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Au jour le jour - Page 4

  • Paul Gadenne

    adc6aa887120f02c9c1f3a1948a25b86.jpg« Ce que je demande, mon Dieu, moi qui ne suis meilleur que personne, ce n’est pas d’avoir des propriétés ni des arbres à moi (l’orgueil n’a rien à faire dans la contemplation), ce que je demande : pouvoir travailler en paix dans un coin.
    Et l’on me parle de pieds dans les pantoufles. »
     
     
     
    Paul Gadenne
    Le Rescapé (carnet novembre 1949 – mars 1951)
    Séquences, 1993

  • Jacques Borel

    Borel.jpg« Écrivant, n’écrivant pas, coincé, de toute façon, le même malaise, le même mal à respirer, ou à m’absoudre. À vivre, à écrire, le même mal. (Et peut-être en effet que c’est bien ça : que c’est le même.)
    Naturellement aussi qu’il y à l’époque : ah ! leur superbe, aux grands ancêtres, ou leur innocence, on ne peut qu’y rêver avec nostalgie : comment faire ? Rien n’est de nous, rien, jamais, tout entier, ne vient de nous – seule la façon de le vivre, peut-être – rien n’est à nous. »
     
    Jacques Borel
    Un voyage ordinaire
    Le temps qu’il fait, 1993

  • Joël Vernet

    vernet.jpg« Écrire, ça ne tient à rien, c’est une ombre qui nous brûle, un nuage venant se loger au cœur même de notre tête, c’est une façon, notre meilleure façon d’être véritablement avec les autres même lorsque nous en sommes séparés. Oui, si nous n’avions les mots pour dessiner un tant soit peu les contours de notre vie, ce serait la voie ouverte à la folie, au dernier abandon. Il y eut une faille, dans l’enfance, où les mots dévalèrent comme un torrent et, aujourd’hui, après tant et tant d’années d’errances, nos livres s’élèvent à la manière de fragiles barrages ne retenant pas vraiment les eaux. »
     
    Jöel Vernet
    Visage de l’absent
    L’Escampette éditions, 2005

  • Gil Jouanard

    2431210974_4fc28b5a0b.jpg« En fait, les mots ne disent pas la vérité ; ils la font advenir. Il n’y a pas de vérité dont le langage aurait à désigner ou révéler les contours, l’épaisseur, la nature. Il y a ce que les mots affirment, ou suggèrent et c’est cela, la vérité, ce qui n’existe qu’à l’instant où c’est nommé. Le pire des menteurs, s’il écrit, cesse de mentir, puisqu’il s’enfonce, mot à mot, dans ce qui est vraiment, et que rien d’autre n’est que ce qui se trouve, brusquement, là, dit. C’est en quoi l’écriture constitue la seule ascèse avérée, autorisant l’accès au monde véritable. Les fictions qui nous environnent ne prennent tournure crédible que cristallisées ou fixées en mots, lesquels ne se contentent pas de les désigner ou de les expliquer, et qui les font et qui les sont, qui les réalisent. Ainsi tant que j’écris, suis-je fondé à me savoir en vie, dans la vie, composante active du vivant, concrètement là.
    Montpellier, ce 8 mai 1996 »

    Gil Jouanard
    Le jour et l’heure
    Verdier, 1998

  • Une pause

    IMGP0570.JPG

  • Bloomday

    joyce.jpg« Avant toute autre chose M. Bloom essuya le plus gros des copeaux et tendit à Stephen chapeau et frênecanne et d’une manière générale le remit d’aplomb selon la bonne orthodoxie samaritaine, ce dont il avait gravement besoin. Son (celui de Stephen) esprit ne méritait pas tout à fait la qualification d’égaré mais était quelque peu perturbé et lorsqu’il exprima le désir d’absorber un breuvage quelconque M. Bloom, observant l’heure qu’il était et l’absence de fontaine d’eau de la Vartry disponible pour leurs ablutions, pour ne rien dire du dessein de boire, découvrant un expédient, suggéra, au débotté, l’intérêt qu’offrait l’abri du cocher, ainsi qu’il était nommé, à un jet de pierre à peine non loin de Butt Bridge où ils découvriraient peut-être quelque chose de buvable sous les espèces de lait allongé d’eau de Seltz ou d’eau minérale. Mais comment y aller là était le hic. »
    James Joyce
    Ulysse
    Épisode III – Eumée – traduit par Pascal Bataillard
    Nouvelle traduction sous la direction de Jacques Aubert
    Gallimard, 2004


    Ceci afin de participer au Bloomday (16 juin 1904) comme il se doit.

  • Alain Veinstein

    1674955260.jpg« Quand j’avais une journée devant moi, je me croyais habile à embrasser l’étendue, à écrire sous la menace, à vivre dans la peur… J’aimais une enfance pour écrire mon amour… J’ai dû écrire le mot deux ou trois fois, sans peur… Un peu de mort, sans peur, renforçait mes phrases… J’aurais voulu écrire jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne sous un nom… »
     
    55454525.JPGAlain Veinstein
    Ébauche du féminin
    Lithographies de Claude Garache
    Coll. Médiane, Maeght éditeur, 1981

  • Emily Jane Brontë

    FORT JE RESTE,
    AYANT SOUFFERT

    2132735231.jpg « Fort je reste, ayant souffert
    Haine, colère et dédain ;
    Fort je reste et ris de voir
    Leurs assauts livrés en vain.

    J’abjure, Esprit de maîtrise,
    Les mesquines voies humaines !
    J’ai le cœur et l’âme libres :
    Fais-moi signe, et je te suis.

    Sache-le, sot insincère
    Qui méprises le dédain,
    Ton âme passe en bassesse
    Les plus vains d’entre les vers.

    Dans ton fol orgueil, poussière,
    M’oses-tu prendre pour guide ?
    Je veux être avec les humbles,
    Les hautains ne me sont rien ? »
    novembre 1837

    Emily Jane Brontë
    Poèmes
    Traduit de l’anglais par Pierre Leyris
    Poésie/Gallimard, 1963

  • John Keats

    « CETTE MAIN VIVANTE, À PRÉSENT CHAUDE ET CAPABLE »


    « Cette main vivante, à présent chaude et capable
    D’une étreinte fervente, ne manquerait, serait-elle froide
    Et dans le silence glacial de la tombe,
    De hanter tant tes jours et tant transir les rêves de tes nuits,
    Que tu souhaiterais ton cœur tari de sang
    Pour qu’en mes veines à nouveau puisse la vie rouge affluer,
    Et toi calmer ta conscience. Regarde, la voici
    Vers toi, vers toi je la tends. »1517300839.jpg

     

     
    John Keats
    Seul dans la splendeur
    Traduit de l’anglais
    et présenté par Robert Davreu
    Coll. Orphée, La Différence, 1990

  • David Gascoyne

    CHAMBRE D’HÔTEL*

    « Lorsque la lueur d’un triste dimanche,
    Glissant à travers la pluie, argentait
        La pierre grise de la ville,
    Couchés côte à côte, sans une parole,
    Au-dessus des quais pavés de cette île
    Qu’entourait le flot en crue de la Seine,
        Nous contemplions fixement
    Un plafond aride et blanc — comme si
    Nous étions pour toujours ensevelis
        Au fond d’un chagrin taciturne.

    Et quand, à la fin, j’ai tenté de prendre
    Ta main dans ma main, et de t’incliner,
        Visage étranger, vers mes lèvres,
    Tu as quitté d’un bond le lit, tu as
    Traversé la chambre et, debout, longtemps
    Regardé sous le rideau de la vitre
        Les platanes qui se penchaient
    Pour interroger comme toi le fleuve,
    Question sans réponse et tout aussi vieille
        Que l’infortune de la terre. »   

    1418073011.2.jpgDavid Gascoyne
    Miserere
    Traduit de l’anglais par Jean Walh,
    Jean-Jacques Mayoux, Armand Guibert,
    Yves de Baiser, Jean Mambrino, Pierre Leyris,
    Pierre Ostev Soussouev, David Kelley,
    François Xavier Jaujard*, Paul Le Jéloux
    Postface de Robin Skelton
    traduite par Michèle Duclos
    Granit, 1989

  • William Shakespeare

    988896814.jpgSonnet LXVI
     
    « Lassé de voir, je crie, vers la mort reposante : voir le mérite né en état mendiant, voir la chose de rien jovialement accoutrée, voir la plus pure loyauté trahie méchamment,
    Voir les honneurs dorés honteusement placés, et la vertu des filles violées grossièrement, voir la juste perfection injuste dégradée, et voir la force par voie boiteuse évincée,
    Voir l’art fermer la bouche sous l’autorité, et la doctorale folie donner ses ordres au talent, et la simple vérité passer pour stupidité, voir le Bien captif, au service du Mal, commandant.
    Lassé de voir — je voudrais m’en aller — si ce n’est que mourir laisserait seul l’aimé. »
    William Shakespeare
    Sonnets
    version française de Pierre Jean Jouve
    Mercure de France, 1969, rééd. Poésie/Gallimard, 1975

  • Tom Raworth

    TOUT UN COUP



    25008304.2.jpg« l’alphabet se demande
    ce qu’il devrait faire
    le papier se sent inutile
    les couleurs perdent leurs nuances

    pendant que toutes les notes de musique
    ne jouent plus qu’en bleu

    au bout du lac
    un peuplier lombard
    ombre la terre
    parsemée de duvet de cygne

    voilant la rumeur
    de la route du sud

    au dessus dans le ciel de nuit
    éparpillées au hasard
    les étoiles cessent leur mouvement
    les coquelicots ne dansent pas

    dans l’herbe immobile le long
    du chemin personne ne marche »
    Tom Raworth
    Cat Van Cat
    traduit de l’anglais collectivement par le Comptoir 4
    cipM – les Comptoirs de la Nouvelle B.S., 2003