lundi, 18 février 2013
Christian Garcin, « Les Cigarettes »
le coupe-ongles
« un concert de voix fines s’éclipse tout à coup
et face à moi ce mur uniformément ocre
d’où parvient assourdi un programme télé
de jeux pauvres à millions et musiques clinquantes
vient poser sur le tamis clair du soir
et l’odeur enfantine des poivrons frits
l’ovale de ton visage à Bergame sous le
rideau à claire-voie de tes cheveux mouillées
légèrement penché sur moi à la fenêtre
chambre huit de cet hôtel bric-à-brac
véritable brocante truffée de dessins statuettes
objets hétéroclites exotiques diplômes
où consciencieusement sur un fond de mur jaune
zébré de cette vieille gouttière itinérante
qu’on pouvait croyait-on toucher rien qu’en tendant le bras
assiégée doucement par ces rengaines à la télévision
d’une voisine vieillarde et sourde
ton visage sérieux incliné sur mes doigts
tu me coupais les ongles et j’embrassais ton cou »
Christian Garcin
Les Cigarettes
L’Escampette, 2000
Quatrième page pour fêter les 20 ans de L’Escampette
12:02 Publié dans Édition | Lien permanent | Tags : christian garcin, les cigarettes, l'escampette
lundi, 11 février 2013
Eduardo Lourenço, « Montaigne ou la vie écrite »
« À première vue, l’aventure “littéraire” — mais elle est un peu plus que cela — de Montaigne ressemble à celle à venir, toute proche de la sienne dans le temps, celle de Don Quichotte. Pour tous les deux, la naissance a lieu à l’ombre, ou plutôt à l’intérieur du Livre. Mais la démarche est inversée. Don Quichotte veut que la réalité se conforme au texte où sa vie idéale est déjà vécue. Cette vie idéale, d’ailleurs, ne lui appartient pas en propre. Elle est la forme pure de la réalité dont le modèle n’est autre que Notre Seigneur Jésus Christ, comme l’a bien compris Unamuno. Il faut faire descendre la vérité, du ciel sur la terre, au moment où elle s’éloigne. La défaite et la désillusion sont assurées d’avance. Montaigne — enfant ébloui et enchanté par les Métamorphoses comme nos enfants par Tintin, l’adulte trouvant chez Sénèque ou Platon sa nourriture idéale — lit et découvre le Livre comme livre, autrement dit, comme jeu de fiction. Mais cette fiction a la propriété de le rendre “réel”, et de le soustraire à l’ennui ou à la contrainte des obligations qui l’empêchent d’être libre et heureux. Toute sa vie a été modelée par le principe du plaisir. Cet homme qui passe pour le plus attentif à la trivialité, qui voudrait presque être pris pour Sancho, est rêveur forcené. “Mon royaume pour un cheval” est une trouvaille de son plus génial lecteur, mais sa devise fut bien moins celle, devenue cliché, de la suspension de son jugement que celle de “mon royaume pour un coin de rêve”. Dans sa langue de seigneur de sa volonté et de ses mots, il a appelé ce coin de rêve “son arrière-boutique”, ce lieu où il peut se retirer à loisir, ce lieu que personne d’autre ne peut occuper, espace de nudité du corps et de liberté de l’esprit, pure et bienheureuse solitude. Comme un livre, précisément. Je crois que personne avant lui n’a su, avec une aussi parfaite science, que ce sont les livres qui nous lisent. Il en va de même de la parole qui ne vit que de l’écho qu’elle suscite : “la parole est moitié à celuy qui parle, moitié à celuy qui l’escoute”. Toutefois, pour se dire le plus universellement possible il faut “s’écrire”, il faut devenir Livre, moins pour s’écouter que pour écouter l’autre, le monde ou l’autre soi-même auquel nous n’accédons qu’en transcrivant de la façon la plus directe et la plus drue le Livre que nous sommes. Ce n’est pas la réalité qui attend du Livre son salut, comme le croit Don Quichotte, c’est le Livre, quand il retrouve dans le réel sa fiction, qui nous libère, tous ensemble, de la réalité et de la fiction. Ce que Montaigne a compris, c’est qu’aucune réalité n’est plus fictionnelle que notre propre réalité, que le livre qui aurait un tel dessein — comme c’est le cas des Essais — serait, sur le mode de l’anti-fiction délibérée, le plus fictionnel des livres. »
Eduardo Lourenço
« Montaigne ou la vie écrite »
in Montaigne 1533-1592
accompagné d’un texte de Pierre Botineau, « L’Exemplaire de Bordeaux »
et de photographies de Jean-Luc Chapin
L’Escampette/Centre régional des lettres d’Aquitaine, 1992
repris seul sous le titre Montaigne ou la vie écrite
L’Escampette, 2004
Troisième page pour fêter les 20 ans de L'Escampette
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samedi, 09 février 2013
Véra Pavlova, « L’animal céleste »
« La pensée est imparfaite
si elle ne tient pas en quatre vers.
L’amour est imparfait
s’il ne tient pas dans un seul ah !
Le poème se refuse
si je cherche le mètre et la rime.
La vie est incomplète
si elle ne tient pas dans un seul oui.
Pourquoi le mot oui est-il si court ?
Il devrait être
plus long que les autres,
plus difficile à prononcer,
de sorte qu’il faudrait du temps
pour y penser vraiment,
pour oser le dire,
au risque de se taire
en son beau milieu »
Véra Pavlova
L’Animal céleste
anthologie traduite du russe
par Jean-Baptiste & Hugo Para
L’Escampette, 2004
Seconde page pour fêter les 20 ans de L'Escampette
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jeudi, 07 février 2013
Jean-Yves Masson, « Poèmes du voleur d’eau»
lxi. Description d’un jardin
Je me souviens d’un jardin d’encre dans un livre
que l’on avait déplié contre le mur,
où l’on suivait des yeux la forme des nuages
que le pinceau avait décrite avec douceur.
Dehors, dans les jardins, je retrouvais l’œuvre du peintre,
les arbres d’encre torturés qui se dressaient
devant l’étang, refusant d’affronter le ciel
et protégeant la terre éprise de leurs branches.
Et je me suis penché vers l’eau dormante
qui formait dans les joncs un signe d’eau.
Moi, le fils d’Occident, sur la terre orientale,
je contemplais, en ignorant, le fruit de la sagesse
d’un lettré du Japon qui avait fait tracer
dans ce jardin avec de l’eau le nom de l’eau.
Et tel est l’art : non pas expliquer mais comprendre,
et ne cacher que ce que l’on veut faire voir. »
Jean-Yves Masson
Poèmes du festin céleste
L’Escampette, 2002
Nouvelle rubrique, quand le temps le permet,
pour fêter les 20 ans de L'Escampette
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dimanche, 23 décembre 2012
Françoise Ascal, « Lignées »
« Ce que je sais, tout le monde le sait. Je ne sais rien que je serais seule à savoir. Et tout ce que j’ai appris je le savais déjà. J’en arrive à douter d’exister. J’en arrive à ne plus savoir si un moi est possible. Si quelque chose à soi est possible. Dans la foule je vous regarde et me reconnais. À des milliers d’exemplaires. Visages d’argile commune. Regards qu’on pourrait croire uniques. Vous-mêmes, sentez-vous parfois votre crâne devenir un lieu de traverse, un corridor ouvert à tous vents, un hall fourmillant, tandis que vos pas sur le sol ne laissent aucune trace, votre chair aucune ombre ? »
Françoise Ascal
Lignées
Dessins de Gérard Titus-Carmel
Æncrages & co. , coll. Écri(peind)re
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mercredi, 05 décembre 2012
Une lecture de “Cet être devant soi” par Isabelle Baladine Howald sur Poezibao
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jeudi, 10 mai 2012
Hugo Pernet, "Poésie simplifiée"
D’abord faire glisser avec d’infinies précautions le bandeau titre qui scelle le livre vert d’eau afin de pouvoir faire bruisser les pages. Beaucoup de blancheur et au cœur une image en quadrichromie d’un otage — suppose t’on — à peine libéré, bandeau sur l’œil et couverture de survie dorée sur les épaules, micro à la main (une image du poète enfin libre ?).
Poésie simplifiée, ou comment, en éliminant toujours, laisser peu de place au sens et dans ce vide, voir ce que de petites propositions peuvent activer d’un reste de langue. Langue de peu, langue de l’absence de l’auteur. Poésie simplifiée, Hugo Pernet le revendique, doit beaucoup au travail inlassable de Claude Royet-Journoud et inlassablement donc à partir de minuscules propositions — ce qui reste quand on a pelé le texte — il exprime la couleur — voire son absence — plutôt que la pulpe ou le jus.
En Garamond et en Helvetica Neue, chaque partie tente l’impossible pari du « pas d’histoire », et pourtant « écrire est devenu une tâche/ménagère ».
On range le bandeau entre les pages du livre, la couverture est muette, Hugo Pernet a disparu dans le livre où on voudra bien le glisser et, régulièrement, le changer de place. C’est sa liberté chèrement gagnée.
Claude Chambard
Hugo Pernet
Poésie simplifiée
ENd Éditions
104 p. ; 12 €
Cet article a paru initialement dans ccp n° 21
12:16 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : hugo pernet, poésie simplifiée, end éditions
vendredi, 27 avril 2012
Lyn Hejinian, "Gesualdo"
Martin Richet sait toujours repérer l’inattendu et il excelle à le traduire. Ce mince livre commence en ré et se termine en « mesure pointillée » en la et ré fusionnant les [nos] voix. Carlos Gesualdo, musicien et assassin, ou l’inverse, mais fidèle, « une aptitude aux motifs, au couplage » — Gesualdo « un nom ne doit pas annoncer une intention ».
L’écriture de Lyn Hejinian est d’une rare complexité et d’une rare flamboyance. Elle entraine le lecteur sur des chemins qu’il n’envisageait même pas, c’est dire si elle est nécessaire. « Je suis singulier et dépendant, d’un message plus urgent de l’artifice à une expression vivante. » Un effet de musique, un effet de sauvagerie, un effet de désir, un effet de vacillement — page 5 coda —, une aventure d’amour qui suggère la fin, sans réplique.
Mêlant, entremêlant — fine et savante tapisserie, rugueuse et soyeuse à la fois — l’autobiographie du compositeur italien et sa musique, avec une précision et une exactitude rares, Lyn Hejinian donne ici un des textes les plus troublants qui soit, véritable « Contorsion en douceur, le rythme est immobile, un langage ultérieur guidé par la consolation ou le soulagement. »
Claude Chambard
Lyn Hejinian
Gesualdo
Traduit de l’américain par Martin Richet
Éric Pesty Éditeur
16 p. ; 9 €
http://www.ericpestyediteur.com/
Cet article a paru une première fois dans CCP n°20, cipM, octobre 2010
14:02 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : lyn hejinian, gesualdo, martin richet, eric pesty
mercredi, 15 février 2012
Lucie Braud, "Ferdinand"
[…] J’ai huit ans. Un polo blanc et par-dessus, un pull bleu marine sans manche et col en V. Ferdinand a fait apporter le piano droit dans notre maison. Il a suivi le camion dans sa voiture. Il observe l’installation dans notre bureau, au rez-de-chaussée avec une fenêtre qui donne sur le jardin. Un monsieur viendra pour l’accorder, pour que je puisse jouer. Ferdinand a dit le piano sera bien ici. Maman a trouvé un tabouret à ma taille et une méthode pour débutant. Je ne connais pas les notes, je joue des mélodies simples à l’oreille, j’essaie de reproduire les gestes de maman.
C’est dimanche. Jeanne et Ferdinand sont venus déjeuner. Papa et maman ont aménagé le grenier en salle de jeux. Il y a aussi nos bureaux, un cadeau de Jeanne et Ferdinand. En pin vernis. Un plateau sur des tréteaux. Et une lampe d’architecte noire offerte par papa. Après le repas, nous allons jouer. Ferdinand monte l’escalier. Il s’assoit à mon bureau. Mon cartable est ouvert. Je lui tends mon cahier de poésie. J’ai illustré Le Dormeur du Val. Il regarde. Il attend. Je récite, raide comme un I.
Ferdinand me montre ce qu’il a trouvé, des pointes de flèches, des silex taillés, des gros des petits. Il me raconte. Quand il a fini, il attrape un sac de toile et y range une partie de son trésor. Il y a un dessin sur le sac, un chasseur armé d’une lance. Il me dit c’est pour toi. J’ai accroché le sac derrière mon bureau. J’ai étalé les silex devant moi. La pierre est douce. Du caramel au beurre salé.
J’ai neuf ans. C’est l’été. La maison est fraîche. Je suis assise dans l’escalier en bois qui mène à la chambre de Ferdinand. Au-dessus de moi, les casquettes de Ferdinand sont accrochées. Elles sont toutes pareilles, des caquettes de marin, plates avec une visière, bleues presque noires. L’intérieur est satiné et matelassé. Je voudrais en attraper une et la mettre sur ma tête. Depuis la quatrième marche, je peux tendre le bras et choisir. Mais je reste assise à les regarder. Ferdinand s’est endormi dans le salon, devant la télé. Sur son fauteuil, il se tient bien droit.
En face de la chambre de Jeanne et Ferdinand, il y a une porte. Elle mène dans le grenier sous les combles. Je n’y suis jamais allée. Ferdinand est devant la porte. Je suis derrière Ferdinand. Il me dit viens. Il y a deux pièces. L’une est tapissée d’étagères remplies de bocaux, de provisions, de boîtes en cartons, de vêtements rangés dans des plastiques transparents. L’autre pièce est fermée par une porte. Ferdinand l’ouvre. Les murs sont recouverts de bâches noires opaques et luisantes comme des sacs poubelle. La lumière est rouge. Il y a des cordes tendues entre les parois, des gros bidons remplis de liquide, des bacs, un appareil que je n’ai jamais vu. Ferdinand me montre. J’imite ses gestes. Des images apparaissent sous nos doigts.[…]
Lucie Braud
Ferdinand
Coll. Alter & Ego
Éditions de l’atelier In8
32 p. 4 €
isbn : 978.2.36224.017.1
http://editions.atelier-in8.com/catalogue/collection-alte...
photographie : Claude Chambard
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samedi, 04 février 2012
Stacy Doris, 21 mai 1962 — 31 janvier 2012
Synopsis de Kildare :
Sheila est une animatrice de talk show dont le brio ne saurait compenser son minable sens du timing. Adulée malgré tout, pleine de karma, d’ambitions et de fric, elle part en quête de vies antérieures au cours de chirurgies bénignes (simple routine), sous l’effet d’anesthésies (locales).
À partir du scénario arcadien d’une opération, la conscience de Sheila bascule à travers une série de vies antérieures (surtout les siennes) sous l’apparence (dans un ordre non chronologique) d’une petite voleuse, de Bénédicte (capturée par les pirates), d’Évelyne “Bouche-à-pipes”, de la fée Clochette (des chaumières), de Miss Kermesse, d’une contorsionniste, puis d’Elle-même — mais téléportée sur Mars, et autres archétypes de championnes.
Après une brève interview, un examen de conscience, quelques réminiscences, et un voyage dans le Temps (retour involontaire sur le film de sa vie), Sheila tombe enfin sur le vrai New Age (futur et post-nucléaire) où, réincarnée en Carmen, elle joue le rôle principal (celui du Bien) dans une lutte conte Kildare le docteur fou, en pleine conquête de l’univers (du moins ce qu’il en reste). En raison de transmutations, de l’ambiguïté d’un esclave, et d’autres contre-temps, le duel finit en match nul (avantage Sheila malgré tout). Kildare est dissous (l’est-il vraiment ?).
Enfin bref, de toutes façons, en une triomphale union de chômage et de béatitude, dans l’esprit d’être pour et contre à la fois, Sheila fusionne avec la demie-vie (putride, puante) de Kildare toujours en décomposition, donnant naissance (avant qu’il soit trop tard) à un prodigieux chœur d’infirmières interchangeables en quelque sorte (90.60.90) qui, accompagnées de leur toujours fidèle serviteur-géniteur Klink, s’envolent vers l’éternité pastorale du gaz hilarant.
(trompettes)
Stacy Doris
Kildare
(esquisse bariolée d’un tas de trucs incroyables)
traduit et adapté de l’américain par l’auteur & Juliette Valéry
Format américain, 1995
Stacy Doris en français :
Paramour, traduit par Anne Portugal & Caroline Dubois, P.O.L, 2009
Parlement, P.O.L, 2005
Le temps est à chacun, traduit par Martin Richet, Contrat Main, 2002
Une année à New York avec Chester, P.O.L, 2000
Paramour, traduit collectivement à la Fondation Royaumont, Créaphis, 1999
La Vie de Chester Steven Wiener écrite par sa femme, P.O.L, 1998
Kildare, traduit par l’auteur & Juliette Valéry, Format américain, 1995
Une vidéo de Stacy lisant La Vie de Chester Steven Wiener écrite par sa femme http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&...
15:51 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent
dimanche, 29 janvier 2012
Bernard Vargaftig, Nancy 24 janvier 1934 — Avignon 27 janvier 2012 & l'éternité
Bernard Vargaftig
Le lieu exact — ou la peinture de colette deblé
Vivantes
Les orties ô même l’orage
Et l’absence
Et les galets vont si vite
Même l’enfance
Tout-à-coup et la cour
Plus terrible où le mur craque
Et le gouffre
Et les arbres
Qui dévalent jusqu’au vent
Comme jamais
Regardaient le langage
………………………………………
Tant de fois
Les roches le lieu exact
La prairie et
Quand il manque une page
Tomber tomber
Était comme un murmure
Et le vent se précipite
Et l’espace
Loin derrière
Effaçant pente et parfum
Immensité
Que l’horizon saisit
………………………………………
Ah plus d’oubli
Et l’instant qui commence
Un récif
Que tout aurait fait bouger
Vent et lumière
La plage dénouée
Un murmure et si lointaine
L’étendue
Où sans cesse
Avalanche dans le sens
Le rosier comme
Mortellement échappe
[…]
les trois premières pages de
Le lieu exact
ou la peinture de colette deblé
imprimé au plomb
en Garamond corps 10
en mars 1986 par mes soins
à 15 exemplaires sur
Gravure du Moulin de Larroque
enrichis d’une peinture de Colette Deblé
& à 300 exemplaires sur vélin blanc
à Passage, Bordeaux
isbn : 2.905391.11.5
14:11 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : bernard vargaftig, colette deblé, à passage
mercredi, 21 septembre 2011
Charles Racine, "le sujet est la clairière de son corps"
« Les entrailles de l’âme qui ouvrent les plaines sans lier les convois qui l’enlacent entendent le pas du vent Le cheveu s’adoucit sous la main qui mit en sa joie le vent sous la nuit dessinée je frappe à pieds féconds qui montent sur la page atténuant l’écho qui monte en escalier dans le texte qui se procure un passage dans ce mot qui ne serait pas négocié et les abîmes que tu me dis côtoyer je les élis sur ma marche édifiante Une déchirure un divorce a lieu sur les grands fonds de l’âme élevés en toiles écrues tendues déçues crevant à l’apparition de la mariée qui pratique le cours de la mort dont elle élève les yeux à la cime d’un vain effort Savance progressive d’immanence m’anime que contourne merveilleuse soie ma peau Gros œil océanesque célèbre dans la soie les yeux de l’enfant célèbre en ses joutes Écriture a une vocation rallie le convoi qu’ouvre le poème ère de mie qui embue les yeux la prend en enfilade Poésie a une vocation en porte-à-faux de l’écriture Mie feu ! que n’éteint la cendre portée à la bouche est principe actif de mort Partout où mort voudra s’accomplir où mort voudra mourir se mettre à mourir elle ira chercher mie quel qu’en soit l’endroit pour y mourir Tu rattrapes dans le vertige le vertige, la nappe qui voyage circonvolutionne dans le vertige O la face qui se surprend à coucher à son ombre un retour se démantèle dans l’ombre dont elle halète y repose le pas tombe ses chairs au profit de la robe Un visage se cherche sur les épaules pour le désœuvrer se cherche vers le mystère Tu dévoiles les vaisseaux en haute mer pour incliner ton corps prosodique sur le front des vagues que désigne la courbe portative appelante d’un homme qui t’appelle Cette aventure se détache des syllabes qui la prononcent Cette foi de sang battue geint sous la syllabe qui la martèle L’éteignoir qu’élime la biche qui jamais ne se surprend dans sa lutte qui change de chemise dans l’autre bouche dont elle murmure d’être revêtue la chemise s’abandonne au titan Le lointain s’édifie sur l’infime croissant lunaire Le timbre oblitéré n’ajoute rien à cette gloire courbant l’échine sous la grandeur Je frappe sur un chambranle lieu s’escorte Le pan de texte ne m’ouvrit ses portes Il y faudrait de l’âme à battre le fer Façade inoubliable sur la place qui roule de ses veilles aux pieds d’un homme qui s’effeuille l’espace abdique ses pouvoirs mensongers sous le sceau de l’échec qui roule de ses veilles aux pieds d’un homme apriorique que leur inculque le pan de texte qui ne mettra jamais le visage à la fenêtre. »
1964
Charles Racine
Le Sujet est la clairière de son corps
avec quatre eaux-fortes de Chillida
Maeght éditeur, 1975
Repris in Ciel étonné
Fourbis 1998
15:30 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : charles racine, le sujet est la clairière de son corps, maeght, fourbis