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  • Tao Yuan-ming, « Étudiant le Classique des montagnes et des mers »

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    Tani Bunchō, Tao Yuanming assis sous un saule. Japon, 1812

     

    « c’est le début de l’été, herbes et arbres sont luxuriants

    les arbres feuillus entourant la maison déploient leur ombrage

    les oiseaux se réjouissent d’y trouver refuge

    j’aime moi aussi ma chaumière

    comme j’ai déjà labouré et même semé,

    j’ai du temps pour lire mes livres

    mon allée à l’écart est loin des grandes avenues,

    même les carrosses des vieux amis font demi-tour

    joyeux je bois le vin printanier,

    et cueille des légumes dans le potager

    une pluie légère vient de l’est,

    un bon vent arrive en même temps

    je feuillette les aventures du roi de Chou,

    promène mon regard sur les images des montagnes et des mers

    le temps de baisser la tête et de la relever, j’ai parcouru l’univers

    pour se réjouir que faut-il de plus ?

     

    Tao Yuan-ming – 365-427

    In L’Art de l’ivresse

    Poèmes chinois traduits et présentés par Hervé Collet et Cheng Wing Fun

    Coll. Spiritualités vivantes, Albin Michel, 2014

  • Épouse de Dai Shiping, « Poème d’adieu »

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    Fragment de fresque en stuc polychrome, Dynastie Song, Chine.. DR

     

    « Malgré mon talent et ma sagesse

    Fille de triste destinée

    Je ne trouve aucun moyen de te garder

    Je froisse cette feuille magnifique

    J’y couche mon désespoir et ma détresse

    Le long du chemin les saules dansent

    Ma mélancolie grandit sans cesse

     

    Comment pleurer sur ma mauvaise destinée ?

    Ma vie est détruite

    À cause de ma légèreté.

    Te souviens-tu de nos serments sous la lune ?

    Ce n’était pas un rêve.

    Si à l’avenir tu reviens

    N’oublie pas de rendre visite à notre chambre

    Et de verser une coupe de vin sur ma tombe. »

     

    On ne connaît pas le nom de l’auteur qui était la fille d’un riche commerçant de la province du Jiangxi, non loin de Shangaï. Un jour, le lettré Dai Shiping voyageait dans cette province et rencontra cette charmante jeune fille qui tomba amoureuse de lui et l’épousa. Trois ans après, tourmenté par sa première épouse et ses enfants dans son pays natal, Dai voulut quitter Jiangxi et avoua qu’il était déjà père de deux enfants. Le riche commerçant se mit en colère et la poétesse essaya de le calmer. Saluant le départ de son mari Dai, la poétesse lui offrit son coffre de toilette et ce poème d’adieu.

     

    Épouse de Dai Shiping – Dynastie Song du Nord, 960-1279

    In Femmes poètes de la Chine

    Traduction, annotations et calligraphies de Shi Bo

    Le Temps des Cerises, 2004

    https://www.letempsdescerises.net/?product=femmes-poetes-de-la-chine

  • Sou Che (Su Tung Po), « Sur l’air “Chanson de l’immortel de la grotte” »

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    « Ses os étaient de jade ;

    Sa chair un frais cristal de glace, sans une goutte de sueur.

    Le vent emplissait d’un parfum secret tout le palais au bord de l’eau.

    Quand s’écartait le store brodé, le clair de lune nous épiait.

    Pas encore endormie, elle appuyait sur l’oreiller sa chevelure en désordre.

     

    Je me levais pour saisir sa main de soie.

    Aucun bruit à la porte du pavillon.

    Parfois, on voyait une étoile filante traverser la Voie Lactée.

    Je demandais : “Où en est-on de la nuit ?”

    “C’est déjà la troisième veille.”

    Les flots dorés de la lune pâlissaient ; les étoiles du Cordeau de Jade* s’inclinaient.

    Nous calculions sur nos doigts quand viendrait le vent d’Ouest**.

    Et pourtant, nous ne parlions pas des années,

    Qui secrètement s’échappent. »

     

    * La queue de la Grande Ourse, qui tourne autour du Pôle avec les saisons.

    ** L’automne

     

    Sou Che (Su Tung Po) — 8 janvier 1037- 24 août 1101

     Traduit du chinois par O. Kaltenmark

    In Anthologie de la poésie chinoise classique

    Sous la direction de Paul Demiéville

    Gallimard, 1962, rééd. Coll. Poésie/Gallimard, 2000

  • Li Qingzhao, « Sheng Sheng Man »

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    Zhao Bingzhen, Musée du Palais, Pékin

     

    « Chercher chercher,

    seule seule toujours,

    triste triste toujours.

    Tantôt chaud tantôt froid :

    guérir est difficile.

    Avec deux ou trois verres de vin doux,

    comment résister à la violence du vent nocturne ?

    Des oies sauvages passent :

    chagrin renouvelé,

    voilà de vieilles connaissances.

     

    Terre jonchée de chrysanthèmes,

    corolles desséchées.

    Qui voudrait en cueillir encore ?

    À la fenêtre toute seule,

    comment tuer le temps jusqu’à la nuit ?

    Platane sous la pluie fine,

    la nuit tombe, dian-dian, di-di*.

    C’est comme ça :

    en un seul mot : chagrin. »

     

    * goute à goutte

     

    Li Qingzhao – 1084-1151

    In Poèmes à chanter Tang & Song

    Traduits et présentés par Yun Shi & Jacques Chatain

    Coll. Morari, éditions Comp’act, 1988

    un autre poème de Li Qingzhao sur ce blog : http://www.unnecessairemalentendu.com/archive/2016/02/08/li-qingzhao-le-printemps-est-venu-5757284.html

  • Tu Long, « Propos détachés du Pavillon du Sal »

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    Anonyme, Portait d’un lettré. Peinture, couleurs sur soie. XIe siècle, dynastie des Song du Nord. Musée du Palais, Taipei

     

    « Se pencher sur son reflet solitaire dans un étang et s’amuser à regarder les poissons agitant l’eau de leurs bonds.

    Suivre dispos et nonchalant les détours d’un sentier et voir soudain une pousse d’orchidée sortir de terre.

    La perfection existe dans l’infime et le plaisir n’en est que plus fort.

     

    Épanouir ses talents et ses vertus comme de jeunes fleurs, jardin printanier sous une brise ensoleillée.

    Porter ses cheveux blancs comme un arbre ses feuilles rougies, forêt automnale au paysage encore plus somptueux. »

     

    Tu Long – 1542-1605

    Propos détachés du Pavillon du Sal

    Traduits du chinois & présentés par Martine Vallette-Hémery

    Séquences, 2001

    http://www.alidades.fr/sequences.html

  • Li Ho, « Servez le vin »

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    Grande jarre à tête anthropomorphe (détail), culture de Majiayao. Chine du Nord, fin du IIIe-début du IIe millénaire avant notre ère. Terre cuite chamois, décor peint. Musée Guimet, Paris

     

    « Lourd lapis-lazuli

    Ambre sombre et puissant.

    Le vin quand il jaillit des tonnelets

       tombe comme un collier de perles rouges.

    Dragon à la vapeur phénix rôti

       larmes grasses de jade qui ruissellent

    Tapisseries brodées rideaux de gaze

       conservent les parfums à l’intérieur.

    Flûte d’os de dragon

    Tambours en peau d’iguane

    Chantent les dents brillantes

    Dansent les tailles fines.

    Surtout dans le vert tendre du printemps

       dans la lumière de ce crépuscule

    Quand une averse de fleurs de pêchers

       tombe sur terre comme une ondée rouge.

    Buvez buvez toujours je vous adjure

       buvez enivrez-vous la vie entière :

    Il n’y a plus personne désormais

       qui verse sur la tombe de Liu Ling un peu de vin* »

     

    * Liu Ling, célèbre jouisseur du IIIe siècle, avait demandé qu’on l’enterre avec des gourdes de vin. Mais, plus de cinq cent ans après sa mort, plus personne ne survit pour entretenir sa tombe et lui donner à boire. (NDT)

     

    Li Ho – 791-817

    In Ombres de Chine – Douze poètes de la dynastie Tang (680-870) et un épilogue

    Choix, traduction et commentaire par André Markowicz

    Inculte / Dernière marge, 2015

    http://www.inculte.fr/catalogue/ombres-de-chine/

  • Yuefu anonyme, « Ballade des papillons »

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    Anonyme, Fleurs et papillon, Dynastie Ming

     

    « Les papillons folâtrent dans les jardins de l’est.

    Au troisième mois, où vont-ils rencontrer des hirondelles qui en nourriront leurs petits ?

    Ils me rejoignent parmi les luzernes ;

    Ils m’assistent quand je pénètre dans les profondeurs du Palais Pourpre*.

    Ils s’y déplacent à l’entour des chapiteaux et des colonnettes.

    Les passereaux arrivent alors pour banqueter ;

    Ils viennent pour donner la becquée à leurs oisillons,

    Hochant la tête en battant des ailes.

    Où volettent-ils ? Où volettent-ils donc ? »

     

    * Palais Impérial. C’est aussi le nom de la Cité interdite, d’une constellation qui couvre une région voisine du pôle nord céleste, empiétant sur la Grande Ourse, la Girafe et le Dragon. On nomme aussi le sternum de cette façon.

     

     Yuefu** anonyme

    Dynastie des Han, 206 av. J.-C. – 220 après J.-C

    traduit du chinois par Rémi Mathieu

    Anthologie de la poésie chinoise

    La Pléiade, Gallimard, 2016

     

    ** Le Yuefu, Bureau des musiques, est un genre poétique chinois typique de la dynastie Han. À l’origine le Yuefu est une chanson populaire anonyme, il deviendra un genre très prisé par les lettrés.