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Écrivains - Page 72

  • Julien Blaine

    blaine-nuenmouvement.jpgJulien Blaine (Christian Poitevin pour l’état-civil) né le 19 septembre 1942 à Rognac dans les Bouches-du-Rhône, vit à Ventabren, non loin de Marseille, et nomadise le plus possible.  La clinique où il est né est devenue une bibliothèque ce qui n’est évidemment pas pour lui déplaire.
    Créateur des revues les Carnets de l’Octéor, Appproches, Robho, Gérarnonymo, Gang, Doc(k)s, il organise festivals, rencontres, expositions (Gogolin, Allauch, Tarascon, Marseille, Ventabren, Lodève) et crée en 1989 le Centre international de poésie Marseille (cipM).
    Poète, performer, artiste graphique, il explore inlassablement, toutes les formes que la poésie prend (langue, forme…). Son œuvre généreuse, quel qu’en soit le support, démontre cette infinie curiosité.
    Il abandonne la performance en 2005, lors d’une grande tournée “Bye-bye la perf”  qui l’entraîne de Marseille à Bordeaux, de Paris à l’île de la Réunion, de Nantes à Toulouse, de Lyon à Périgueux… Aujourd’hui il présente son travail dans des “déclaractions”.
    Actuellement un choix de son travail est présenté au [mac] (Musée d’art contemporain de la ville de Marseille), 69, avenue d’Haïfa  — 04 91 25 01 07.
    Parmi ses innombrables livres, il ne faut pas manquer :
    13427 poëmes métaphysiques, édit. Évidant, 1986, Bimot,  édit. Évidant, 1990, Calmar, Spectres Familiers, 1993, Du Sorcier de V. au Magicien de M., Roger Pailhas, 1997, L’Arc c’est la Lyre, Al Dante, 1998, Pagure, Al Dante, 1999, La fin de la chasse, Al Dante/Safaribooks, 1999, Se constituer vrai/ment Grand Père, le bleu du ciel, 2003, Bye-bye la perf, livre + CD audio, Al Dante, 2007, Poëmes Vulgos, Al Dante, 2008, les Cahiers de la 5ème feuille, 1 à 8, Al Dante, 2001-2009…

    Pour en savoir plus on se reportera avec profit au considérable catalogue qui a paru à l’occasion de l’exposition au [mac], Blaine au Mac un Tri, Al Dante, 21x28 ; 288 p. ; ill. ; 39 € ou au petit livre d’entretiens avec Agnès Olive, Julien Blaine, aux éditions la Belle bleue, 12x20 ; 96 p. ; 14,90 €. On peut l’entendre sur : http://www.ubu.com/sound/blaine.html

    * * *


    ecritureori-perf1-1.jpg« Trop marché dans la montagne ?
    Trop bu de café ?
    La côte, bien que courte,
    trop raide pour mes vieux mollets sur le pédalier du jeune vélo ?

    Puis le sommeil m’a capturé
    jusqu’à 3 h 50,
    m’a ressaisi jusqu’à 7 h 05
    et, à 7 h 50, j’ai commencé à écrire ça
    sur mon iBook,
    le livre de « je ».

    À cet âge :
    le bonheur de les voir
    s’accompagne
    de la douleur d’être.

    Lassé de la route,
    je regarde mes mains sur le volant :
    ce sont des mains de grand-père,
    les mains de mon grand-père…

    Heureusement pour s’amuser
    l’aïeule m’a verni l’ongle du petit doigt de la main gauche
    en or.
    Ainsi mes mains,
    surtout la gauche se distinguent.

    On reconnaît un grand-père à ses petizenfants
    & à
    ses pieds :
    tant de peau morte sur les talons
    tant de peau morte à l’angle extérieur et inférieur des orteils.

    On reconnaît un grand-père à ses petizenfants
    & à
    ses veines vert-clair et serpents bleus sous la peau.

    On reconnaît un grand-père à ses petizenfants
    & à
    les îles roses, mauves et violettes, dessins de ses veinules et de ses artérioles,
    qui éclatent sous la peau.

    On reconnaît un grand-père à ses petizenfants
    & à
    les minuscules  fissures interdigitales, les ondulations originales de certains ongles

    On reconnaît un grand-père à ses petitzenfants
    & à la faune et la flore microscopique qui essaie de l’envahir
    pour creuser des rides fragiles

    On reconnaît un grand-père à ses petizenfants
    & à »


    Se constituer vrai/ment grand-père, le bleu du ciel, 2003

     

    blaine.jpg

    Photos : Faire la bombe, 2007, photographie Joan Casellas
    La Pythie claustrophobe 1998, Villa Waldberta-Feldafing, Allemagne, Photographie D.R.

  • Pierre Reverdy

    images.jpgAujourd'hui c’est l'anniversaire de Pierre Reverdy, né le 13 septembre 1889 à Narbonne et mort le 17 juin 1960 à deux pas de l’Abbaye saint Pierre de Solesmes.

    Parmi ses nombreux livres, on retiendra particulièrement Le Voleur de Talan, 1917 (livre à nul autre pareil réédité en 1967 par Flammarion, on le trouve d'occasion sans trop de problème), Cravates de chanvre, 1922, Les Épaves du ciel, 1924, La Peau de l'homme, 1926 (un roman), Plupart du temps, 1945 (qui reprend plusieurs volumes antérieurs) et qui demeure un de ses plus grands livres, Le Livre de mon bord, 1948 (livre de notes)… Il anime la revue Nord-Sud, entre 1917 et 1918 – elle a été rééditée en 1980 par Jean-Michel Place. En 1926, il se retire près de l'abbaye de Solesmes, où il demeure jusqu'à sa mort et où il écrit l'essentiel de son œuvre dont plusieurs volumes sont disponibles dans la collection Poésie/Gallimard, dont Main d'œuvre publié en 2000, qui réunit des œuvres qui vont de 1913 à 1949.

     

    Plus tard

     

    “Le temps passé dans une chambre où tout est noir reviendra plus tard. Alors j’apporterai une petite lampe et je vous éclairerai. Les gestes confus se préciseront. Je pourrai donner un sens aux mots qui n’en avaient pas, et contempler un enfant qui dort en souriant.

    Est-il possible que ce soit nous-mêmes en vieillissant ? Il y a quelques morceaux de ruines qui tombent. ceux-là ne se relèveront plus. Il y a aussi quelques fenêtres qui s’éclairent. Et devant la porte un homme solide et doux qui connaît sa force et qui attend.

    Il ne reconnaîtrait pas lui-même son visage.”

    in la Lucarne ovale, 1916

     

    On peut, avec profit, se rendre sur le blog d'Angèle Paoli qui lui consacra une page en 2006 : http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2006/09/13_septembre_18.html

  • Claude Royet-Journoud

    Simi.jpgAujourd’hui c'est l'anniversaire de Claude Royet-Journoud, né le 8 septembre 1941.

    L’occasion de donner à lire un extrait de ce mince mais fondamental (mythique ?) livre qu’est Lettre de Symi, paru chez Fata Morgana en 1980 à 333 exemplaires. Orné de deux dessins de François Martin, il est précédé d’un texte de Roger Laporte à qui cette lettre était destinée et qui l'a reçue le 27 juillet 1979. Cette lettre est “aussi” une lecture de l'œuvre, alors en cours, de Roger Laporte.

     

    “Je relis entièrement Souvenir de Reims et autres récits.

    (“Aussi, pendant tout le premier mouvement, au lieu d’entendre la musique, je parvins seulement à voir le musicien.”

    Souvenir de Reims détient déjà la trame du parcours (Une migration, en un sens s'y oppose).

     

     

    Le soleil revient. La maison s’ouvre. Les voix quittent la peur. Ce n’est rien. Une journée entre les livres. Quelque chose de bleu. Un mur. Des objets. Cette main dans le vide.


    Déjà la perte. Le corps comme oubli. Un paysage.

    C'est-à-dire pour rien.

     

    Mon séjour ne te quitte pas.

    L’aspect d’une flèche.

    Quel est-il celui que la perte chasse ?

    L’air ébruite le sens.

    La répétition est sans lieu. Son errance la fonde. Invisible, bien sûr.

    (“Poursuivre”.)

    L’étonnante possibilité, malgré tout, d’un sujet (“je” à découvert, “je” doublant le jeu d’une fiction, d’une parole sujet). Déchirure. “… Il y a “autre chose ” qu’on ne trouve que par l’écriture, une expérience unique, irremplaçable qui ne commence qu’à partir du moment où l’on écrit ; si je mets tellement de temps à écrire, c’est parce qu’il n’y a rien de déjà vécu auparavant.”

     

    Préparation du corps, de la main, des sommeils. Dans l’acte “inachevable”. Toujours.”

     

    La photographie est de Marie Pierre Berne Ageron : avec nos remerciements.

  • Pascal Quignard

    À ne manquer sous aucun prétexte : http://www.dailymotion.com/video/k4t9wbKlxqa2pL17s7F

    Pascal Quignard s'entretient avec Sylvain Bourmeau à l'occasion de la parution de son livre La Barque silencieuse (Le Seuil), l'un des 30 livres de la rentrée littéraire Mediapart 2009. Un grand moment, rare.

  • Michel Chaillou, “le dernier des Romains”

    chaillou.jpgConnaissez-vous Montauvert ? Et la Gartempe, cette rivière un peu sorcière qui la traverse ? C’est en Poitou, dans la Vienne même, au sommet d’un triangle dont Chauvigny et Saint-Savin seraient la base.
    C’est là que Samuel Canoby est nommé dans un « vieux lycée pacifique » après sa démobilisation, après l’expérience traumatisante de la guerre d’Algérie.
    Samuel vient de divorcer d’Ange et il n’imagine pas rester célibataire bien longtemps. Il aime trop les femmes pour rester seul, dans le studio de Poitiers, au-dessus du garage, dans sa chambre d’hôtel de Montauvert ou dans la maison qui penche au bord de la Gartempe. Entre deux bavardages avec Jean Raison, latiniste distingué et obsédé et son amie Jane, entre un voyage en Espagne avec le proviseur et un autre avec Carole, entre Apulée, la Possonnière de Ronsard et les cauchemars de la guerre d’Algérie, entre le fantôme de son père, Alex dit Ray, et ses savants conseils de séduction, et les lettres de sa mère, Charlotte Eva, installée au Brésil, entre deux tours avec la Ford Anglia – à moins que ce ne fut une Fiat–, Samuel – dont Michel Chaillou nous livre ici le tome quatre des aventures, après La croyance des voleurs, Mémoires de Melle et La vie privée du désert – qui a pris de l’âge, se souvient avec tendresse et bonheur de ces quelques mois au retour de la guerre, se souvient de Mélissa, de Carole et des autres… et ce sont des visiteurs, comme seul l’auteur de Domestique chez Montaigne ou du Sentiment géographique sait nous tirer le portrait, qui viennent, précautionneusement mais puissamment nous raconter le temps et l’amour qui toujours nous tiennent au cœur et à la vie.

    « Les masses de terre qu’il soupçonnait à droite et à gauche, en fait c’était à Montauvert son lit, sa montagne d’oreillers et la paix du Poitou. Il rêvait, songeait trop. De point d’eau, nul besoin désormais, elle frémit partout sous la terre dans cette heureuse région de France où l’on ne compte plus les fontaines et les sources et où l’herbe pousse haute et où l’on ne s’éclaire pas à la bougie.
    La chandelle, c’est bon pour les contes à endormir les enfants, et alors il se levait s’il était assis, ou s’asseyait s’il était debout. Il se devait maintenant de se sentir vivre, exister, allant aussitôt pour s’en convaincre se rafraîchir le front, s’inonder la bouche, que plus aucun mot torréfié n’en sorte sec comme cet Est algérien que le soleil momifiait, et surtout il lui fallait apprendre à ne plus se souvenir, à rejeter au loin et à jamais ce terrible sentier que la centaine de parachutistes allaient emprunter et dont il ne voulait plus qu’il lui entortille les pieds à Montauvert.
    « Je suis libre, libre », il lui arrivait de crier dans la maison qui penche, et les chaises, qui ne demandaient qu’à le soutenir, approuvaient toutes, j’en suis sûr, craquant par sympathie plus que d’habitude, et dans l’évier de la cuisine jusqu’au vieux robinet qui consentait à perdre quelques gouttes d’approbation.
    Mais il y avait cet étage condamné au-dessus de sa tête où il avait imaginé de stocker toutes ses frayeurs, celles parfois qui le faisaient tomber du lit quand, ses cauchemars le prenant à bras-le-corps, il luttait contre sa mémoire. »

    Michel Chailllou
    Le dernier des Romains
    Fayard, 2009
    13,5x21,5 ; 448 p. ; 22 €

  • Franz Kafka, Journal

    images.jpg“Celui qui, vivant, ne vient pas à bout de la vie, a besoin d’une main pour écarter un peu le désespoir que lui cause son destin – il n’y arrive que très imparfaitement –, mais de l’autre main, il peut écrire ce qu’il voit sous les décombres, car il voit autrement et plus de choses que les autres, n’est-il pas mort de son vivant, n’est-il pas l’authentique survivant ? Ce qui suppose toutefois qu’il n’ait pas besoin de ses deux mains et de plus de choses qu’il n’en possède pour lutter contre le désespoir.”

    19 octobre 1921

    Journal, traduit par Marthe Robert, Grasset, 1981

  • Pierre Bourgeade est mort

    images.jpgPierre Bourgeade né le 7 novembre 1927 à Morlanne (64) est mort hier, 12 mars 2009.

     

    TOMBEAU DE PIERRE (MOLINIER)

    “Molinier habite un deux-pièces cuisine dans un vétuste et poussiéreux hôtel du vieux Bordeaux. La seconde pièce est celle où Molinier travaille, mange, dort, peint, photographie, développe, tire, agrandit, menuise, forge, etc. Pièce encombrée de tableaux, livres, mannequins, fusils, poupées, couteaux, pinceaux, habits noirs, cravaches, fouets, bottines, bracelets, fers, simulacres. Vastes tiroirs secrets recélant quatre-vingt-trois sortes de condoms. Dans la première pièce, où l'on entre sitôt la porte vermoulue, Molinier entasse, depuis plus de trente ans, tous les détritus non périssables (impérissables ?) de sa vie. Ces détritus forment aujourd'hui (février 73) un tumulus de quelques tonnes, qui grandit tous les jours, et au sommet duquel est fichée une croix de bois noir sur laquelle on peut lire :

     

    PIERRE MOLINIER

    1900-19--

     

    L'intention de Molinier est d'écrire, le jour venu, la date qui manque, de se coucher sur le tas de déchets, seul, en souliers de femme, les levrettes fardées, une voilette sur l'épi, et de se tirer une balle dans la tête.”

    Extrait de “nocturne” in L'Aurore boréale,

    Gallimard, coll. Le Chemin, 1973

    Sur Pierre Bourgeade: http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bourgeade

  • POUR JACQUELINE CAHEN


    Nous sommes des livres brefs.
    Quelques pages.
    De minuscules dos dans la très grande bibliothèque.
    Mais la voix, la langue, prennent toute la place et flottent éternellement.


    Tout poème est un silence qui n’a pas voulu devenir bavard.
    Chaque langue est un sacrifice au silence.
    Celui qui écrit se tait, ne se tait pas, jamais.
    Dans le livre, la voix est silencieuse.
    C’est de la langue qui se fige.
    Tous ceux qui écrivent, en regard de la voix, ont la gorge tranchée.


    Les enfants lisent à haute voix. Leur index suit les mots un à un.
    Parfois ils les brusquent, ils buttent, sautent, enjambent… donnent de la voix, de la gorge, de la poitrine, du ventre, sortent les mots du livre, bâtissent des arches, des ponts, des palais pour la voix, écorchent les mots, remplissent le monde de mots – C’est la langue qui entre ! C’est la langue qui sort !


    Personne ne peut voir, d’un coup, les six côtés d’un livre, ni toutes les faces d’une urne funéraire. Tous les deux contiennent de la cendre.
    Les cendres de nos livres pèsent-elles plus ou moins que nos cendres ?
    Disparu dans l’opacité du langage, nous restons clair comme le bruit de la langue.


    La langue d’un ami est le plus doux des tombeaux, on ne s’y ennuie jamais.
    Nous n’y avons plus à nous soucier de rien.
    Nous n’y avons plus rien à faire qu’à nous laisser bercer, comme dans un nid moelleux, chaud et un peu humide.
    Nous n’y souffrons plus, jamais.
    Nous y avons la liberté d’un nuage.


    Parfois le vent est lent et l’immédiat labile.

     

    (avec des mots, en italique, de Pascal Quignard, Julien Blaine

    & Jacqueline Cahen)

  • Jacqueline Cahen

    images.jpgSon compagnon, Jean-Pierre, vient de m'apprendre  le décès de notre amie Jacqueline Cahen. C'est une terrible nouvelle et chacun qui la connaissait ne peut qu'être effondré.

    Poète, et traductrice, Jacqueline Cahen vivait à Paris et à Belle-Île-en-Mer où ses cendres sertont dispersées après une cérémonie qui accompagnera la crémation au cimetière du Père-Lachaise à Paris, le 4 février à 14 h.

    Créatrice en 1979 avec Jean-Jacques Lebel de Polyphonix, collectif d’artistes, elle organisait des festivals de poésie-musique-vidéo-performances dans le monde entier. Elle a travaillé et fait de nombreuses performances en France et en Europe, seule et avec des musiciens.

     

    Mer haute                       Marée descendante

     

    Un autre jour est né

    de la dispersion des ordres élémentaires

    Après disparition des remous

    d'eaux grises

    opaques et salées

    un ciel immobile s'est installée

    couvrant des corps bien au-delà de notre vision

    Du point unique où je me tiens

    les angles sont nuls

    et je sais que les vagues n'atteindront plus mes pieds

    D'une lunaison l'autre

    l'oubli passe    Un frisson

    notez-en le pourquoi

    (L'écume de mer est un bois dit-on

    mais il me semble que l'on ment)

    Le ressac vide le sable d'eau

    Du bruit toujours     Pas

    d'oiseaux

     

    Et l'émotion naît d'on ne sait où

     

    in L'immédiat labile, Polyphonix/Nèpe, 2007

     

    Elle a avait publié :


    L’immédiat labile, poèmes accompagnés de dessins de Jean-Jacques Lebel, éd. Polyphonix/Nepe, mars 2007

    Scènes de crime, éd. ADN, Suisse, 2005

    Polyphonix 25 ans, collectif, Flammarion/Léo Scheer, 2004

    Les blasons du corps féminin, collectif, Spectres familiers, 1993

    Les maux par les mots, avec Marie-Rose Lefèvre, Mercure de France, 1989

    Impressions graphiques avec illusion d’optique – Livre-objet avec Sophie Boursat




     

  • Dans ma maison sous terre

    images-1.jpgChloé Delaume
    Dans ma maison sous terre
    14x20,5 ; 216 p. ; 17 €
    isbn : 978.2.02.098302.0
    Éditions du Seuil, coll. Fiction & Cie, dirigée par Bernard Comment.

    B5, il y a la mère et le grand-père par-dessus.
    Autour de cette tombe, Chloé Delaume bâtit un livre dur et net. Loin des emballements de langue des débuts avec ses deux grandes réussites – les Mouflettes d’Atropos et le Cri du sablier, tous deux initialement aux regrettées éditions Farrago et repris aujourd'hui en Folio –, elle a creusé jusqu’à l’os, jusqu’à la mâchoire, et la langue est à vif, juste, juste avant, juste après, juste maintenant, au présent de la narration.
    Un projet : écrire un livre qui tuera Mamie Suzanne, la langue doit bien y parvenir, puisque « je n’ai que l’écriture comme moyen de résistance ».
    Elle arpente les allées du cimetière avec Théophile, tout à la fois, compagnon discret, fantôme bienveillant, psychanalyste  – quand on est psychotique on ne fait pas d’analyse, on prend de l’Abilify par exemple –, psychanalysé, transfert, écrivain raté… une bonne béquille pour faire avancer le livre, pour soutenir et relancer la narratrice, sur l’air de  Scandale dans la famille, l’épouvantable scie chantée par Sacha Distel qui dit le secret qui doit rendre contente : « ton père n’est pas ton père ».
    Oui, ici de tombe en tombe, de fantôme en fantôme, de cousine en oncles incertains, Chloé Delaume, construit un roman de la maturité – plein d’humour –, simple, dur car douloureux, une fiction familiale et musicale – on visitera très à propos le site de l’auteur : http://www.chloedelaume.net/ –, où la voix des morts, participe du récit pour interroger notre rapport à la mort et à la littérature.
    « J’ai construit mon histoire sur un terrain si vague que sans fouille les fossiles affluent pour me blesser. » Treize tentatives de suicide plus tard, voici Dans ma maisons sous terre, comme un nouveau dialogue possible avec Chloé Delaume.

    Photo © www.tierslivre.net/

  • Hammurabi Hammurabi

    BOYER_200.jpgHammurabi fut le sixième roi de Babylone. Il régna de 1792 à 1750 avant Jésus-Christ. Il promulga le Code, qui porte son nom, rédigé en akkadien, gravé sur des stèles, érigées sur les places publiques. L’une d’entre elles, découverte en 1901 à Suse, en Iran, se trouve au Musée du Louvre.
    Frédéric Boyer les a vu, les a lu, a écrit, puis a lu des versions du texte qui paraît aujourd’hui chez P.O.L devant cette stèle en 2007 et 2008.
    Si Frédéric Boyer joue avec le temps et les voix, les tons, il est soldat d’Hammurabi, GI, Hammurabi lui-même… Frédéric Boyer en auteur de ses propres stèles ici déchiffrées patiemment… c’est afin de montrer ce qui, à travers le temps, est identique, procède du même, mais aussi ce qui manque à chacun des temps pour emplir le silence d’entre les lignes.
    Le monde a-t-il tellement changé ? Non, certainement pas. Non, il procède toujours du chant, de la litanie, du psaume, de la loi, de la langue qui multiple est unique. C’est pourquoi ici les voix se mêlent en une seule – « Si nous vivons dans la mémoire et dans la mémoire de nos cœurs, et dans la mémoire de nos regards, et si nous vivons dans la mémoire de nos corps comme dans la prison du crâne d’autrui. » – qui, le temps d’une récitation, d’une transe, dit l’hier, l’aujourd’hui et sans doute l’avenir.
    Un vrai livre pour commencer l’année, Hammurabi, Hammurabi, si nous te lisons.


    Claude Chambard


    Frédéric Boyer
    Hammurabi Hammurabi
    11x16 ; 64 p. ; 10 € ; isbn : 978.2.84682.293.0

    PS : paraît du même auteur, chez le même éditeur, dans la même livraison, Orphée, nous y reviendrons

  • Un diamant brut

    szczupak.jpgL’Yonne, Maman Blanche et Papa Edgar sont de braves gens, de ces bons paysans qui encaissent autant qu’ils savent donner. Yvette, leur est confiée par l’Assistance publique, même si encore, pas loin, rôde l’ombre d’un père qui ne l’est peut-être pas. Mais l’administration n’aime pas le bonheur aussi la belle enfant aux beaux cheveux blonds est déplacée dans une famille de brutes où la patronne l’humilie jour et nuit. L’hôpital peut sauver les malheureux. Après un séjour entre les infirmières en cornettes, toutes de gentillesse et d’humilité, Yvette ira, à deux pas de Vézelay, chez Maman Phasie et Papa Gustave qui aimeraient bien une petite pour habiter – plus tard – la maison destinée aux enfants qui sont partis.
    Et elle est bien Yvette dans ce petit monde simple et paisible, entre l’école et les animaux, les douceurs et l’affection. Ce pourrait se terminer comme ça, une vie simple à la campagne, mais ce serait sans compter le fait qu’à partir de 14 ans les pupilles de l’Assistance doivent travailler pour rembourser l’État, sans compter sur les quasis voisins, des parisiens de « la haute », trouvent que la mignonne est « un diamant brut » qui sait même dessiner. Christian et Yvonne Zervos vont s’engager à adopter la jeune beauté. En traversant le champ qui sépare la ferme de Phasie et Gustave de La Goulotte, la maison de Taky et Yvonne, la jeune fille ne sait pas encore dans quel monde elle est tombée. Elle a 13 ans, et bientôt elle partira à Paris, rue du Bac. Entre Eluard et Nusch, Bataille, Balthus, Miró, Léger, Giacometti, Char – l’amant d’Yvonne – aux shorts si larges qu’ils laissent apercevoir des breloques, Braque, Brauner, Hélion… c’est Picasso qui sera son préféré, lui qui la guide, l’accompagne, sans rien demander – ce qui n’est pas le cas de tout le monde, pensez… Zervos, ce cher Taki, l’homme des Cahiers d’art, le mécène, l’ami du tout Paris, lui demande – ce n’est pas bien méchant, n’est-ce pas – de « moucher son tuyau à pipi », puis on passera, tandis que Char et Yvonne frétillent, aux choses sérieuses… Yvette tournera dans un court-métrage poético-artistique de René Char financé par les Zervos avec Jacques Dupin en jeune premier... mais déjà elle pense à fuir cette existence insouciante. Elle part avec Monsieur Sacha Szczupak (Choux-Pâques, dit-elle, car elle raffole des surnoms qui font malentendus – on pourrait dire si exactement entendus) en Israël. Là-bas elle trouve quelque chose en elle-même qui n’attendait que pouvoir se révéler : « L’Ailleurs, c’est ici ».

    Elle quittera la France, et le couple qui l’avait adopté et ne savait que la manipuler, deux mois avant sa majorité. Elle obtiendra le certificat de conversion n° 6 de l’État d’Israël, épousera Sacha et après avoir écrit ce livre simple et complexe pourtant elle s’y éteindra en 2003. Livre simple et complexe à la fois car son auteur est un écrivain. Elle sait remuer sa phrase pour, en racontant, faire passer ce qui compte, ce qui bâtit une demeure pour soi où l’on peut accueillir l’autre, les bras grands ouverts. Sans regret, sans haine non plus, elle décrit des mondes, des époques, des êtres avec une justesse et une drôlerie étonnantes.
    De surcroît elle donne à lire un redoutable témoignage sur ce que ne devrait jamais être l’adoption.

    Yvette Szczupak-Thomas
    Un diamant brut
    14x21, 448 p. ; 20 € ; isbn : 978.2.96424.654.1
    Métailié, 2008