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Livre - Page 31

  • Young Appolo à la Cabane

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     Vient de paraître

    aux éditions La Cabane à Bordeaux

    14,5x19 ; 16 p. ; ean : 9782916193120 ; 6 € 

    Commandes et renseignements : lacabane_edit@yahoo.fr

  • Young Appolo

    Je suis assis au pied des Pyrénées entre roc & mer.
    Tout près, je le sais, il y a la guerre qui me poursuit.
    J’aurais voulu venir ici pour d’autres raisons. J’aurais pu m’asseoir à la terrasse de ce petit café & réfléchir & écrire pendant des jours & des jours.
    Aujourd’hui, je dois – oui, je dois – rester assis là & attendre.
    Je ne sais pas effacer mes traces. Les chiens me trouveront.
    La lumière & l’air sont si mobiles que j’en ai mal aux yeux.
    Par quels mots suis-je parvenu jusqu’ici… par quels mots, serai-je conduit au récit de ma fin. À la fin du récit.
    Je n’ai plus de force dans les mains.
    Les mots se dérobent, ils ne comprennent pas qu’ils sont le récit sans moi.

    977109173.jpgextrait de Young Appolo, à paraître

    aux éditions La Cabane à Bordeaux, le 11 juin.

    14,5x19 ; 16 p. ; ean : 9782916193120 ; 6 € 

    Commandes et renseignements : lacabane_edit@yahoo.fr

     

  • Depuis des jours

    depuis des jours la pluie
    ce matin du brouillard

    j’habite la petite maison de pierre
    cette petite maison qui m’émeut
    car elle ressemble à la petite maison
    de mon enfance
    où je suis heureux pour toujours

    depuis des jours la pluie
    & ma petite voix qui chuchote
    « tu es d’un autre siècle »


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    Ces quelques lignes constituent la page 19 de mon prochain livre,

    le Chemin vers la cabane, à paraître en juin au bleu du ciel.

  • Je suis resté immobile....

    Je suis resté immobile une grande partie de la soirée devant une tasse. Il faut être fou pour fabriquer l’avenir. Comme ce mot est étrange ce matin.

    Puis je suis allé m’allonger le long du muret en moellons pour parler avec les anciens. Pour la première fois le ciel était clair. La Grande & la Petite Ourse, le Chariot, le Lion & le Petit Lion, la Chèvre, le Lynx… Il faisait froid. Grandpère m’a dit qu’il avait parlé avec ton grand-père. Que c’était bien nous deux. Nous avons parlé assez longtemps. Tout était très silencieux. J’ai pensé que le lierre allait s’entortiller autour de mon corps. Grandpère m’a tendu un gobelet que son père avait forgé. L’eau était fraîche & avait un petit goût de fer. « Ne sois pas mélancolique » m’a t-il dit.

     

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    Ces quelques lignes constituent la page 57 de mon prochain livre à paraître en juin au bleu du ciel. 

  • Thomas Bernhard, « Maîtres anciens »

    39126115.jpg« Le monde et l’humanité sont parvenus à un état infernal auquel le monde et l’humanité n’étaient encore jamais parvenus au cours de l’histoire, voilà la vérité, voilà ce qu’à dit Reger. En fait, c’est positivement idyllique, tout ce que ces grands penseurs et ces grands écrivains ont prophétisé, a dit Reger, tous tant qu’ils sont, bien qu’ils aient estimé avoir décrit l’enfer, n’ont tout de même décrit qu’une idylle qui, comparée à l’enfer dans lequel nous vivons aujourd’hui, a été une idylle positivement idyllique, voilà ce qu’à dit Reger. Tout ce qu’on trouve aujourd’hui est rempli de grossièreté et rempli de méchanceté, de mensonge et de trahison, a dit Reger, jamais l’humanité n’a été aussi impudente et perfide qu’aujourd’hui. Où que nous regardions, où que nous allions, nous ne voyons que méchanceté et bassesse et trahison et mensonge et hypocrisie et jamais rien que l’abjection absolue, peu importe ce que nous regardons, peu importe où nous allons, nous sommes confrontés à la méchanceté et au mensonge et à l’hypocrisie. Que voyons-nous d’autre que mensonge et méchanceté, qu’hypocrisie et trahison, qu’abjection la plus abjecte lorsque nous sortons ici dans la rue, lorsque nous nous hasardons à sortir dans la rue, a dit Reger. Nous sortons dans la rue et nous entrons dans l’abjection, a-t-il dit, dans l’abjection et dans l’impudence, dans l’hypocrisie et dans la méchanceté. Nous disons, il n’y a pas de pays plus menteur, pas de plus hypocrite et pas de plus méchant que ce pays, mais quand nous sortons de ce pays ou que nous regardons seulement au-delà, nous voyons qu’en dehors de notre pays, aussi, seuls la méchanceté et l’hypocrisie et le mensonge et l’abjection donnent le ton. Nous avons le gouvernement le plus répugnant qu’on puisse imaginer, les plus hypocrite, le plus méchant, le plus grossier et en même temps le plus bête, disons-nous, et naturellement ce que nous pensons est juste, et nous le disons d’ailleurs à tout moment, a dit Reger, mais lorsque nous regardons en dehors de ce pays abject, hypocrite et méchant et menteur et bête, nous voyons que les autres pays sont tout aussi menteurs et hypocrites et, tout compte fait, tout aussi abjects, a dit Reger. »
     
    Thomas Bernhard
    Maîtres anciens
    Traduit de l’allemand par Gilberte Lambrichs
    Gallimard, coll. Du Monde entier,  1998, rééd. Folio n° 2276, 1991

     

  • Appel pour le livre

    Internet, le livre et la circulation des idées

    Appel pour le livre

    Lekti lance une pétition à laquelle j'adhère résolument. Je ne puis que vous inciter à la signer pour que ce qui nous réunit le mieux, le livre, soit toujours et encore un lieu d'amitié, de folie, de résistance et pas seulement un produit commercial.


    Vous pouvez signer le texte de la lettre ouverte présentée ci-dessous.

    http://www.lekti-ecriture.com/contrefeux/Appel-pour-le-livre,316.html

    Internet est une chance formidable pour le livre : ce médium permet à l’ensemble des lecteurs de percevoir une production qui était jusque-là, parfois, difficile d’accès. Internet permet de découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux textes, de nouveaux éditeurs, et d’enrichir considérablement l’accès à la culture pour tous.

    Pour autant, depuis moins d’un an, la mise en place d’un vaste monopole sur la vente en ligne de livres sur l’Internet, avec Amazon.fr, menace de manière profonde la diversité culturelle que nous sommes en mesure d’attendre de l’Internet. La politique commerciale très agressive de ce groupe, qui demande des marges commerciales extrêmement élevées aux plus petits éditeurs, les fragilisant de manière excessive, afin de financer leur politique de frais de port offerts, menace de manière profonde la promesse d’une plus grande accessibilité au livre pour tous, sur l’Internet.

    Amazon exclut désormais, de manière systématique, la présentation de livres dont les éditeurs refusent de se soumettre à leurs conditions commerciales. La politique des frais de port offerts par Amazon est rendue possible par la demande de surremises aux éditeurs, non par une plus grande efficacité économique, contrairement à ce qu’il est souvent affirmé. La gratuité des frais de port est une illusion, puisque ce dispositif est « financé » par les éditeurs, à qui il est demandé une remise plus importante.

    Amazon.fr a été condamné en décembre 2007 pour le non-respect de la loi Lang, autrement appelée Loi sur le prix unique du livre, une loi considérée comme « la première loi de développement durable », qui garantit un prix de vente des livres souvent inférieur à celui pratiqué dans des pays qui ne disposent pas d’un tel dispositif, et permet à l’ensemble des acteurs du livre de recevoir une juste rétribution.

    Amazon a décidé de ne pas respecter le jugement, de manière volontaire, et de stigmatiser de manière très violente, à travers un forum et une pétition, les librairies françaises. Contrairement à ce qu’il est parfois affirmé, les gens du livre, notamment les libraires, n’ont pas peur de la révolution numérique. Ils ont simplement besoin que soient respectés les principes essentiels liés au commerce du livre, qui sont ceux d’une concurrence saine basée sur le savoir-faire de chacun d’entre eux, afin d’assurer à tous un plus grand accès à la culture.

    Nous, simples lecteurs comme professionnels, demandons donc aux hommes politiques de réagir, et de renforcer les dispositions de la loi sur le prix unique du livre et de l’adapter à l’univers du numérique, afin qu’elle ne soit plus contournée de manière systématique par les grands sites Internet de vente en ligne dont certains, placés en situation d’abus de position dominante, concourent de manière importante à fragiliser le socle sur lequel peuvent s’appuyer les auteurs, pour diffuser la création et les idées.

    Nous demandons également aux pouvoirs publics de faire respecter une décision de justice qui vient justement de condamner un site Internet de vente de livres.

  • Christian Bourgois

    37a6584c105f09a5e5f797bbb8ecb135.jpgChristian bourgois était un seigneur. Ça devient rare. Il va falloir les protéger comme les baleines. C'était un éditeur, un grand.

    Né à Antibes en 1933, il est mort jeudi matin à Paris, à 74 ans, des suites d’un cancer qu’il a supporté avec son élégance coutumière. L'élégance d'un seigneur.

    Il aimait les livres et leurs auteurs et leurs traducteurs, c'est rare. 

    Jim Harrisson, Jean-Christophe Bailly, Antonio Lobo Antunes, Michel Deutsch, Laura Kasischke, Linda Lê, Juan Marsé, Enrique Vila-Matas… doivent tous être en larmes depuis hier. Ils ont perdu leur éditeur en France.

    Allez les rejoindre et tous les autres sur  www.christianbourgois-editeur.fr/

    Il va sérieusement manquer.

  • Le coffret, le secret

    bab9794e153b13157a1d42bc861af971.jpgLe coffret, le secret, quatre à quatre.

    Alina Reyes, Jacques Abeille, Claude Chambard, Gérard de Loiès. 19 € 

     

    http://www.zazieweb.fr/site/reagir.php?num=86587&readonly=true 

     

    Également un très long article de Katrin Alexandre "Lectures, onguents et voluptés" dans le numéro 7, novembre/décembre 2007, du Magazine des Livres. En voici le début : "Ce beau coffret de nouvelles érotiques, composé de quatre textes inédits proposés par les éditions In8 est d'abord un délice pour les yeux et pour le toucher. On ouvre les quatre livrets aux pages satinées comme on ouvre un écrin ou le cœur d'une pivoine pourpre, excité par le mystère qu'ils comportent." Allez lire la suite.

  • Les Carcasses

    fad0a48ff2a200a41ed250552be02656.jpgRaymond Federman

    Les Carcasses

     

    Si ce n'était Raymond Federman qui donc pourrait nous entraîner au pays des carcasses… pas grand monde… Pas grand monde en effet qui soit capable aujourd'hui, dans un univers littéraire de plus en plus étriqué et sec, qui ait les moyens de prendre la mort avec le sérieux nécessaire et la dérision indispensable. Cette histoire qui nous concerne évidemment, puisque, que l'on soit écrivain, mouche, rose, lion d'Afrique en exil à San Diego, radis, artichaut, chêne… on sera carcasse, dans la zone des carcasses où le temps prend le temps de ne plus bouger d'un iota. Pas grand monde qui soit capable surtout de faire ce remarquable saut de l'ange inversé à la fin – justement – pour nous remettre, le temps de quelques phrases, les idées en place, et la mort en face.

    « Dans un moment de réflexion j’ai levé les yeux là-haut sur les housses du ciel puis sur la splendide vue devant moi
    – incroyable – et j’ai pensé – quand tu mourras tout cela s’éteindra – plus rien à voir – nothing more –
    juste le noir – ça sera comme si tu plongeais dans un grand trou noir – la tête la première qui fendra l’air – »



    Librairie Olympique, 23, rue Rode - 33000 Bordeaux

    05 56 01 03 90 infos@librairie-olympique.fr

    2007 ; 11x18; 36 p. ; 6 € ; ISBN 978-2-9527604-1-6

  • La Rencontre dans l'escalier

    Vient de paraître par l'auteur de ce blog :

     

    6c69b24e8f7ac7b0e6aa649c83f2dbef.jpgLa Rencontre dans l'escalier

    Claude Chambard 

    Editions de l'Atelier In 8, www.atelier-in8.com/editions 

    Coll. La Porte à côtée ; 11x17 ; 40 p. ; 5 € ; isbn 978.2.916159.37.9 

    "Une maison, un salon, un bureau, un grenier, un escalier. Et des livres, des livres partout du sol au plafond. Un homme en bas, une femme en haut, que sépare chaque jour davantage l'escalier, cet escalier où montent et descendent leurs voluptueuses attentes, gonflées des mots que l'un habille ou travestit, emplies des mots que l'autre dénude et caresse de sa bouche rouge. Une maison où se croisent leurs désirs sans ne rencontrer jamais que leurs amants de papier, où les cris du plaisir de l'un sont la souffrance de l'autre, où le jouisseur est toujours le soliste d'une ultime et meurtière musique." dit la quatrième de couverture. 

  • Cercle

    27d276cda058ec21cfc9118ed05a5752.jpgCercle
    Yannick Haenel

    « Lorsqu’on écrit une phrase d’un livre, toutes les phrases de ce livre se mettent à vibrer. Celles qui sont déjà écrites, aussi bien que celles qui vont s’écrire. Elles se déplacent, s’ajustent. C’est imperceptible. Au moment d’écrire une phrase, cette phrase vous est donnée par les autres phrases du livre : en se mettant à exister, elle modifie par sa seule existence l’ensemble des phrases, qui toutes se mettent à changer, tout en restant les mêmes. »


    Voici un livre qui divise. Tant mieux ou qu’importe.
    Je n’ai pas lu les précédents livres de Yannick Haenel.
    J’ai entendu bien des sottises sur Cercle, venant, pour l’essentiel, de gens qui avouaient l’avoir parcouru, avoir fait du vent avec les pages. De cette famille très répandue des lecteurs qui ne lisent pas mais qui savent – et le livre de Pierre Bayard bien mal lu leur donne, croient-ils, raison. Ce n’est pourtant pas du tout ce que Bayard souhaitait d’évidence.
    J’ai beaucoup aimé Cercle, lu pour l’essentiel dans le train.

    Depuis la dernière page – manuscrite –, Cercle continu son chemin en moi. J’y pense beaucoup. J’ai recopié de nombreuses phrases.
    C’est un livre où la phrase est fondamentale.
    Les livres où la phrase a toute sa place ne sont pas si courant. – Pierre Guyotat, Roger Lewinter…
    Yannick Haenel vient d’écrire un gros livre où il exprime la phrase  – comme on dit qu’un torero exprime le toro.
    Cinq ans sur la phrase. Phrase après phrase. Cinq ans.
    Parce que la phrase mérite la lenteur, le travail, oblige à une déambulation en soi-même afin de se réveiller du cauchemar de l’Histoire – cf. Benjamin et Joyce – et de notre propre histoire.
    La phrase comme renaissance, voilà ce que Yannick Haenel propose et il a bien raison.
    Moby Dick, Ulysse, Dante, Joyce… et Benjamin, Celan, Sebald, témoins incontournables de l’Histoire du XXe siècle. Tous croisés dans le livre dans la contraction du temps que permet l’écriture, que permet la phrase.

    Une danseuse – Anna Livia de la troupe de Pina Bausch – dont les gestes lestés de sens et de légèreté font échos aux phrases, des femmes, beaucoup de femmes, beaucoup de corps de femmes, puisqu’il s’agit de reprendre absolument vie.
    Jean Deichel saigne, et ce retournement du corps, ce retour au corps, permettent à la vie de revenir, puisque la mémoire immémoriale n’abandonne jamais celui qui s’engage dans la voie du langage.

    Au début du livre Deichel décide ne pas prendre le train de 8h07 qui l’emmène à son travail. Plus tard, on trouvera ces phrases que chacun doit méditer sauf mourir : « Appartenir au “monde du travail”, c’est collaborer à son propre écrasement. » « Comment avez-vous pu laisser vos vies se rétrécir ? demande Marx (par ma bouche). N’est-ce pas la seule question ? La seule véritable question politique ? On commence par se sentir misérable, et voici que l’on met à barboter dans la souille, dit-il (par ma bouche). Bien sûr, la plupart du temps, ça ne se voit pas. La boue est invisible. C’est toujours comme ça avec la classe moyenne : elle sauve les apparences. Mais dès que vous approchez le nez, ça sent le derrière humain. Car les petits compromis honteux ont beau se fondre dans votre intimité – ils schlinguent. Vous laissez votre vie quotidienne se facturer comme une marchandise, comme un slip, un aspirateur, une portion de frites ? Si vous bradez ainsi votre âme, c’est normal qu’elle sente mauvais.»

    Il faut lire ce livre, ambitieux. S’y précipiter, on ne s’y perdra pas car «Le labyrinthe n’est pas le chemin qui vous mène à votre perte, mais le chemin qui revient. Celui qui vous ramène toujours au même point – à cet instant qui est, qui a été, qui sera. Ce point est le vôtre. C’est ce point qu’il faut vivre, et les phrases vous ouvrent à ça. Car au moment où une phrase s’écrit, toutes les phrases existent. Dans l’éternel retour des phrases, le réveil a lieu à chaque instant.»


    « Avec un manteau et du papier, le monde s’ouvre. Avec un manteau, de l’encre et du papier, vous changez le monde. Et même si personne ne le remarque, cela n’empêche pas le monde d’être changé. Que quelqu’un, à l’instant, s’enveloppe d’un manteau, qu’il trouve de l’encre et du papier, qu’il commence à écrire, et l’on verra si le monde reste le même. »

    Oui, on verra.

     

    Gallimard ; coll. L’Infini ; 14x20,5 ; ill. ; 500 p. ; 21 € : isbn : 978.2.07.077600.9

     

  • Aller au diable

     

    36140496917c2caeaea01ec755202aaa.jpegAllain Glykos
    Aller au diable
    14x20,5 ; 128 p. ; 14 € ; isbn : 978.2.914387.90.3

    Allain Glykos – le crétois de Talence comme ils disent au football –, nous donne depuis bientôt vingt ans régulièrement de ses nouvelles et, le plus souvent, par les bons soins de Claude Rouquet l’éditeur de l’Escampette qui a quitté Bordeaux pour le calme et les paysages de la Vienne.
    L’œuvre se fabrique ainsi sous nos yeux, sur le thème – souvent – de la famille, des rapports aux autres, aux siens, aux proches. Ainsi de Parle-moi de Manolis, du Silence de chacun, d’À proprement parler, de Faute de parler… avec cette persistance d’expressions communes dans le titre. Aller au diable en est une belle. Le plus terrible avec Allain Glykos c’est qu’en prenant l’expression au pied de la lettre justement, il en tire la substantifique moelle pour nous montrer ce que nous sommes – et dont il ne s’exclut pas, loin s’en faut.

    Donc, Aller au diable. Allons-y.
    Antoine – ou François, ou Gustave, mettons–, fils d’Étienne cafetier et gendre de cafetier à l’enseigne du Petit Paris, admirateur de Paul Lafargue et de Jules Guesde,  précurseur de l’ascenseur social – tout ceci se passe fin XIXe, début XXe –, peseur de mots comme pas deux et père ambitieux… Antoine, donc, est un petit gars formidablement intelligent, qui aime bien les gambettes des clientes – et même des clients, il n’y aurait rien de sexuel là-dedans – au point de les reconnaître au premier coup d’œil, un petit gars qui passe des heures à diriger des colonnes de fourmis, à contrarier leur progression – le voilà « commandant des fourmis ».
    Les ambitions de papa, envoient Antoine au Lycée, à l’internat. Il a le soutien de l’instituteur, certes, mais il perd les jambes, les chaussures, les fourmis, et comme il est fort en thème – comme on dit –, il se taille une bien mauvaise réputation auprès de ses condisciples, fils de bourgeois pour l’essentiel – « Pour qui il se prend ce fils de cafetier ! ». 
    Il obtient son bac – la fiertié de papa ce jour-là… – l’année du cuirassé Potemkine – ça nous met en 1905. Du passé faisons table rase – qu’ils chantaient ! –, voilà ce qui lui paraît évident, seulement voilà, lui il a lu ça chez Descartes. Faire table rase de tout ce qu’il avait appris dans ce maudit Lycée pour commencer. Faire tabula rasa.
    Et ça pour faire table rase, il va l’araser la table. Il part. Il laisse tout. Il marche devant lui. Il croise une femme – Madeleine, jeune et jolie, tirée à quatre épingles, enfileuse de perles de profession, spécialisée en de couronnes mortuaires – elle le suit, comme un chien… comme un chien qui lèche la main de son maître. Il la possède sans joie, peut-être sans plaisir, il s’absente. Du monde, de lui-même. Il n’est plus là. Il marche, il marche, il va au diable.
    Dans les marais de Charente-Maritime, il croise un Courbet sur le motif, il colle de plus en plus à la vase, il s’y enfonce, Cet ensauvaginement, cet oubli – oublier devient le vrai moteur de son existence –, cette marche éperdue dans les crassats comme autant de charniers – allusion nette à la série de photographies de Jean-Luc Chapin sur des champs de tournesols dévastés –, avec les mots et les livres comme pires ennemis, devient une quête absolue du vide, alors que Madeleine elle, dans les mêmes pas, est engagée dans une éperdue quête du plein, du savoir.
    Ce roman, rompt, paradoxalement beaucoup moins qu’il pourrait paraître, avec l’œuvre antérieure. Pour la première fois sans doute Allain Glykos tient les siens à distance et cette façon de faire le révèle peut-être encore plus, encore mieux. Cette œuvre là est-elle le début de quelque chose, la fin de quelque chose… en tous cas, elle montre, comme jamais, à quel point Allain Glykos est un écrivain de premier plan qui demande à ses lecteurs toute leur attention. Pour la première fois, également, la portée politique du travail d’écriture d’Allain Glykos est nette et sans arrière-pensée. « Le soleil n’a que la largeur d’un pied d’homme » dit Héraclite, Glykos et Antoine en sont la preuve noire et rouge. « Je vais où je suis, je suis où je vais. » Oui.

     

    L’Escampette éditions
    BP 7 – 86300 Chauvigny