jeudi, 17 mai 2018
Patrick Varetz, « Rougeville »
DR
« Oui. Pourquoi continuer de m’appeler Rougeville puisque les âmes, ici, à l’instar des façades des maisons qui les abritent, semblent accepter comme une fatalité l’idée de devoir noircir ? Les crises se succèdent, leurs effets s’additionnent, et la contamination gagne. Comment pourrait-il sérieusement en être autrement ? Dois-je vous rappeler les scores réalisés par les tenants de l’extrême droite lors des trois dernières élections ? Autrefois, on vous envoyait au fond de la mine – parfois dès votre plus jeune âge –, et le maigre salaire que vous en rapportiez, tous les quinze jours, servait à alimenter l’économie locale. Mais qu’en est-il à présent, quand il y a de moins en moins de travail et aucune perspective ? Pour exister c’est comme partout : les gens n’ont de cesse de courir confier leur argent – celui bien souvent de l’allocation chômage ou des minima sociaux – aux grandes enseignes du commerce mondialisé (celles-là même qui répandent le vide autour d’elles). Au siècle dernier et au siècle d’avant, les puissants qui nous faisaient courber la tête habitaient encore de grandes maisons sous les fenêtres desquelles ont pouvait – les cas échéant – aller défiler pour hurler sa colère. Mais aujourd’hui, vers qui se tourner ? On ignore jusqu’à l’endroit où se cachent ceux qui nous ont abandonnés. C’est sans doute pour cela que chacun peu à peu se replie dans le silence, occupé – faute de mieux – à cultiver la haine de l’étranger qu’il a cessé d’être. Oui. Car c’est soi-même que l’on apprend à détester. […]
Passé la quarantaine, je m’étais finalement mis à écrire de la littérature avec les mots d’un autre. Chaque phrase que j’alignais à la suite des précédentes, avec le sentiment d’avancer au jugé, venait résonner étrangement à mon oreille (comme une langue inconnue). Jamais de tels propos, animés par de telles pensées, ne me seraient un jour sortis par la bouche. Alors que je prenais un malin plaisir à retourner fouiller parmi les ténèbres de mes origines, je devenais pour toujours – comble de l’ironie – étranger à moi-même. Sur la base de quelques souvenirs décousus, je m’ingéniais, d’un livre à l’autre, à reconstituer l’apparence d’une existence cohérente (et je m’inventais, pour faire bonne mesure, un personnage en capacité d’incarner cette fiction). Je déballais tout, la faiblesse de caractère de mes parents, leur propension au renoncement et à la défaite, la violence et la folie qui marquaient leur destin, n’hésitant jamais – en l’espèce – à grossir le trait, et donc à le noircir. La seule chose au fond que je m’interdisais, c’était de situer l’action à Rougeville (tant j’étais convaincu que l’évocation de ma ville natale ferait figure de lieu commun). »
Patrick Varetz
Rougeville
La Contre Allée, 2018
en complément, https://www.humanite.fr/le-bassin-minier-vu-par-de-rougeville-marles-les-mines-654566
17:04 Publié dans Écrivains, Édition, Livre | Lien permanent | Tags : patrick vartez, rougeville, la contre allée
mardi, 15 mai 2018
John Keats, « Lorsque me vient la peur de pouvoir cesser d’être »
par Joseph Severn, 1819
« Lorsque me vient la peur de pouvoir cesser d’être
Avant que ma plume ait glané mon fertile cerveau,
Avant qu’en haute pile les livres, imprimés,
Enserrent, greniers pleins, la récolte bien mûre ;
Lorsque sur la face étoilée de la nuit j’aperçois
Les immenses symboles nuageux d’une grande épopée,
Et pense que peut-être je ne vivrai assez
Pour en tracer les ombres de la main magique du hasard ;
Et puis lorsque je sens, belle créature d’une heure,
Que sur toi mon regard ne se posera plus jamais,
Que jamais plus je ne goûterai au pouvoir féérique
De l’amour sans souci ; alors sur le rivage
Du vaste monde, seul je demeure et songe
Le temps qu’Amour et Gloire s’abîment au néant. »
22-31 janvier 1818
John Keats
Seul la splendeur
Traduit de l’anglais et présenté par Robert Davreu
Ophée, La Différence, 1990
19:20 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent
dimanche, 13 mai 2018
Emmanuel Merle, Philippe Agostini, «Démembrements»
« Rien, presque
La pierre, on la croyait à fleur de sol,
on la déloge, avec une pioche,
c’est la mémoire, terreuse, encore humide
de ce qui s’est passé. Rien, presque.
On laisse un trou qui ne se comble pas,
et le ciel le regarde, s’en ferait une orbite
supplémentaire. Toutes les mémoires
de tous les hommes, tous les yeux du ciel.
Et le ciel, que voit-il, augmenté de ma mémoire ?
Rien, presque. De l’électricité de faible
ampérage, au fond du trou. Des formes
simples qui crieraient silencieusement
comme les nuages lorsqu’ils se désagrègent
ou semblent s’entredévorer.
Ma mémoire n’a que des rapports humains
minéralisés. Et pourtant mon visage recrée
quelquefois la sensation d’avant :
la barbe de mon père,
une broussaille, quelque chose qui dure
puisque c’est encore là, possible. Ou
ce cheval heurté de face, tête à tête,
et le claquement derrière mon front.
Ou la main d’un enfant sur ma paupière,
oui, ça revient facilement, je saisirais
presque le doigt. Presque. Ce serait saisir
la lumière, comme on saisirait tout le bleu
d’un monde, d’un seul rapt.
Étranges cicatrices de l’esprit.
Cette capacité de déchirure qu’elles ont,
sur des visages aimés et incompréhensibles,
souvenirs de visages
tendus vers le vide, le sans-retour.
Aimer, c’est quoi ? Accepter l’assemblage
nécessaire et étrange d’un visage.
Souvent presque rien, presque. Un magma
encore tiède au bas de la pente.
Où est cette maison qui est moi,
qu’avec moi d’autres ont habitée ?
Ce rien pourtant devrait être une terre,
une presqu’île qu’on rejoint encore, parfois,
à marée basse,
sous la nuit. »
Emmanuel Merle
Démembrements
Peintures de Philippe Agostini
Voix d’encre, 2018
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vendredi, 11 mai 2018
Adèle Nègre, « Résolu par le feu »
« Longeant la rive
tu parles folle
la langue du geste
un théâtre à l’envi
elle chante sur le champ
où tu vis tu titubes ou
appelle cela danser
assertive ou tue
ivre remue
et entre
dérive rien
Vent qui retourne les pierres
qui retournent le vent qui rend visible
le qui-vive
la face à vif la vie d’affût
le vent aiguise la haie
lame si je vais au jardin c’est pour sentir
dans les plis de l’air
l’air même qui emplit mon air ouvrir
les dessous de l’œil solaire
les rais pénétrer l’impénétrable
J’ai taillé les sauges
spirales orageuses couleurs bataille
dans l’herbe constrictive
sauges torses à l’image du temps
les tenailles très hautes gris de Payne
un miroir de plus
ses feuilles noir de Mars au revers »
Adèle Nègre
Résolu par le feu
Préface d’Alexis Hubert
Bruno Guattari éditeur, 2018
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mercredi, 09 mai 2018
Séverine Jouve, « Les chercheurs de lumière »
DR
« La bibliothèque représentait pour moi bien davantage qu’un simple outil de recherche. Et je pensai aux différentes façons de l’aborder et d’en vivre le rayonnement. Je ne parle pas de cette recherche distraite et furtive d’un livre qui, sans vraie exigence, n’est qu’un vain refus de l’ennui. Mais de l’attente instinctive, espérée comme un vœu qui, sans objet préconçu, nécessite une forme de ferveur. Trouver ce que l’on attendait sans ne rien en attendre au préalable, voilà bien la vraie rencontre, à laquelle il importe peu de donner sens.
Adossé au monde, le Pavillon des livres est un espace isolé et circonscrit, mais qui n’entend pas se priver des pulsions de l’existence. À sa porte tombe toute rumeur, mais il appelle le même silence chuchotant que le jardin clos.
Le Pavillon des livres est bien davantage qu’une destination, comme le sont la terrasse aux aromates ou la chambre des armoires. Il est laboratoire et non simple réservoir. Mûrement réfléchi, corrigé comme l’épreuve par la main du poète, il est cet univers de la vie intense et lente, condensé jusqu’à l’expression d’une vérité particulière, mais propre à chacun.
Le Pavillon des livres représente l’illusion nécessaire pour qui veut connaître l’infinie patience du désert. Édifié en marge, il symbolise cette mise à l’écart de soi que suppose toute création. Il ouvre à la possibilité du pur cheminement qui s’entreprend en solitaire – et avec obstination –, contre le mutisme du monde.
Le Pavillon des livres est une architecture édifiée avec des mots, inutile à “l’homme du monde” mais nécessaire à celui qui a choisi de vivre sa vie jusqu’au dépassement. Il est cet espace risqué du retranchement où s’annulent temps et histoire. Il est cette chambre où se concentre le désir mais où s’accentue la dispersion. »
Séverine Jouve
Les chercheurs de lumière – Révolutions minuscules
Préface de François Dominique
Coll. Amarante, L’Harmattan, 2018
17:08 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : séverine jouve, les chercheurs de lumière, françois dominique, l'harmattan
lundi, 07 mai 2018
Gérard Haller, « mbo »
DR
« […]
et la girafe zarafa et
la bête aux joues rouges de zara-
thoustra
oh et la chatte qui a vu jacques
derrida la voir le voir tout nu
oui tout chose d’être regardé
comme une bête lui aussi et
son chéri hérisson
vois : divin et pas / tout le méli-
mélo des corps oui tout l’innommé
peuple depuis toujours qui vient / es-
pèce par espèce et genres fa-
milles sous-familles et tout ce qui
s’ensuit et toujours de nouveau re-
lance tous les souffles
vois mbo : tous les animaux ici
avec nous qui s’essouflent et multi-
plient comme ça le ciel
tout ce qui vit tout ce qui a peur
la nuit et meugle miaule ulule
hurle brait brâme etc. et
appelle
mowgli tu te souviens et le mo-
queur des savanes et tout ça
le solitaire et le ver de terre
le ver luisant et le ver à soie né
bombyx mori et le nécrophore
fossoyeur
le lamie tisserand de son vrai
nom lamia textor
le messager sagittaire dit
le serpentaire dit le secré-
taire des serpents et l’oiseau maître
ès ritournelles des forêts plu-
vieuses d’australie dit sceno-
poïetes
[…] »
Un autre extrait ici : http://poezibao.typepad.com/poezibao/2018/04/anthologie-p...
Gérard Haller
mbo
Harpo &, 2018
http://editionsharpo.blogg.org/
12:02 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : gérard haller, mbo, harpo&
samedi, 05 mai 2018
Joseph Roth, « Le chêne de Goethe à Buchenwald »
DR
« […] D’abord Buchenwald ne s’est pas toujours appelé ainsi mais Ettersberg. Sous ce nom, il était autrefois célèbre parmi les spécialistes d’histoire de la littérature : Goethe avait coutume d’y rencontrer fréquemment Madame von Stein ; sous un beau vieux chêne.
[…]
Devant ce chêne passent chaque jour les détenus du camp de concentration ; c’est-à-dire : on les y fait passer. Vraiment ! On colporte de fausses informations sur le camp de concentration de Buchenwald ; on pourrait dire d’horribles commérages. Il est, me semble-t-il, temps de ramener cela à sa juste mesure : au chêne sous lequel Goethe s’est assis avec Madame von Stein – et qui grâce à la loi pour la protection de la nature pousse encore –, jusqu’à présent, à ma connaissance, pas un seul des détenus du camp de concentration n’a été “attaché” ; bien plutôt aux autres chênes qui ne manquent pas dans cette forêt. »
Dernier texte de Joseph Roth, avant sa mort, le 2 mai 1939.
Joseph Roth
Poème des livres disparus & autres textes
Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Boyer & Silke Hass
Héros-limite, 2017
http://www.heros-limite.com/livres/poeme-des-livres-dispa...
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jeudi, 03 mai 2018
Du Fu, « Je cherche des fleurs en marchant seul au bord de la rivière »
« Ne croyez pas que j’aime les fleurs jusqu’à en mourir ;
Je crains de vieillir plus vite si les fleurs sont fanées.
Les rameaux chargés se brisent bien plus facilement ;
Que les bourgeons s’ordonnent pour éclore lentement ! »
Je cherche des fleurs en marchant seul au bord de la rivière est composé de 7 quatrains, celui-ci est le dernier.
Du Fu (Tu Fu) — 712 - 770
« La dynastie des Tang »
Traduit, présenté et annoté par Florence Hu-Sterk
In Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
12:07 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : du fu, je cherche des fleurs en marchant seul au bord de la rivière, lorence hu-sterk, anthologie de la poésie chinoise, la pléiadegallimard
mardi, 01 mai 2018
Lambert Schlechter, « Une mite sous la semelle du Titien »
© claude chambard
« 86.
Menus faits & gestes que je note consciencieusement jour après jour dans un cahier spécial, je me dis que c’est inutile que je les note, ça n’a aucun sens que je les note, ça ne mène à rien que je les note, c’est des événements dans la vie si menus si minuscules si dérisoires que c’est pas des événements et ainsi les journées passent, jour après jour, sans que rien n’arrive, rien de mémorable, littéralement rien de notable, et pourtant, me dis-je, les Des Forêts et les Tu Fu ont fait ça aussi, va savoir ce qui les a pris de faire ça, puis je me dis que moi, chez eux, j’apprécie qu’ils aient fait ça, noter le pas notable, il n’y a rien de notable quand il fait ciel bleu, et ils notent qu’il fait ciel bleu, qu’il fait ciel gris, noter qu’à midi la sirène a retenti, qu’un tracteur est passé avec une remorque où s’entassent des récipients pour les grappes vendangées, et Tu Fu fait une allusion à la réalité de son trépas, et aussi laisser le membre s’ériger, et savourer ça, et le manuéliser jusqu’à la jouissance, comme s’il y avait là un rapport avec la réalité du trépas, et ainsi jour après jour noter les notes du jour sans que cela ne mène à rien, c’est juste des menus moments de résistance, élémentaire & légitime plaisir d’exister. »
Lambert Schlechter
Une mite sous la semelle du Titien – le Murmure du monde 7
Tinbad, 2018
15:33 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : lambert schlechter, une mite sous la semelle du titien, sinbad
mercredi, 25 avril 2018
Jean-Louis Baudry, « Les Corps vulnérables »
DR
« Le désir d’écrire a quelque chose en lui qui le rend tenace et instable et paradoxal : il ambitionne de donner un peu de consistance au moi de l’écrivain, alors que celui-ci fait d’abord, en se confrontant au langage, l’expérience de l’altérité qui le constitue. Mais il implique de plus une contradiction peu différente de celle qui travaille le désir sexuel. Il préexiste à l’objet sur lequel il se portera. Il ignore tout de lui. On veut écrire avant de savoir ce qu’on écrira. Celui qui écrit aimerait s’éprendre de l’objet qu’il découvre en écrivant mais, à moins que le narcissisme ne l’aveugle, ce qu’il écrit à toutes les chances de lui apparaître contingent et mineur au regard de ces choses essentielles qu’il ne se sent pas en mesure d’aborder. C’est ce qui rend le souci d’écrire si fragile devant l’amour qui, lui, se définit justement par l’unité enfin trouvée d’un désir et d’un objet. »
Jean-Louis Baudry
Les Corps vulnérables
L’Atelier contemporain, 2017
http://www.editionslateliercontemporain.net/mot/jean-loui...
14:06 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : jean-louis baudry, les corps vulnérables, l'atelier contemporain
mercredi, 18 avril 2018
Frédéric Boyer, « Peut-être pas immortelle »
© : P.O.L
« Quelqu’un l’aurait-il vue cette vie qui à jamais ne fut et qui serait pourtant ? À l’époque où la terre s’embrasa quand nous étions les plus solitaires des vivants.
Et le froid est venu tout à l’intérieur de moi, comme un signe d’impatience messianique quand nous aurions voulu donner à l’autre plus que nous n’avions.
J’espère malgré tout que nous pourrons avoir de temps en temps des nouvelles l’un de l’autre. Mais ce n’est pas certain, tu t’en doutes, n’est-ce pas ? Par un retournement étrange, souvent, la pensée de la séparation n’éveille en nous que davantage d’attachements. Un bref instant dans lequel disparaissent tous les autres possibles mondes.
Et tu pleurais doucement
ces choses que tu appelais de tes vœux en riant. »
Frédéric Boyer
Peut-être pas immortelle
P.O.L, 2018
11:50 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : frédéric boyer, peut-être pas immortelle, p.o.l
mercredi, 11 avril 2018
Thomas Bernhard, « Corrections »
DR
« Alors que nous avons en vue notre travail et ce qu’il y a de dangereux et de fragile dans notre travail, nous utilisons la majeure partie de notre temps uniquement pour d’une manière générale pouvoir jeter un pont pour traverser le temps le plus proche, toujours le temps le plus proche de nous et nous pensons que, d’une manière générale, nous avons seulement besoin de penser à jeter un pont pour traverser le temps et non pas de penser au travail, à plus forte raison à un travail compliqué, requérant toute notre existence. Peu importe comment, seulement jeter un pont pour traverser, pensons-nous, sentons-nous instinctivement. Cela déjà étant enfant. Comment avancer, c’est que nous pensons sans interruption, et la plupart du temps, il est complètement indifférent de savoir comment nous avançons pourvu que nous avancions. Parce que c’est seulement sur le fait d’avancer et sans rien effectuer au-delà de cet objectif, ainsi s’exprime Roithamer, que nous devons concentrer nos énergies physiques et intellectuelles disponibles. Le travail, un auxiliaire pour nous faire traverser le temps intermédiaire, peu importe quel travail, quelle occupation, bêcher dans le jardin ou pousser au premier plan un objet de réflexion philosophique, c’est la même chose. Ensuite nous sommes possédés par une idée et nous n’avons au fond que la force de survivre, c’est pourquoi nous sommes dans un état plein de tourments extrêmes. Nous ne sommes engagés à rien, ainsi écrit Roithamer, rien souligné. Comme on nous a mis dans nos têtes d’enfants que nous n’aurons un droit à la vie que si nous travaillons raisonnablement, comme on nous assuré que nous devons accomplir notre devoir ! »
Thomas Bernhard
Corrections (1975)
Traduit de l’allemand par Albert Kohn
Gallimard / Du monde entier, 1978, rééd. Gallimard / L’imaginaire, 2005
Cet extrait, pour souhaiter un excellent anniversaire à Emmanuel Hocquard, né le 11 avril 1940,
qui vient de publier chez P.O.L, Le cours de Pise
http://www.unnecessairemalentendu.com/archive/2018/03/15/...
14:34 Publié dans Anniversaires, Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : thomas bernhard, corrections, albert kohn, gallimard