vendredi, 05 août 2022
Qian Zai, « Séjour au jardin »
« Un mois sans venir,
L’ombre de l’orme et du sophora a déjà grandi.
Sur les murs, de petites plantes poussent,
À la surface de l’étang, les nénuphars ronds sont apparus.
Passant tranquille, je déambule sur les chemins,
Me promenant dans les livres comme au milieu de multiples villes.
Le vent du sud apporte la pluie,
Assis, j’écoute le roucoulement de la tourterelle. »
Qian Zai — 1708-1793
« La dynastie des Qing », traduit par Sandrine Marchand
in Anthologie de la poésie chinoise
Gallimard, La Pléiade, 2015
Zhu Da — 1626-1705
Fleur de lotus et rocher
encre sur papier, rouleau vertical : 132,8x41,2 cm
Musée du Palais, Taipei
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mardi, 01 mars 2022
Yu Xuanji, « Adressé à Zi’an, de l’autre coté de la rivière Han »
Gai Qi, le Caractère poétique de Yu Xuanji (détail), 1825. Musée de la Cité interdite, Pékin
« Au sud du fleuve, au nord du fleuve, regards tristes ;
Amour et souvenirs partagés, à quoi bon chanter ?
Les canards mandarins sur le sable dorment au chaud ;
Les aigrettes oisives volent dans la forêt d’orangers.
Dans la brume, chants et musiques à peine audibles ;
Sur l’embarcadère, clair de lune aux teintes foncées.
Tout près et pourtant si loin est celui à qui je pense ;
D’autant que j’entends au loin le linge être frappé. »
Yu Xuanji — 844-868
in « La dynastie des Tang »
Traduit par Florence Hu-Sterk
Anthologie de la poésie chinoise
Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2015
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mardi, 01 février 2022
Deux poèmes pour fêter l’année du Tigre d’Eau
Kyōsai Kawanabe, Tigre sur un rocher, 8 janvier 1878.
Peinture sur papier, 30,5x122,9 cm. Kyōsai Kawanabe Memorial Museum, Warabi
Wen Zhengming
« Nuit blanche pour accueillir l’an “Xinhai”
Je m’attendris en vain sur l’année achevée cette nuit
Dans cette salle aux bougies allumées jusqu’à demain.
Je ne suis pas triste que l’âge m’ôte mes vieux amis
Mais honteux de me sentir moins avisé que les jeunes.
Je ris de voir l’almanach d’un an neuf remplacer l’ancien,
Éveillé, j’écoute sans me réjouir battre les veilles.
L’encens est éventé, le vin refroidi, les hommes se taisent,
Soudain le premier chant du coq annonce l’aurore. »
Wen Zhengming, 1470-1559
traduit par Martine Valette-Hémery
Yan Hongdao
« Ballade du tigre féroce
Des cafards rongent la paix du pays,
Leur voracité dévaste jusqu’aux tombes.
Les scribes sont soumis aux eunuques,
Ils piquent comme un essaim de guêpes.
Les gouverneurs n’osent pas rétorquer,
Les préfets sont rappelés à la docilité,
Le petit peuple est soumis à la torture,
La terre desséchée est devenue stérile.
Tous les postes de garde et les relais
Sont fournis de biens en abondance.
Même si tout grain de sable était d’or,
Les officiels gagneraient bien davantage.
Les agents des mines sont des bandits,
Leur âpreté au gain n’a pas de fond.
S’ils ne récoltent pas ce qu’ils espèrent
Ils sont comme des sangliers furieux.
La région des trois He et des deux Zhe
Est dégraissée partout jusqu’à la moelle.
Savons-nous si la gale qui nous afflige
Ne deviendra pas un horrible ulcère ? »
Yuan Hongdao, 1568-1610
traduit par Martine Valette-Hémery
in Anthologie de la poésie de la poésie chinoise
Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2015
Chers amis, ces deux poèmes et cette si belle peinture de Kyôsay Kawanabe, pour nous souhaiter une bonne année du Tigre d’Eau, selon le calendrier chinois.
Les poèmes ne sont pas gais, ils datent de l’époque très heurtée des Ming. La nôtre n'est pas très réjouissante non plus.
Je suis triste de voir mes amis mourir et j’aimerais avoir foi en la jeunesse comme Wen Zhengming.
Ne laissons pas les cafards, les bandits, répandre davantage la gale, évitons l’ulcère. Soyons féroce comme le tigre avec nos ennemis et doux avec nos amis.
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dimanche, 08 novembre 2020
Lu Guimeng & Pascal Quignard
Quand le temps ne permet pas, un chinois & une photographie à la rescousse.
Deux poèmes de Lu Guimeng, dans la si belle Anthologie de la poésie chinoise publiée,sous la direction de Rémi Mathieu, à La Pléiade, en 2015. Ici, en bonus, un envoi vers un petit traité de Pascal Quignard – comme on peut le lire sur ma note au crayon –, ”Petit traité X”, Vie de Lu, qui se termine ainsi – ce qui n'est pas rien pour les lecteurs de ce travail à nul autre pareil – : ”Les poissons et les berges, les théiers, les reflets et les eaux regrettèrent sa barque silencieuse.” Bonne lecture.
Les Petits traités de Pascal Quignard, initialement publiés partiellement aux éditions Clivages (entre 1981 et 1984), furent publiés magnifiquement dans leur intégralité à la Galerie Maeght en 1990, et repris depuis en Folio.
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jeudi, 16 juillet 2020
Xiao Gang, « Poème sur des noms de simples »
Paysage, Dynastie des Ming
« La brise matinale fait trembler les fleurs,
Le soleil du soir brille sur l’appontement.
Tout en haut d’une tour une femme esseulée
Au crépuscule pleure sur sa solitude.
La lampe éclaire le lit des plaisirs à deux,
Dans les tentures flotte le parfum du benjoin.
Elle broie un peu d’encre, écrit deux ou trois vers,
Avec de la céruse essaie de se farder.
Elle voudrait tant voir de la fleur d’hellébore
La tige volubile emplir sa chambre vide. »
Xiao Gang ne fut pas qu’un poète à l’œuvre importante, il régna les deux dernières années de sa vie et mourut assassiné. Son œuvre fut longtemps mésestimée, pourtant, entouré par un cercle de poètes, il écrivit beaucoup dans un style très orienté vers les recherches formelles.
Xiao Gang — 503-551
in « Les Six Dynasties (de la fin des Han à la fin des Sui) » — 196-618
Traduit du chinois par François Martin
In Anthologie de la poésie chinoise
Pléiade / Gallimard, 2015
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vendredi, 10 janvier 2020
Lu Yu, « Écrit dans un moment de détente »
« Un vieil homme allant sur ses soixante-dix ans,
En fait, tout pareil à un enfant
Qui cherche en sanglotant les fruits des monts,
Qui suit en éclatant de rire les mimes des villages,
Ravi d’ajouter avec d’autres des tuiles sur le stupa,
Debout, seul, se mirant dans un petit bassin,
Qui prend entre ses doigts un livre usé à lire,
Embrouillé comme s’il allait étudier à l’école… »
Lu Yu – 1125-1210
Traduit du chinois par Stéphane Feuillas
in Anthologie de la poésie chinoise
Pléiade / Gallimard, 2015
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mardi, 27 août 2019
Sima Guang, « Sur les rimes du poème de Shao Yaofu, “Chant des activités dans le nid de la joie paisible” »
« Dans la terrasse magique, libre de toute affaire, chaque jour ouvert et gai,
Paisible et joyeux, revenu à la source, il ne cherche rien au-dehors.
Lorsqu’il bruine et que souffle le vent froid, il reste seul assis,
Et quand le ciel est clair et les scènes sont belles, il randonne à son aise.
Les pins et les bambous ouvrent à suffisance ses yeux noirs,
Et qui l’empêche d’épingler sur sa tête blanchie des fleurs de pêchers ?
Moi qui ai pour mission de rédiger des livres,
Pour vous je volerai un instant et monterai sur le haut pavillon… »
Sima Guang – 1019-1086
« La dynastie des Song du Nord — 960-1127 »
Textes traduits, présentés et annotés par Stéphane Feuillas
Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
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mercredi, 17 juillet 2019
Bao Zhao, « Retour au pays en rêve »
« En retenant mes pleurs, j’ai franchi les murailles,
Mon épée bien en mains aux carrefours déserts.
Des tourbillons sableux volent dans le ciel noir
Et mon cœur esseulé ne pense qu’au pays.
Retrouvant chaque soir l’oreiller solitaire,
Je rêve qu’un instant je m’en reviens chez nous.
Mon épouse m’attend, souriante à la fenêtre
En déroulant la soie sur son métier chantant.
Quel bonheur de conter notre séparation
Avant de retrouver la couche de satin.
Nous coupons l’orchidée, au parfum sans pareil,
Cueillons le chrysanthème, splendeur inégalée.
D’un coffret elle sort l’hellébore odorant,
De sa manche elle tire des herbes fragrantes.
Quand je suis dans mon rêve, il n’y a plus d’espace,
Mais quand vient le réveil un fleuve nous sépare.
En m’éveillant soudain je pousse un vain soupir ;
Quelle détresse alors où mon âme s’envole !
Un vaste flot laiteux s’étale à l’infini,
Les sommets imposants s’élèvent jusqu’au ciel.
Les vagues tour à tour s’en vont et s’en reviennent,
Le vent et la gelée s’accroissent puis déclinent.
Le pays où je suis, ce n’est pas mon pays.
Hélas ! je n’ai personne à qui dire ma peine. »
Bao Zhao – 414-466
Les Six Dynasties ( de la fin des Han à la fin des Sui, 196-618)
Traduit par François Martin
in Anthologie de la poésie chinoise
Pléiade / Gallimard, 2015
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jeudi, 29 novembre 2018
Su Shi, « Écrit pour les adieux de Cen »
Portrait imaginaire de Su Shi par Zhao Mengfu
« Paresse semble souvent pareille au calme,
Mais le calme est-il l’élève de la paresse ?
Maladresse est tout près de droiture
Mais la droiture est-elle maladroite ?
Vous êtes calme et droit, messire,
Naturel et délié au gré des circonstances.
Hélas ! moi, que fais-je encore ?
De vous avoir connu, je tire nouvelles joies.
Je ne vais pas contre le monde,
Nous sommes simplement différents.
Moins habile qu’un pigeon dans les bois,
Plus lent qu’un poisson sous les glaces.
La droiture parfois s’étire et se déploie,
Le calme n’est jamais définitif.
Et moi je souffre de ces maux
Que ne guérissent ni aiguilles ni simples.
Au moment du départ, étonné des alcools si légers,
Et après les adieux, laissé seul dans les larmes.
Nous nous reverrons un jour, c’est certain,
Même si, j’en ai peur, la vie publique nous éloigne.
Je m’en remets seulement au rêve des anciennes collines
Qui vous emmènera dans ma pauvre chaumière. »
Su Shi (Su Dungpo) – 1037-1101
« La dynastie des Song du Nord »
Traduit par Stéphane Feuillas
In Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
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jeudi, 03 mai 2018
Du Fu, « Je cherche des fleurs en marchant seul au bord de la rivière »
« Ne croyez pas que j’aime les fleurs jusqu’à en mourir ;
Je crains de vieillir plus vite si les fleurs sont fanées.
Les rameaux chargés se brisent bien plus facilement ;
Que les bourgeons s’ordonnent pour éclore lentement ! »
Je cherche des fleurs en marchant seul au bord de la rivière est composé de 7 quatrains, celui-ci est le dernier.
Du Fu (Tu Fu) — 712 - 770
« La dynastie des Tang »
Traduit, présenté et annoté par Florence Hu-Sterk
In Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
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mardi, 03 avril 2018
Fan Chengda , « Chantant mes pensées en riant de moi-même »
« Des glaçons glissent de l’auvent, le printemps est encore gelé ;
Mes portes même tard restent fermées.
Je vis retiré et oisif, surpris quand vient un visiteur,
Vieillissant, paresseux, je crains que viennent des missives.
Jour après jour, j’ordonne d’arroser les bambous
Et chaque matin, je prends des nouvelles des pruniers.
Le jardinier certainement rit de moi en secret,
Qui prétend que mon cœur n’est plus que cendres. »
Fan Chengda — 1126-1193
« La dynastie des Song du Sud »
Traduit, présenté et annoté par Stéphane Feuillas
In Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
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jeudi, 01 février 2018
Wang Heqing, « Ode à un papillon géant »
© Sophie Chambard
« Air : “Jour d’ivresse”.
Brassant l’air, il vous réveille en sursaut du rêve de Zhuang Zhou
De ses deux ailes reposant bien calé sur la brise de printemps.
Dans trois cents jardins fameux
Il a sucé tout ce qui pouvait l’être,
Terrorisant l’abeille en quête de fragrances.
D’un petit volettement délicat, tout léger,
Vous l’envoie valdinguer à l’autre bout du pont, la marchande de fleurettes. »
Wang Heqing
« La dynastie des Yuan (Mongols, 1279-1368) »
Traduit, présenté et annoté par Rainier Lanselle
In Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
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