qui se fait de plus en plus précise.
Nous sommes comme une photographie qu’on pose sur une flamme.
Nous ne connaissons pas d’autre énigme que la vie elle-même émouvant notre corps. »
Pascal Quignard
La vie n’est pas une biographie
Galillée, 2019
15:25 Publié dans Écrivains, Édition, Livre | Lien permanent
dimanche, 01 décembre 2019
Jean-Claude Pirotte, « La pluie à Rethel »
DR
« Je n’ai jamais réussi à mettre de l’ordre dans ma vie, ou mes vies, et ce n’est pas aujourd’hui, où j’essaie d’en agencer des bribes, que je réussirai. Les lieux et les visages se sont estompés. Rarement, une surface réduite dans cette étendue d’ombre s’illumine, comme, sur une plaine où roulent des nuages bas, soudain un coin de champ, un bout de terre reçoivent l’éclairage inattendu d’un rayon de soleil. Cela ne dure pas, et l’horizon entier se bouche à nouveau. Il faut se contenter de ces clignotements désordonnés ; chercher à fixer une couleur, la forme tourmentée d’un grand arbre, l’ondulation à peine perceptible d’un ressaut de terrain, la lueur accrochée à un toit mouillé, le sillon noir et blanc d’un vol de pie, un cri très éloigné, l’appel perdu d’une voix dans un chemin creux. À partir de ces visions incohérentes, construire est illusoire. On n’invente pas ce qui est mort.
Chercher des images, patience de sourcier. Mais quelles images ? Quelle nappe d’eau fraîche découvrir sous les strates accumulées par l’indifférence universelle ? Je cherche des images, qui seraient mon musée d’Épinal à moi. Musée bien dérisoire. Je me promène dans des salles obscures où je m’arrête parfois, espérant qu’un écran quelque part va s’éclairer, dérouler un film sautillant, suggérer le faux-semblant d’une merveille perdue. Je fais des phrases. Et j’attends d’elle un événement inimaginable, quelque chose comme la résurrection d’une banalité sanctifiée, est-ce que je me fais comprendre ? Je ne me fais pas comprendre. Je regarde le ciel et j’écoute la pluie. C’était un autre ciel, une autre pluie. Non, ce sont les mêmes. Il n’y a que moi qui… Moi ? Rien, il n’y a rien. Le mot rien, le mot vide, le mot néant, encore des mots. Et se colleter avec des mots, à quoi ça peut bien servir ?»
Jean-Claude Pirotte
La pluie à Rethel
Préface de Jean-Paul Chabrier
Luneau-Ascot, 1981, rééd. La Table ronde, coll. La petite vermillon, 2018
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samedi, 30 novembre 2019
Jean Clair, « Paranoïa »
Fresque de Gorgone dans la Casa dei Vettii, Pompéi
« […] Se retourner, réfléchir, relire, reprendre, c’est découvrir la face terrifiante de Méduse, subir son engourdissement qui mène à l’ankylose de la pierre. Rêver, c’est revenir, c’est devenir un revenant et commencer d’habiter chez les morts.
La mort n’est pas devant nous, comme on le croit communément, elle est derrière nous, dans notre dos. Se retourner, c’est découvrir sa face de nuit au cœur de la nuit même, et comme Orphée impatient, ne plus jamais, paralysé, revoir la lumière du petit jour. La mort n’est pas non plus un sac d’os, comme on la voit communément figurée dans les fresques du Campo Santo, une assemblée de squelettes qui s’agitent en une ronde de fête foraine. C’est un masque, immobile et seul.
On dit aussi que les souvenirs douloureux, insupportables, s’effacent avec le temps. La mémoire serait miséricordieuse. On oublierait qu’on a été malheureux. Mais non, il suffit de se retourner – et plus le temps s’avance, plus l’envie de se retourner grandit – pour voir qu’ils sont toujours là, et même on les redécouvre, immobiles, plus graves, plus lourds, plus pesants, avec leur rictus de pierre et leurs crocs prêts à déchirer, pour nous rappeler que cela a bien eu lieu, irrémédiablement, et qu’on ne pourra pas indéfiniment leur échapper.
Lorsqu’on relit un livre, qu’on réfléchit à ce qui a été, qu’on revoit un visage disparu, lorsqu’on s'arrête un instant, tout simplement, pour revenir sur un moment de son passé, de quelle mort est-on menacé dont l’élan du présent, si irréfléchi soit-il, nous protège ? Quel étrange équilibre doit-on conserver entre cette réflexion qui nous fait nous retourner sur soi au péril de la vie et de la démarche hésitante qui nous permet malgré tout de continuer d’avancer, d’écrire, d’aller droit son chemin en quête précisément de cette indicible vérité dont le pressentiment nous paralyse, et qui probablement nous tuerait s’il nous fallait l’affronter.
Croiser le regard de la Méduse, et aller jusqu’à oser lui trancher la tête, c’est alors se donner le pouvoir qu’elle ôte aux humains, celui de figurer, de représenter, d’imaginer ce qui a été et ce qui demeure. »
Jean Clair
Les derniers jours
Gallimard, 2013
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mercredi, 27 novembre 2019
Volker Braun, « Ripaille nocturne avec Su Dung-po (1036-1101) »
« Sur le sol je me repose
De
Ma poitrine coule l’eau
D’où
Sources jaillissant des pierres
L’espoir est insensé
Tout comme le désespoir
Personne ne boit ? Demande le drap :
“Laisse écouler le reste de ta vie…”
J’ai bien trop de sueur
Mais pas assez d’encre
Et salive plus que patience
Pour décrire le monde
Jusqu’à ce que je me tarisse — »
Volker Braun
Poèmes choisis
Traduit de l’allemand par Jean-Paul Barbe et Alain Lance
Préface d’Alain Lance
L’oreille du loup, 2001, réédition : Poésie / Gallimard, 2018
15:19 Publié dans Écrivains, Édition, Livre | Lien permanent | Tags : volker braun, ripaille nocturne avec su dung-po, poèmes choisis, jean-paul barbe, alain lance, poésie gallimard
mardi, 19 novembre 2019
Chen Zu-ang, « Deux poèmes »
Wang Shimin, 1653
« Quittant un ami par une nuit de printemps
La fumée bleue de la bougie d’argent
La coupe d’or digne d’un vin unique.
Sortir vibrant aux luths et aux cithares
Se séparer pour sillonner le monde.
La lune sombre au-delà des grands arbres
La Voie Lactée fond dans le ciel de l’aube.
En route vers Lo-yang — tristesse douce
À quand une soirée de retrouvailles ?
Chanson en montant sur la terrasse de Youzhou
Devant on ne voit pas l’homme d’avant —
Derrière on ne voit pas l’homme d’après. —
Pensant aux cycles infinis de l’univers
La solitude amère et les larmes qui coulent. »
Chen Zu-ang — 661-702
in Ombres de Chine
« Douze poètes de la dynastie Tang (680-870) et un épilogue »
Choix, traduction et commentaires : André Markowicz
Inculte / Dernière marge, 2015
15:39 Publié dans Chine, Écrivains, Édition, Livre | Lien permanent | Tags : chen zu-ang, deux poèmes, ombres de chine, andré markowicz, inculte, dernière marge
jeudi, 14 novembre 2019
Georg Trakl, « Au bord du marais », 3 traductions
« Au bord du marais
Promeneur dans le vent noir ; les roseaux secs chuchotent doucement
Dans le calme du marécage. Au ciel gris
Passe un vol d’oiseaux sauvages ;
Diagonale sur les eaux sombres.
Tumulte. Au fond d’une cabane délabrée,
La pourriture aux ailes noires prend son envol ;
Des bouleaux rabougris gémissent dans le vent.
Soirée dans une auberge abandonnée ; sur le chemin du retour
S’attarde la douce mélancolie des troupeaux qui paissent.
Apparition nocturne : des crapauds sortent des eaux argentées.
Traduction Henri Stierlin
Rêve et folie & autres poèmes
suivi d’un choix de lettres traduites par Monique Silberstein & de Crépuscule et anéantissement par Jil Silberstein
GLM, 1956, rééd. augmentée Héros Limite, 2009
Au bord du marécage
Voyageur dans le vent noir ; doucement murmure le roseau mort
Dans le silence du marécage. Dans le ciel gris
Suit un passage d’oiseaux sauvages ;
Diagonale au-dessus d’eaux obscures.
Tumulte. Dans la hutte en ruine
Bat de ses ailes noires la pourriture :
Des bouleaux atrophiés soupirent au vent.
Soir dans la taverne abandonnée. La douce mélancolie des troupeaux en pâture
Imprègne le chemin du retour,
Apparition de la nuit : des crapauds émergent d’eaux argentées.
Traduction par Marc Petit & Jean-Claude Schneider
Œuvres complètes
Gallimard, 1972
Au bord du marais
Errant dans le vent noir ; dans le calme du marais
Murmurent les roseaux morts. Dans le ciel gris,
Suit un vol d’oiseaux sauvages ;
De biais au-dessus des sombres eaux.
Tumulte. Dans la hutte défaite
S’élève sur ses ailes noires la pourriture ;
Des bouleaux estropiés gémissent dans le vent.
Soir dans la taverne abandonnée. La douce tristesse des troupeaux du pacage
Enveloppe le chemin du retour,
Apparition de la nuit : des crapauds surgissent des eaux argentées.
Traduction Eugène Guillevic
Quinze poèmes
Illustrations d’Étienne Lodeho
Les Cahiers d’Obsidiane, 1981
15:40 Publié dans Écrivains, Édition, En fouillant ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : georg trakl, au bord du marais, henri stierlin, marc petit, jean-claude schneider, eugène guillevic, héros-limite, gallimard, obsidiane
mercredi, 13 novembre 2019
Meng Jiao, « Songe d’automne »
« Le vieillard change du matin au soir
À osciller entre mourir et vivre.
Assis — un peu de vin — il se repose
Couché — mille visions le vide même.
La vue trop faible pour voir à la porte
L’ouïe trop fragile pour percer le vent.
Il est comme sa propre image peinte
Inapte à ressentir la même chose.
Tous les élans se sont finis en larmes
Mais il rêve une mort légère et blanche
Loin isolé de ses amis lettrés
Si proche des ermites des montagnes.
Ici le vert porte le deuil en jaune
Toute trace de vie est déjà loin.
Mais les saisons sans cesse se chevauchent
Mille songes bizarres se mélangent.
Au Sud jadis — léger — devant la mer
Au Nord — ici — pauvre — dans les rocailles.
Vieux souvenirs partis au gré des fleuves
La nostalgie d’un homme à son déclin
Attaché à l’automne du Sung-shan.
La houe ne suffit pas à le nourrir
Les habits de feuillage sont informes
Le tissu de poussière — irréparable.
Qui comprendra les poèmes anciens ?
Cachés dans les bambous démons et spectres
Le fer tranchant transformé en dragon…
Le lettré ambitieux a mille rêves
Mais la misère vient d’un cœur pervers
La poésie mène aux habits troués
Et là — près de mourir — toujours un gosse.
Faire de la musique — pas du bruit
Le bruit rend sourd écarte de la Voie
Ces mots sont un brasier au fond du cœur
On les écrits au sommet des montagnes. »
Meng Jiao, bien que plus âgé, était dans le cénacle de Han Yü (cf. le post précédent), où il avait la place de vieux sage sans aucune ambition politique.Ils ont beaucoup écrit ensemble.
Meng Jiao — 751-814
in Ombres de Chine
« Douze poètes de la dynastie Tang (680-870) et un épilogue »
Choix, traduction et commentaires : André Markowicz
Inculte / Dernière marge, 2015
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lundi, 11 novembre 2019
Han Yü, « Ivre retenant Meng Jiao* »
« Dès le moment où voici des années
j’ai découvert Li Po avec Tu Fu
J’ai toujours regretté que ces deux-là
n’aient pas pu vivre ensemble plus longtemps
Nous sommes nés tous deux dans le même âge
Et nous suivons la voix qu’ils ont suivie.
Toi tu n’as pas de poste tu t’en vantes
fierté bizarre de tes cheveux blancs
Moi je suis plus malin pourtant j’ai honte
Vigne verte appuyée sur un grand pin.
Baissant la tête je te rends hommage
Puissions-nous être la main et le gant
Mais tu ne tournes même pas la tête
Autant vouloir faire tinter la cloche
en la frappant avec un brin de paille.
Je voudrais que mon corps soit un nuage
et que toi tu te changes en dragon
Moi je te poursuivrais au bout du ciel
Et si nous nous quittons pour le moment
c’est là que nous pourrons nous retrouver.**»
* Meng Jiao est un poète, ami de Han Yü. Nous en donnerons une page très prochainement.
** Cette fin est une référence au poème de Li Po, Buvant seul sous la lune, dont on pourra lire, en suivant ce lien, deux traductions.
http://www.unnecessairemalentendu.com/archive/2016/02/13/...
Han Yü — 768-824
in Ombres de Chine
« Douze poètes de la dynastie Tang (680-870) et un épilogue »
Choix, traduction et commentaires : André Markowicz
Inculte / Dernière marge, 2015
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