lundi, 24 juillet 2017
Louis Zukofsky, “A”
DR
« L’ordre muet du monde.
La mort façonne
Nos idées — on dirait un suc
Infime et virtuel — l’abeille butine et fertilise.
L’amitié n’est pas si douce.
Mais après soixante ans de
Lampes à incandescence
Le verre coule toujours comme du miel
Ou se pétrifie en forme de
Sucres d’orge que les enfants adorent —
Du véritable verre
Pour ainsi dire,
Qui fond dans la bouche
Comme sous la pluie —
Leur frimousse gelée
S’enflamme pour longtemps
Telles parcelles d’inventions :
Oreille moisie, as-tu des yeux ?
Ne parlez plus d’amour,
La liesse des grands jours
Ne coule plus dans le sang ?
La bonté meurt — ça arrive —
Elle en a trop fait.
L’amour donne sans compter,
Il voit avec l’esprit, pas avec les yeux
— il est aveugle.
Une voix : d’abord le corps —
Parle de tous les amours ! »
Louis Zukofsky
“A” (section 12)
Traduit de l’anglais (États Unis) par Serge Gavronsky et François Dominique
Coll. Ulysse Fin de Siècle, Éditions Virgile, 2003
18:53 Publié dans Écrivains, Édition, En fouillant ma bibliothèque | Lien permanent | Tags : louis zukofsky, “a”, serge gavronsky, françois dominique, ulysse fin de siècle, virgile
samedi, 22 juillet 2017
Jean-Claude Pirotte, « Un voyage en automne »
juin 2004 © cepdivin
« Marcel Schwob enfant s’enfermait au grenier pour lire “en mangeant un morceau de pain trempé dans un verre d’eau”. Que de charmes aux enfances des “aventuriers passifs” célébrés par Mac Orlan. Je crois que je faisais pareil, la nuit, lorsque, sur la pointe des pieds, j’allais écouter dormir mes parents en collant mon oreille à la serrure de leur chambre, avant de monter jusqu’au palier des mansardes, un livre et une bougie dérobés à la main. Lire était l’activité clandestine et ténébreuse par excellence. Elle l’est restée. Je levais les yeux et je voyais la lune apparaître entre deux nuages, au coin de la lucarne. Les rayons glissaient sur la page d’où semblaient s’élever comme un parfum les signes brouillés qui promettaient le bonheur et le mystère. Aujourd’hui encore je ne peux me défendre de penser que je suis aussi l’auteur des livres que j’aime. “Le plus haut plaisir du lecteur, comme de l’écrivain, est un plaisir d’hypocrite”, avoue Schwob. “Le vrai lecteur, dit-il encore, construit presque autant que l’auteur : seulement il bâtit entre les lignes.” C’est cela, et je n’aurai rien bâti qu’entre les lignes, ce qui me paraît une assez bonne façon de jouer à colin-maillard avec soi-même, et avec le monde. »
Jean-Claude Pirotte
Un voyage en automne
La Table Ronde, 1996
12:35 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : jean-claude pirotte, un voyage en automne, la table ronde
vendredi, 21 juillet 2017
Li Bai, « J’interroge la lune, une coupe de vin à la main »
Li Bai, DR
« Lune dans le ciel bleu, depuis quand es-tu là ?
Je te pose la question, une coupe à la main.
L’homme ne peut pas monter sur la lune claire ;
Mais la lune se promène toujours avec l’homme.
Miroir aérien brillant sur la porte rouge du palais ;
Elle répand un éclat pur quand la brume se dissipe.
On la voit se lever dans la nuit au-dessus de la mer ;
On oublie qu’elle se noyait dans les nuages du matin.
Le lièvre blanc y pile la drogue magique jour et nuit ;
Chang’e y habite seule, sans connaître de voisins*.
Les gens d’aujourd’hui, n’ont pas vu la lune d’antan ;
La lune d’aujourd’hui, elle, a éclairé les gens de jadis.
Gens d’aujourd’hui et de jadis : de l’eau qui coule ;
Mais c’est toujours la même lune qu’on contemple.
Puisse au moment où nous chantons face au vin
L’éclat du clair de lune illuminer nos coupes dorées. »
* Chang’e (ou Heng’e), enfuie dans la lune, en devint la déesse.
Li Bai – 701-762
« La dynastie des Song du Nord »
Traduit, présenté et annoté par Florence Hu-Sterk
In Anthologie de la poésie chinoise
La Pléiade, Gallimard, 2015
12:20 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : li bai, j’interroge la lune, une coupe de vin à la main, florence hu-sterk, gallimard
mardi, 18 juillet 2017
Annelyse Simao, « À l’échafaudage »
© Christiane Cartignies
« il est un silence qui n’est pas un silence
de paix attente ou regard
dans la file chacun-e posté-e devant
derrière le dos d’un-e autre
il est un silence qui ne naît pas silence
habité par un désir de lien
prêt à glisser sous l’espace
entre cœurs et têtes
entrouverts
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
il est un silence tendu
aussi bruyant et plus
assourdissant que plainte
opaque révolte serrée poitrine
pressée sous la veste bras repliés
silence
imposé par le lieu
soumis à la décision d’un-e autre »
Anelyse Simao
À l’échafaudage
Peintures de Christiane Cartignies
Coll. Voix de chants, Æncrages & Co, 2013
18:28 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : anelyse simao, à l'échafaudage, christiane cartignies, æencrages & co
dimanche, 16 juillet 2017
Christophe Manon, « Jours redoutables »
© : Frédéric D. Oberland
« on peine on aime on souffre et chante sous la pluie ou le soleil ardent cœur léger cœur lourd c’est la grâce de vivre et puis l’on se retrouve pantois plongé dans l’incertain on voudrait tant se dire demain qu’on n'a pas tout perdu sur un coup de tête ou de mauvais destin – il faudrait savoir dire merci savoir s’éprendre aussi d’autres que de soi-même et dénouer les fils emmêlés d’une vie sans allure qui s’effiloche et file à trop grande vitesse qu’on rafistole comme on peut avec de maigres riens – on a tant de joie en soi le désir est si fort parfois semblable à de la rage l’espoir s’est émoussé on ne craint plus d’échouer et c’est avec souplesse qu’on passe des ténèbres aux lumières et puis que l'on revient des lumières aux ténèbres on donne l’accolade à de vieux camarades (petit frère petite mère tous ceux dont la face d’une impeccable rondeur palpite dans la nuit comme un astre plein) qu’ils sachent qu’on ne s’est pas renié la lutte n’est pas vaine qu’on a persévéré sur le sentier des brusques solitudes et des amours incandescents qu’on a laissé couler malgré le petit tas de cendre le mince filet du doute jusqu’à ce qu’il tarisse – on se fraie une issue sous un gros ciel noir de souvenirs menaçants qui s’estompent en charriant une lente procession de pensées éperdues : on a si peur que cela cesse soudain que la fête s’arrête et c’est déjà le terme peur de n’avoir tant vécu que pour joindre à la fin la sarabande éternelle de ceux qui ne sont plus – saura-t-on jamais ce qui se trame dans l’espace insondable du temps et de quelle détresses notre avenir est le nom ? où vont les baisers échangés dans le secret des jours ? où vont-elles les étreintes furtives dérobées sous des porches obscurs ? et nos larmes très fertiles et douces comme des étoiles inabouties sous quelle ivresse les enfouir de quelle épiphanie leur faire sépulture ? les gestes affûtés on est encore capable de bondir mordre griffer s’il le faut on a le cuir de plus en plus épais la couenne toujours aussi coriace la dent dure les épaules rentrées on a appris à encaisser sans broncher mais on sait désormais que ce sont d’insaisissables spectres qu’on affronte telles des nuées d’insectes en agitant les bras »
Christophe Manon
Jours redoutables
Photographies de Frédéric D. Oberland
Les Inaperçus, 2017
13:34 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : christophe manon, jours redoutables, frédéric d oberland, les inaperçus
samedi, 15 juillet 2017
William Butler Yeats,«Michael Robartes et la danseuse»
DR
« Au point du jour
Fut-ce le double de mon rêve
Que la femme couchée à mon côté
Rêva, ou bien partageâmes-nous le même rêve,
Dans la première lueur froide du jour ?
Je pensais : “Il est un torrent
Sur le flanc de Ben Bulben,
Que toute mon enfance tint pour cher ;
Si je partais au bout du monde
Je ne pourrais trouver chose aussi chère.”
Mes souvenirs ont si souvent
Exagéré les délices de l’enfance !
J’aurais voulu le toucher comme un enfant
Mais, je le savais, mes doigts n’auraient touché
Que de l’eau et des pierres froides. Je m’emportai,
Accusant même le Ciel d’avoir
Pris ce décret parmi ses lois :
Rien de ce que nous aimons à l’excès
Ne se laisse estimer au toucher.
Je fis ce rêve à l’approche du jour,
L’aube soufflait sa froide rosée dans mes narines.
Or celle qui est couchée à mon côté
Avait, dans un sommeil plus amer,
Vu le cerf merveilleux d’Arthur,
Le noble cerf blanc, bondir
Dans la montagne, de rocher en rocher. »
William Butler Yeats
Michael Robartes et la danseuse, suivi de Le Don de Haround Al-Rachid
Bilingue
Présenté, annoté et traduit de l’anglais par Jean-Yves Masson
Verdier, 1994
15:51 Publié dans Écrivains, Édition, En fouillant ma bibliothèque | Lien permanent | Tags : william butler yeats, michael robartes et la danseuse, jean-yves masson, verdier
vendredi, 14 juillet 2017
William Butler Yeats « Quarante-cinq poèmes »
© : Charles Beresford, 1911
« Après ce long silence
Parler, après un long silence : c’est dans l’ordre,
Mort ou lassé tout autre qui t’aima,
Et tirés les rideaux sur la nuit hostile
Et voilée de ses franges la lampe hostile,
Qu’ainsi nous dissertions, à n’en plus finir,
Sur ces thèmes suprêmes, l’Art, le Chant.
La décrépitude du corps est sagesse. Jeunes,
Nous nous aimions, nous ne savions rien d’autre. »
William Butler Yeats
Quarante-cinq poèmes, suivis de La Résurrection
Bilingue
Traduit de l’anglais et préfacé par Yves Bonnefoy
Hermann, 1989
13:35 Publié dans Écrivains, Édition, En fouillant ma bibliothèque | Lien permanent | Tags : willima butler yeats, quarante-cinq poèmes, yves bonnefoy, hermann
jeudi, 13 juillet 2017
William Butler Yeats « Cinquante et un poèmes »
DR
« Un nid de sansonnets à ma fenêtre
Les abeilles bâtissent dans les crevasses
Entre les pierres qui se délitent et c’est là
Que les oiseaux apportent leurs vers et leurs mouches ;
Mon mur se délite ; abeilles à miel
Venez bâtir dans la maison abandonnée du sansonnet.
Nous avons fermé la porte, tourné la clef
Sur notre incertitude : quelque part
Un homme est tué, une maison brûlée
Rien pourtant de précis, aucun fait :
Venez bâtir dans la maison abandonnée du sansonnet.
Une barricade de pierres et de bois ;
Une quinzaine de jours de guerre civile ;
Hier soir ils ont traîné dans son sang
Mort sur la route ce jeune soldat :
Venez bâtir dans la maison abandonnée du sansonnet.
Nous avions nourri notre cœur de visions,
De cette chère le cœur a fait de la violence ;
Plus solide est notre haine
Que notre amour : ô, abeilles à miel,
Venez bâtir dans la maison abandonnée du sansonnet.
William Butler Yeats
« Méditations du Temps de la Guerre Civile » (1928) in Cinquante et un poèmes
Bilingue
Traduction de l’anglais et notes par Jean Briat
William Blake & Co. Edit, 1989, rééd. 1998
13:37 Publié dans Écrivains, Édition, En fouillant ma bibliothèque | Lien permanent | Tags : wiliam butler yeats, cinquante et un poèmes, jean briat, william blake & co.
mardi, 11 juillet 2017
Peter Gizzi, « Chansons du seuil »
Stéphane Bouquet & Peter Gizzi, lecture à Double Change, le 29 mai 2012
https://www.youtube.com/watch?v=wGBbgC4jzjI
« CLAIR DE LUNE & VIEILLES DENTELLES
d’après Blakelock
Et quand je suis mort
j’ai rejoint un clair de lune peint
vers la fin du XIXème.
Me voici
clignant des yeux dans les verts, les violets.
D’abord un mirage gloussant
de crépuscule et de peinture.
Invasion de joie.
Une couronne de lucioles
à l’huile blanche autour de moi.
Lanterne japonaise.
Mais tant bien que mal
ce qui quand on est mort
prend une éternité je commence
à m’installer dans la picturalité
et la grâce vive
des touches légère de lune
et la vraie profondeur
de ce clair de lune.
Argent et vieilles dentelles
leur relation à la musique
tous penchés sur la miroir de la nature.
Mais le centre vide
de traces blanchâtres
son air indélébile
arctique et tranchant
me transperce.
Je ne suis pas plus
vivant qu’une toile.
Pas plus mort que vivant.
À qui sont ces vents qui divaguent ?
Quelle mesure sans grâce
se déroule à mes pieds ?
Parle monde
foudroie et brûle
illumine ton caprice
qu’accroissaient ces instants.
Je sais qu’il y a un monde
là-bas devant. »
Peter Gizzi
Chansons du seuil
Traduit de l’anglais (États Unis) par Stéphane Bouquet
« Série américaine », Corti, 2017
15:20 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : peter gizzi, stéphane bouquet, corti
dimanche, 09 juillet 2017
Yaël Cange, « J’ai regret de vous »
« N’en peux plus de cette douleur, comprenez. Trop longtemps que ça dure.
Demain j’écrirai une lettre…
Faudra trouver les mots oui. Serais-je sans le savoir ? Je le pourrai. Le peux. Bien qu’à certains moments, ils me quittent. Bon. Pas de mal à espérer. Mais pour qui ces mots ? : des histoires de douleur — y en a t-il qu’on puisse entendre ? Ainsi — de celles-là : qui font crier le fond jusqu’à la gorge : “De grâce, de grâce, vous ! Par bonté, soutenez-moi.” Quand ce n’est pas que j’espère — j’implore, voyez. Dans tous les cas — c’est tant que je peux. Et puis je sais maintenant : ce n’est pas trop endurer ce que vous êtes. À voir jusqu’où — corps — pèse lourd sur moi, force m’est de supporter. Le faut pourtant. Vite. Vite. Avant que s’humilie, sinon la voix — du moins, le ferveur sauvage.
*
“Soutenez-moi” je disais. L’ai-je vraiment cru possible ? N’était-ce pas, plutôt, penser sans la parole, le geste : ce qu’il leur faudrait, à eux aussi — de peines ravagées.
Ô vous ! Préparez-moi — à affronter en l’être — le désert terrassant qu’amour ne laissa pas d’exercer.
Préparez-moi à l’affront devenu — avouable.
Préparez-moi.
*
Misère de tout ! Pour autant que je rêve — n’en demeure pas moins vrai — qu’anges — parfois, s’ils semblent éclairer, se prennent eux-mêmes — à leur propre déperdition.
Que s’achève, en ce cas — cette manière de désastre que je suis — serait chose peu concevable.
Force m’est seulement de supporter jusqu’où le cœur me bat. »
Yaël Cange
J’ai regret de vous
Dessins de Robert Groborne
Préface de Claude Louis-Combet
Coll. Écri(peind)re, Æncrages & Co., 2012
12:32 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : yaël cange, j'ai regret de vous, robert groborne, claude louis-combet, Æncrages & co
jeudi, 06 juillet 2017
Enrique Vila-Matas, « Mac et son contretemps »
DR
« Lectures qui laissent à jamais une trace. 53 jours, par exemple, le roman inachevé de Georges Perec. En fait, je crois qu’il a discrètement influencé ce journal d’apprentissage. Non, ce n’est pas que je le crois, c’est que je suis sûr maintenant qu’il a influencé mon journal, même si je l’avais oublié jusqu’à aujourd’hui. Le titre du livre de Perec, allusion directe au nombre de jours qu’il a fallu à Stendhal pour dicter son chef-d’œuvre, La Chartreuse de Parme, me fascine.
Perec n’a pas pu terminer son livre, il est mort en l’écrivant. Mais il faudrait peut-être nuancer. Depuis que j’ai lu, il y a un an, 53 jours, j’essaie de m’expliquer quelque chose d’étrange, pourquoi le manuscrit, ayant échoué chez ses amis oulipiens Harry Mathews et Jacques Roubaud, était-il pratiquement prêt à être édité. Comment l’expliquer ? Le manuscrit est divisé en deux parties parfaitement délimitées : la seconde étudie de nouvelles possibilités contenues dans l’histoire policière racontée dans la première et va jusqu’à la modifier. Ces deux parties sont suivies de quelques curieuses remarques intitulées “Notes renvoyant aux pages rédigées” qui, non seulement donnent un nouveau tour d’écrou déjà apporté par la seconde partie à la première, mais semblent en plus révéler ce qui suit : le roman de Perec n’a pas été interrompu par la mort et n’est donc pas inachevé, mais il avait besoin d’un contretemps aussi sérieux que la mort — déjà incorporée par Perec au texte lui-même — pour être complété même si, à première vue, il puisse paraître interrompu ou incomplet.
Un roman donc parfaitement planifié et “terminé” dans lequel Perec a tout calculé, y compris l’interruption finale.
Chaque fois que je feuillette de nouveau 53 jours, il me plaît de croire que Perec a écrit ce roman pour tourner la mort en dérision. Car n’est-ce pas tourner l’arrogante Mort en dérision que de lui cacher que l’auteur s’est joué d’elle en laissant croire à cette pauvre vaniteuse que c’est sa ridicule faux qui a interrompu 53 jours ? »
Enrique Vila-Matas
Mac et son contretemps
Traduit de l’espagnol par André Gabastou
Christian Bourgois, 2017
11:53 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : enrique vila-matas, mac et son contretemps, andré gabastou, christian bourgois
mardi, 04 juillet 2017
Ingeborg Bachmann, « Avec douceur et délicatesse »
DR
« Tout est mort. Tout mort.
Et dans ma panière à pain argentée
moisit le trognon de pomme séché
qui ne pouvait plus descendre.
Sur mes assiettes, qui y mange,
il doit rester un morceau de la corde
qui a été tressée pour moi.
Dans mon lit, qui y est couché,
doit encore bruisser la nuit le bout de papier
que j’y ai cousu.
Si peu de présence ! Il n’y a
que les objets lointains que je hante encore,
la lampe, la lumière,
là je l’allume et signifie :
tout le sang, ce flot de sang qui
a coulé. Mes assassins. »
Ingeborg Bachmann
Toute personne qui tombe a des ailes
Édition, introduction et traduction de l’allemand (Autriche) par Françoise Rétif
Poésie / Gallimard, 2015
12:17 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent