L'Affiche de poésie en ville
Durant le Printemps des poètes, l'Affiche de poésie n° 49, réalisée par Sophie et Claude Chambard est à voir à Bordeaux, dans des panneaux Decaux.
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Durant le Printemps des poètes, l'Affiche de poésie n° 49, réalisée par Sophie et Claude Chambard est à voir à Bordeaux, dans des panneaux Decaux.
« […] une année jour pour jour après le début de mon voyage, je me trouvai dans l’incapacité quasi totale de me mouvoir, si bien qu’il fallu me transporter à l’hôpital de la capitale régionale, Norwich, où j’entrepris, du moins en pensée, de rédiger les pages qui suivent. Je me rappelle très précisément qu’aussitôt après avoir pris possession de ma chambre, au huitième étage du bâtiment, je devins la proie d’une véritable hantise, me figurant que les vastes espaces que j’avais franchis l’été précédent dans le Suffolk s’étaient définitivement rétractés en un seul point aveugle et sourd. Il est vrai que de mon lit je ne voyais du monde qu’un morceau de ciel blafard s’inscrivant dans l’embrasure de la fenêtre.
À maintes reprises déjà, au fil de la journée, le désir m’était venu de jeter un regard par cette fenêtre d’hôpital bizarrement voilée d’un filet noir afin de m’assurer que la réalité ne s’était pas, comme je le craignais, évanouie à jamais ; à la nuit tombante, il devint si fort qu’après avoir réussi à me glisser par-dessus le bord du lit, moitié à plat ventre, moitié sur le flanc et, une fois au sol, à rejoindre le mur à quatre pattes, je me redressai malgré les douleurs que cela me causait, me hissant à grand-peine, cramponné à l’appui de fenêtre. Dans la posture crispée d’une créature qui vient d’adopter pour la première fois la station debout, je me tins ensuite contre la vitre et ne pus m’empêcher de songer à la scène dans laquelle le pauvre Gregor, s’agrippant de ses petites pattes tremblantes au dossier de son siège, regarde par la fenêtre de sa chambre, avec le souvenir imprécis, est-il dit, de ce qu’il avait du ressentir de libérateur autrefois, du seul fait de regarder au dehors. Et de même que Gregor, avec ses yeux devenus troubles, ne reconnaissait plus la silencieuse rue Charlotte, où il vivait depuis des années avec les siens, et la tenait pour un désert grisâtre, de même la ville familière, qui se déployait des aires d’accès à l’hôpital jusqu’à l’horizon, me paraissait totalement étrangère. Je n’arrivais pas à croire que tout en bas, parmi ces murs encastrés les uns dans les autres, quelque chose pût encore bouger ; j’avais l’impression que mon regard plongeait du haut d’une falaise sur une mer de roche ou sur un champ de décombres d’où les sombres masses des tours de parking surgissaient tels des blocs erratiques. Hormis une infirmière franchissant le misérable espace vert aménagé à l’entrée pour prendre son service de nuit, on ne voyait personne dans les environs. Une ambulance coiffée du gyrophare bleu progressait en bifurquant lentement à plusieurs croisements, du centre ville vers le pavillon des urgences. Le son de la sirène n’arrivait pas jusque là-haut. À l’altitude où je me trouvais, j’étais entouré d’un silence presque total, pour ainsi dire artificiel. La seule chose que j’entendais à la fenêtre, c’était le souffle de l’air et, parfois, lorsque celui-ci s’interrompait momentanément, le sifflement qui ne cessait jamais complètement dans mes propres oreilles. »
W. G. Sebald
Les Anneaux de Saturne
Traduit de l’allemand par Bernard Kreiss
Actes Sud, 1999
“Je suis parfois tenté d’écrire un peu sur ma vie, d’expliquer comment je suis passé d’un roman à l'autre, de raconter comment j’ai grandi. Parce que j’ai l'impression de grandir avec mes romans. Je n’attache pas tellement d’importance au fait qu’ils soient publiés ou non ; l’important, pour moi, c’est de les écrire. Pendant qu’on écrit, non seulement on en apprend beaucoup sur le métier, mais on est aussi au plus près des émotions.”
“Quand il m’arrive de passer une journée sans écrire, je me sens comme si je m’étais habillé sans m’être douché. Quand je n’écris pas je suis envahi par une profonde sensation d’absence et de vide. Quand je n’écris pas, je suis assailli par un terrible sentiment de culpabilité que je n’ai jamais cessé de ressentir.
Mon rythme est infernal : je travaille douze heures par jour. Quand je pars en voyage pour présenter un livre et que je dois donner des interviews et faire tout ce qu’il faut pour en assurer la promotion, je récupère le temps perdu pendant la nuit et j’écris jusqu'à deux ou trois heures du matin. Peu importe que je sois en Allemagne, en Autriche ou en Espagne, que je doive me lever de bonne heure ou que je sois fatigué ; il faut que j’écrive tous les jours, j’en ai besoin pour ne pas me sentir coupable.”
in María Luisa Blanco
Conversations avec António Lobo Antunes
Traduit de l'espagnol par Michelle Giudicelli
Christian Bourgois, 2001
Aucun express
Aucun express ne m'emmènera
Vers la félicité
Aucun tacot n'y accostera
Aucun Concorde n'aura ton envergure
Aucun navire n'y va
Sinon toi
Aucun trolley ne me tiendra
Si haut perché
Aucun vapeur ne me fera fondre
Des escalators au chariot ailé
J'ai tout essayé
J'ai tout essayé
[Refrain] :
J'ai longé ton corps
Epousé ses méandres
Je me suis emporté
Transporté
Par delà les abysses
Par dessus les vergers
Délaissant les grands axes
J'ai pris la contre-allée
Je me suis emporté
Transporté
Aucun landau ne me laissera
Bouche bée
Aucun Walhalla ne vaut le détour
Aucun astronef ne s'y attarde
Aucun navire n'y va
Sinon toi
[Refrain]
Aucun express ne m'emmènera vers
la félicité
Aucun tacot n'y accostera
Aucun Concorde n'aura ton envergure
Aucun navire n'y va
Aucun
[Refrain]
in Fantaisie militaire, 1998
Pierre Bourgeade né le 7 novembre 1927 à Morlanne (64) est mort hier, 12 mars 2009.
TOMBEAU DE PIERRE (MOLINIER)
“Molinier habite un deux-pièces cuisine dans un vétuste et poussiéreux hôtel du vieux Bordeaux. La seconde pièce est celle où Molinier travaille, mange, dort, peint, photographie, développe, tire, agrandit, menuise, forge, etc. Pièce encombrée de tableaux, livres, mannequins, fusils, poupées, couteaux, pinceaux, habits noirs, cravaches, fouets, bottines, bracelets, fers, simulacres. Vastes tiroirs secrets recélant quatre-vingt-trois sortes de condoms. Dans la première pièce, où l'on entre sitôt la porte vermoulue, Molinier entasse, depuis plus de trente ans, tous les détritus non périssables (impérissables ?) de sa vie. Ces détritus forment aujourd'hui (février 73) un tumulus de quelques tonnes, qui grandit tous les jours, et au sommet duquel est fichée une croix de bois noir sur laquelle on peut lire :
PIERRE MOLINIER
1900-19--
L'intention de Molinier est d'écrire, le jour venu, la date qui manque, de se coucher sur le tas de déchets, seul, en souliers de femme, les levrettes fardées, une voilette sur l'épi, et de se tirer une balle dans la tête.”
Extrait de “nocturne” in L'Aurore boréale,
Gallimard, coll. Le Chemin, 1973
Sur Pierre Bourgeade: http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bourgeade
Inventaire/Invention disparaît. C'est grave. D'autres éditeurs, diffuseurs, associations… sont dans des situations plus que précaires, intenables.
Patrick Cahuzac s'ouvre ici sur la façon dont les pouvoirs publics résolvent les difficultés de ceux qui portent la culture dans ce pays.
Chers amis,
Au mois de décembre 2008 et, de nouveau, en janvier 2009, le Conseil général de Seine-Saint-Denis, notre principal partenaire depuis 10 ans, nous a refusé une subvention pour l'année 2008 et l'avance habituelle de notre subvention de fonctionnement, versée en début d'année, pour 2009. Il ne nous a pas été donné d'explication bien claire au sujet de ce désengagement brutal (d'autant plus brutal qu'une convention nous liait jusqu'en 2010).
La gestion de l'association ne saurait être en cause puisqu'en dix ans d'existence, nous n'avons jamais été déficitaires. Il semblerait que l'explication soit à chercher du côté de « la nouvelle politique culturelle » du conseil général de Seine-Saint-Denis, mise en œuvre depuis le changement de majorité politique de cette assemblée, en mars 2008...
Le Conseil général savait parfaitement qu'en agissant ainsi, il nous condamnait. Ce retrait brutal s'est en effet produit au pire moment de l'année, lorsque nos caisses sont vides. Il ne nous laissait aucune chance.
Comme il n'était pas dans les intentions de nos autres partenaires (Drac et Conseil régional) de pallier au désengagement du conseil général de Seine-Saint-Denis, nous avons été contraints de nous placer en cessation de paiement. La liquidation de l'association sera probablement prononcée dans les jours prochains par le Tribunal de Grande Instance de Paris.
Depuis les élections présidentielles de mai 2007, la vie de l'association était devenue difficile. L'État avait réduit son aide de près de 50%. Continuer n'allait pas de soi. Certains savent que je travaillais à peu près bénévolement depuis ce temps dans le but de préserver l'équilibre financier de l'association et de ne licencier personne. C'était précaire mais nous y arrivions. Les ateliers de lecture étaient conduits dans des dizaines de classe, en Seine-Saint-Denis principalement, les livres paraissaient, le site était vivant...
Inventaire/Invention a été une aventure intellectuelle et humaine extraordinaire. Elle a été possible grâce à des hommes et des femmes qui ont aimé ce projet et qui s'y sont reconnus, s'y sont investis, y ont cru. Je les remercie tous et toutes, du fond du coeur.
Patrick Cahuzac
le 9 fevrier 2009
Inventaire/Invention
pôle [multimédia] de création littéraire
Parc de la Villette
211, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris
info@inventaire-invention.com
Nous sommes des livres brefs.
Quelques pages.
De minuscules dos dans la très grande bibliothèque.
Mais la voix, la langue, prennent toute la place et flottent éternellement.
Tout poème est un silence qui n’a pas voulu devenir bavard.
Chaque langue est un sacrifice au silence.
Celui qui écrit se tait, ne se tait pas, jamais.
Dans le livre, la voix est silencieuse.
C’est de la langue qui se fige.
Tous ceux qui écrivent, en regard de la voix, ont la gorge tranchée.
Les enfants lisent à haute voix. Leur index suit les mots un à un.
Parfois ils les brusquent, ils buttent, sautent, enjambent… donnent de la voix, de la gorge, de la poitrine, du ventre, sortent les mots du livre, bâtissent des arches, des ponts, des palais pour la voix, écorchent les mots, remplissent le monde de mots – C’est la langue qui entre ! C’est la langue qui sort !
Personne ne peut voir, d’un coup, les six côtés d’un livre, ni toutes les faces d’une urne funéraire. Tous les deux contiennent de la cendre.
Les cendres de nos livres pèsent-elles plus ou moins que nos cendres ?
Disparu dans l’opacité du langage, nous restons clair comme le bruit de la langue.
La langue d’un ami est le plus doux des tombeaux, on ne s’y ennuie jamais.
Nous n’y avons plus à nous soucier de rien.
Nous n’y avons plus rien à faire qu’à nous laisser bercer, comme dans un nid moelleux, chaud et un peu humide.
Nous n’y souffrons plus, jamais.
Nous y avons la liberté d’un nuage.
Parfois le vent est lent et l’immédiat labile.
(avec des mots, en italique, de Pascal Quignard, Julien Blaine
& Jacqueline Cahen)
Son compagnon, Jean-Pierre, vient de m'apprendre le décès de notre amie Jacqueline Cahen. C'est une terrible nouvelle et chacun qui la connaissait ne peut qu'être effondré.
Poète, et traductrice, Jacqueline Cahen vivait à Paris et à Belle-Île-en-Mer où ses cendres sertont dispersées après une cérémonie qui accompagnera la crémation au cimetière du Père-Lachaise à Paris, le 4 février à 14 h.
Créatrice en 1979 avec Jean-Jacques Lebel de Polyphonix, collectif d’artistes, elle organisait des festivals de poésie-musique-vidéo-performances dans le monde entier. Elle a travaillé et fait de nombreuses performances en France et en Europe, seule et avec des musiciens.
Mer haute Marée descendante
Un autre jour est né
de la dispersion des ordres élémentaires
Après disparition des remous
d'eaux grises
opaques et salées
un ciel immobile s'est installée
couvrant des corps bien au-delà de notre vision
Du point unique où je me tiens
les angles sont nuls
et je sais que les vagues n'atteindront plus mes pieds
D'une lunaison l'autre
l'oubli passe Un frisson
notez-en le pourquoi
(L'écume de mer est un bois dit-on
mais il me semble que l'on ment)
Le ressac vide le sable d'eau
Du bruit toujours Pas
d'oiseaux
Et l'émotion naît d'on ne sait où
in L'immédiat labile, Polyphonix/Nèpe, 2007
Elle a avait publié :
L’immédiat labile, poèmes accompagnés de dessins de Jean-Jacques Lebel, éd. Polyphonix/Nepe, mars 2007
Scènes de crime, éd. ADN, Suisse, 2005
Polyphonix 25 ans, collectif, Flammarion/Léo Scheer, 2004
Les blasons du corps féminin, collectif, Spectres familiers, 1993
Les maux par les mots, avec Marie-Rose Lefèvre, Mercure de France, 1989
Impressions graphiques avec illusion d’optique – Livre-objet avec Sophie Boursat
Chloé Delaume
Dans ma maison sous terre
14x20,5 ; 216 p. ; 17 €
isbn : 978.2.02.098302.0
Éditions du Seuil, coll. Fiction & Cie, dirigée par Bernard Comment.
B5, il y a la mère et le grand-père par-dessus.
Autour de cette tombe, Chloé Delaume bâtit un livre dur et net. Loin des emballements de langue des débuts avec ses deux grandes réussites – les Mouflettes d’Atropos et le Cri du sablier, tous deux initialement aux regrettées éditions Farrago et repris aujourd'hui en Folio –, elle a creusé jusqu’à l’os, jusqu’à la mâchoire, et la langue est à vif, juste, juste avant, juste après, juste maintenant, au présent de la narration.
Un projet : écrire un livre qui tuera Mamie Suzanne, la langue doit bien y parvenir, puisque « je n’ai que l’écriture comme moyen de résistance ».
Elle arpente les allées du cimetière avec Théophile, tout à la fois, compagnon discret, fantôme bienveillant, psychanalyste – quand on est psychotique on ne fait pas d’analyse, on prend de l’Abilify par exemple –, psychanalysé, transfert, écrivain raté… une bonne béquille pour faire avancer le livre, pour soutenir et relancer la narratrice, sur l’air de Scandale dans la famille, l’épouvantable scie chantée par Sacha Distel qui dit le secret qui doit rendre contente : « ton père n’est pas ton père ».
Oui, ici de tombe en tombe, de fantôme en fantôme, de cousine en oncles incertains, Chloé Delaume, construit un roman de la maturité – plein d’humour –, simple, dur car douloureux, une fiction familiale et musicale – on visitera très à propos le site de l’auteur : http://www.chloedelaume.net/ –, où la voix des morts, participe du récit pour interroger notre rapport à la mort et à la littérature.
« J’ai construit mon histoire sur un terrain si vague que sans fouille les fossiles affluent pour me blesser. » Treize tentatives de suicide plus tard, voici Dans ma maisons sous terre, comme un nouveau dialogue possible avec Chloé Delaume.
Photo © www.tierslivre.net/
Hammurabi fut le sixième roi de Babylone. Il régna de 1792 à 1750 avant Jésus-Christ. Il promulga le Code, qui porte son nom, rédigé en akkadien, gravé sur des stèles, érigées sur les places publiques. L’une d’entre elles, découverte en 1901 à Suse, en Iran, se trouve au Musée du Louvre.
Frédéric Boyer les a vu, les a lu, a écrit, puis a lu des versions du texte qui paraît aujourd’hui chez P.O.L devant cette stèle en 2007 et 2008.
Si Frédéric Boyer joue avec le temps et les voix, les tons, il est soldat d’Hammurabi, GI, Hammurabi lui-même… Frédéric Boyer en auteur de ses propres stèles ici déchiffrées patiemment… c’est afin de montrer ce qui, à travers le temps, est identique, procède du même, mais aussi ce qui manque à chacun des temps pour emplir le silence d’entre les lignes.
Le monde a-t-il tellement changé ? Non, certainement pas. Non, il procède toujours du chant, de la litanie, du psaume, de la loi, de la langue qui multiple est unique. C’est pourquoi ici les voix se mêlent en une seule – « Si nous vivons dans la mémoire et dans la mémoire de nos cœurs, et dans la mémoire de nos regards, et si nous vivons dans la mémoire de nos corps comme dans la prison du crâne d’autrui. » – qui, le temps d’une récitation, d’une transe, dit l’hier, l’aujourd’hui et sans doute l’avenir.
Un vrai livre pour commencer l’année, Hammurabi, Hammurabi, si nous te lisons.
Claude Chambard
Frédéric Boyer
Hammurabi Hammurabi
11x16 ; 64 p. ; 10 € ; isbn : 978.2.84682.293.0
PS : paraît du même auteur, chez le même éditeur, dans la même livraison, Orphée, nous y reviendrons
Il neige.
Cela serait encore merveille si, le nez au carreau, regardant voleter puis tomber lentement les flocons, chacun acceptait un instant de ressembler à l'enfant qu'il fut, lequel survit à l'état de chagrin, de douleur parfois :
– J'sais pas ce que j'ai...
sous les traits d'une femme ou d'un homme que ce même gamin, cette même fillette ne reconnaît plus.
Les nuits sont bleues. Laiteuses.
Quelques étoiles s'y noient, qui les déchirent juste avant l'aube, l'éclat soudain tranchant de leur lumière occultant à cette heure presque matinale celle des sapins décorés de guirlandes électriques, fausses bougies et boules multicolores que les commerçants installèrent en décembre aux portes de certains magasins.
La ville s'éveille.
Des cheveux d'ange traînent sur la chaussée.
Les premiers passants les piétinent tout en se demandant pourquoi tant de pères Noël escaladèrent cette année les façades ventrues des immeubles, s'installant bien avant les fêtes aux balcons ou sur le rebord des fenêtres, béats, un peu moqueurs peut-être. Des gens s'apostrophent au moment de prendre place au fond d'un autobus. D'autres :
– J't'attends, bordel !
se contentent des phrases que l'on profère d'un ton brusque maintenant que personne n'échappe à la téléphonie mobile.
Je marche.
Me promène au gré de mes déjà vieilles habitudes.
Traverse l'artère principale, où les tramways font la navette entre les deux quartiers extrêmes qui, l'église, le square ou la poste, les bistrots ainsi qu'une boulangerie sentant bon le pain chaud n'y étaient pas pour rien, eurent des années durant des allures de village.
Neuf heures...
Je croise des personnes âgées – guère plus que toi, Lionel, guère plus que toi... –, des filles rieuses et des mômes, de jeunes adolescents, pardon, qui se moquent de ma trop longue écharpe, ma tête des mauvais jours, ma casquette.
J'ai froid.
Lis machinalement les titres des journaux exposés à la devanture d'une maison de la presse.
À quoi bon ?
À quoi bon répéter ce que tout le monde entend à la radio ? Ce qui vomit ou bave le soir sur les écrans des téléviseurs ?
Une année s'achève. La suivante commence.
Des types crèvent dans la rue.
Ailleurs, mais c'est loin, des enfants meurent sous les bombes : les fleurs d'hiver que l'on cueille à Gaza s'éteignent une à une dans des bouquets de sang.
Lionel Bourg
avec son amicale autorisation
Reçu en ce début d'année ce texte de Lionel Bourg, si beau et si terriblement juste,que je ne puis résister au plaisir de le partager.
samedi 10 janvier 2009 12h-20h
dimanche 11 janvier 2009 12-20h
Chez Maya Anderson et Alexandre Delay à Bouliac
Sur une invitation de Maya Anderson & Alexandre Delay, une proposition de Jean-François Dumont :
travaux de Maya Anderson, Alexandre Delay, Philippe Fageaux, Richard Fauguet, Jean-François Gavoty, Michel Herreria, Emmanuel Hocquard, Anne-Marie Pécheur, Guillaume Poulain, Pierre-Lin Renié, Marjorie Thébault, Juliette Valéry